mardi 2 février 2010

Des poèmes innombrables

Crédit photo: RFI

Cette photo est celle du livre publié par Raymond Queneau en 1961 et intitulé «Cent mille milliards de poèmes».
Queneau le présentait ainsi:

Ce petit ouvrage permet à tout un chacun de composer à volonté cent mille milliards de sonnets, tous réguliers bien entendu.
C’est somme toute une sorte de machine à fabriquer des poèmes, mais en nombre limité ; il est vrai que ce nombre, quoique limité, fournit de la lecture pour près de deux cents millions d’années (en lisant vingt-quatre heures sur vingt-quatre)
.

Pour en arriver à permettre de composer des sonnets en nombre faramineux le livre réunit quatorze rangées de dix languettes de papiers , chacune de ces languettes comportant un alexandrin.
Il y a donc 140 alexandrins, chacun pouvant se combiner avec les dix de chacune des neuf rangées de languettes qui accompagnent la sienne, ce qui donne cent mille milliards de combinaisons possibles.
Cent mille milliards de poèmes, plus précisément cent mille milliards de sonnets.
On peut distinguer 10 thématiques différentes sur lesquelles s'est appuyée la production des vers:

1. L'Amérique du sud
2. La Grèce antique
3. La mer
4. L'Inde
5. l'Italie
6. Visite de Paris
7. La gemellité
8. La Poésie
9. Nourriture et boisson
10. La mort

Chaque sonnet généré par la «machine» tresse donc quelques-uns de ces thèmes.
En voici deux exemples générés par un exemplaire automatique de la machine que M. Magnus Bodin a publié sur la Toile au mépris de la loi française du droit d'auteur (ici):

C'était à cinq o'clock que sortait la marquise

se faire il pourrait bien que ce soit des jumeaux

il se penche et alors à sa grande surprise

on espère toujours être de vrais normaux


Du voisin le Papou suçote l'apophyse

les gauchos dans la plaine agitaient leurs drapeaux

d'une étrusque inscription la pierre était incise

lorsque vient le pompier avec ses grandes eaux


On sèche le poisson dorade ou molve lotte

on sale le requin on fume à l'échalotte

il voudra retrouver le germe adultérin


Barde que tu me plais toujours tu soliloques

les Indes ont assez sans ça de pendeloques

si la cloche se tait et son terlintintin

Le 5e vers me semble particulièrement suggestif:

Du voisin le Papou suçote l'apophyse


En voici un second exemple:

Du jeune avantageux la nymphe était éprise

pour du fin fond du nez exciter les arceaux

une toge il portait qui n'était pas de mise

des narcisses on cueille ou bien on est des veaux


Quand on prend des photos de cette tour de Pise

qui clochard devenant jetait ses oripeaux

d'une étrusque inscription la pierre était incise

lorsque vient le pompier avec ses grandes eaux


Du Gange au Malabar le lord anglais zozotte

on sale le requin on fume à l'échalotte

lorsqu'on revient au port en essuyant un grain


Barde que tu me plais toujours tu soliloques

les banquiers d'Avignon chantent-ils les baïoques?

la gémellité vraie accuse son destin

Le neuvième vers me semble un bon résumé du défunt empire britannique:

Du Gange au Malabar le lord anglais zozotte

Le site de Magnus Bodin vous attend (toujours
ici) si cela vous chante.

1 commentaire:

atalante a dit…

Génial. Belle trouvaille pour moi. Merci.

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