Cette photo est celle du livre publié par Raymond Queneau en 1961 et intitulé «Cent mille milliards de poèmes».
Queneau le présentait ainsi:
Ce petit ouvrage permet à tout un chacun de composer à volonté cent mille milliards de sonnets, tous réguliers bien entendu.
C’est somme toute une sorte de machine à fabriquer des poèmes, mais en nombre limité ; il est vrai que ce nombre, quoique limité, fournit de la lecture pour près de deux cents millions d’années (en lisant vingt-quatre heures sur vingt-quatre).
Pour en arriver à permettre de composer des sonnets en nombre faramineux le livre réunit quatorze rangées de dix languettes de papiers , chacune de ces languettes comportant un alexandrin.
Il y a donc 140 alexandrins, chacun pouvant se combiner avec les dix de chacune des neuf rangées de languettes qui accompagnent la sienne, ce qui donne cent mille milliards de combinaisons possibles.
Cent mille milliards de poèmes, plus précisément cent mille milliards de sonnets.
On peut distinguer 10 thématiques différentes sur lesquelles s'est appuyée la production des vers:
1. L'Amérique du sud
2. La Grèce antique
3. La mer
4. L'Inde
5. l'Italie
6. Visite de Paris
7. La gemellité
8. La Poésie
9. Nourriture et boisson
10. La mort
Chaque sonnet généré par la «machine» tresse donc quelques-uns de ces thèmes.
En voici deux exemples générés par un exemplaire automatique de la machine que M. Magnus Bodin a publié sur la Toile au mépris de la loi française du droit d'auteur (ici):
C'était à cinq o'clock que sortait la marquise
se faire il pourrait bien que ce soit des jumeaux
il se penche et alors à sa grande surprise
on espère toujours être de vrais normaux
Du voisin le Papou suçote l'apophyse
les gauchos dans la plaine agitaient leurs drapeaux
d'une étrusque inscription la pierre était incise
lorsque vient le pompier avec ses grandes eaux
On sèche le poisson dorade ou molve lotte
on sale le requin on fume à l'échalotte
il voudra retrouver le germe adultérin
Barde que tu me plais toujours tu soliloques
les Indes ont assez sans ça de pendeloques
si la cloche se tait et son terlintintin
Le 5e vers me semble particulièrement suggestif:
Du voisin le Papou suçote l'apophyse
En voici un second exemple:
Du jeune avantageux la nymphe était éprise
pour du fin fond du nez exciter les arceaux
une toge il portait qui n'était pas de mise
des narcisses on cueille ou bien on est des veaux
Quand on prend des photos de cette tour de Pise
qui clochard devenant jetait ses oripeaux
d'une étrusque inscription la pierre était incise
lorsque vient le pompier avec ses grandes eaux
Du Gange au Malabar le lord anglais zozotte
on sale le requin on fume à l'échalotte
lorsqu'on revient au port en essuyant un grain
Barde que tu me plais toujours tu soliloques
les banquiers d'Avignon chantent-ils les baïoques?
la gémellité vraie accuse son destin
Le neuvième vers me semble un bon résumé du défunt empire britannique:
Du Gange au Malabar le lord anglais zozotte
Le site de Magnus Bodin vous attend (toujours ici) si cela vous chante.
1 commentaire:
Génial. Belle trouvaille pour moi. Merci.
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