mercredi 3 février 2010

Tout n'est que «vanité»

Crédit photo: Jean-Alex Brunelle

C'est une «vanité» (2006) de Nicolas Rubinstein.
Une «vanité», selon Wikipédia, «est une catégorie particulière de nature morte dont la composition allégorique suggère que l'existence terrestre est vide, vaine, la vie humaine précaire et de peu d'importance».
Personnellement je trouve cette définition trop restrictive car il y a des «
vanités» qui ne sont pas du tout des «natures mortes» comme la toile «Memento mori» de Giovanni Martinelli, présentée dans le diaporama.
Et ci-dessous (voyez la représentation de la mort s'inviter au banquet à droite).
L'œuvre de Rubinstein est présentée dans un diaporama (ici) que 20 minutes.fr consacre à quelques «vanités» exposées au Musée Maillol à Paris jusqu'au mois de juin prochain.

Crédit photo: Gilles de Fayet

Je crois que le poème «Une charogne» de Baudelaire pourrait être considéré comme une «vanité» littéraire qui servait au poète, comme les autres pièces des «Fleurs du Mal», à «dé-diviniser» les objets de la poésie.
Voyez:
Une Charogne

Rappelez-vous l'objet que nous vîmes, mon âme,
Ce beau matin d'été si doux :
Au détour d'un sentier une charogne infâme
Sur un lit semé de cailloux,

Les jambes en l'air, comme une femme lubrique,
Brûlante et suant les poisons,
Ouvrait d'une façon nonchalante et cynique
Son ventre plein d'exhalaisons.

Le soleil rayonnait sur cette pourriture,
Comme afin de la cuire à point,
Et de rendre au centuple à la grande nature
Tout ce qu'ensemble elle avait joint ;

Et le ciel regardait la carcasse superbe
Comme une fleur s'épanouir.
La puanteur était si forte, que sur l'herbe
Vous crûtes vous évanouir.

Les mouches bourdonnaient sur ce ventre putride,
D'où sortaient de noirs bataillons
De larves, qui coulaient comme un épais liquide
Le long de ces vivants haillons.

Tout cela descendait, montait comme une vague,
Ou s'élançait en pétillant ;
On eût dit que le corps, enflé d'un souffle vague,
Vivait en se multipliant.

Et ce monde rendait une étrange musique,
Comme l'eau courante et le vent,
Ou le grain qu'un vanneur d'un mouvement rythmique
Agite et tourne dans son van.

Les formes s'effaçaient et n'étaient plus qu'un rêve,
Une ébauche lente à venir,
Sur la toile oubliée, et que l'artiste achève
Seulement par le souvenir.

Derrière les rochers une chienne inquiète
Nous regardait d'un œil fâché,
Épiant le moment de reprendre au squelette
Le morceau qu'elle avait lâché.

- Et pourtant vous serez semblable à cette ordure,
À cette horrible infection,
Étoile de mes yeux, soleil de ma nature,
Vous, mon ange et ma passion!

Oui! Telle vous serez, ô la reine des grâces,
Après les derniers sacrements
Quand vous irez, sous l'herbe et les floraisons grasses,
Moisir parmi les ossements.

Alors, ô ma beauté! Dites à la vermine
Qui vous mangera de baisers,
Que j'ai gardé la forme et l'essence divine
De mes amours décomposés!


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