samedi 28 février 2009

Température du 28 février 2009 à Saguenay

Matin---------------------------------------Après-midi

Montaigne qui écrivait pour penser

Je ne crois pas que, parmi ceux qui parlent français et qui aiment la littérature -et la consomment (ils sont peu nombreux de nos jours, croyez-moi, mais ont-ils été un jour nombreux ?)-, beaucoup aime Michel de Montaigne, que j'essaie d'imiter dans ce blogue.
C'est-à-dire de me laisser porter par les jours, les circonstances, le hasard et les mots pour accoucher de pensées (ou de souvenirs) que mon esprit n'aurait pu former autrement.

En ce qui concerne les Français, ils aiment que ceux qu'ils lisent -comme ceux qui leur enseignent- soient pleins de certitudes et énoncent des vérités en feignant de croire (mais en sachant bel et bien qu'il n'en est rien) que leurs auditeurs sont du même niveau de connaissances et d'intelligence qu'eux (« comme vous le savez », « comme on sait », répètent constamment ces « maîtres », avec du mépris au coin de la bouche).
Les Français aiment avoir des maîtres.
Habitude de « sujets » du roi?

Montaigne n'est pas un maître: son français est incertain car il pratique le souple français tel qu'il existait avant que le dictateur royal -Louis XIV, le maître des maîtres- ne le fasse fixer (du moins dans l'écrit car, en ce qui concerne le parler, Louis XIV préférait, comme les salons et les gens distingués de sa cour et de sa ville capitale, parler ce qu'on appellera le « québécois » au XXe siècle).
Et son orthographe est incertaine: celle-là non plus n'a pas encore été fixée comme elle le sera à la Révolution (aussi dictatoriale que Louis XIV).
Et comme les Français confondent langue et orthographe, de façon maniaque, et résistent à toute tentative de raisonnable réforme de l'orthographe (même ceux qu'on croyait les plus raisonnables d'entre eux, -Bernard Pivot par exemple qui est saisi d'une sorte de folie quand il est question d'orthographe, comme s'il s'agissait de piétiner l'hostie sacrée que la langue constitue pour lui), Montaigne semble suspect, lui et sa fantaisiste orthographe.
Et, en outre, sa pensée n'est pas fixée.

Non seulement son écriture n'est pas faite pour simplement rendre compte d'une pensée préalablement formée mais, pire encore, son écriture sert à former sa pensée.
Son écriture est un travail en cours.
Et les Français préfèrent dans leur majorité les produits finis, ceux où il ne reste aucune trace du travail par lequel on les a créés.
Montaigne est un artiste véritable : son œuvre est un faire (poiésis) et pas un « fait », déjà mort ou presque, quelque chose de « fixé », de « figé » pour l'éternité.
Il n'y a rien de dictatorial ou de méprisant ou d'éternel en Montaigne.
Par conséquent le lire est fatigant.

Mais il permet de penser et nul n'a mieux indiqué la voie de la pensée libre que lui.
C'est pourquoi Pascal -ce fanatique, ce fondamentaliste- le hait, et que les « Essais » ont été inscrits à l'Index romain (hypocritement, après la mort de Montaigne).
C'est pourquoi sans doute Shakespeare l'aimait tant, qui trouvait sa pensée en laissant parler ses personnages non comme lui parlait mais comme eux parlaient, et comme Montaigne la trouvait en écrivant.
Hommage soit rendu à ce descendant de marrane espagnol en ce jour où il est né en 1533 (juste l'année qui précède les explorations de Jacques Cartier en ce qui sera la Nouvelle-France).



Où l'on voit une pensée en train de se faire.

P.S. Pour ceux qui voudraient le lire en français moderne, voyez ici.

vendredi 27 février 2009

Température du 27 février 2009 à Saguenay

Matin---------------------------------------Après-midi

Des Toilettes payantes dans les airs

Décidément ces transporteurs nés du pétrole peu cher vont devoir disparaître avant de faire trop rire ou trop pleurer, selon le cas.

«MiniBushit» (excusez la vulgarité)

Cela a déjà été fait pour Bush. Voilà pour MiniBush (maintenant MiniObamablanc, car Bush ne fait plus bling-bling et ne peut plus être connu)!

jeudi 26 février 2009

Température du 26 février 2009 à Saguenay

Matin---------------------------------------Après-midi

Gares de style «château» au Québec

Il y a quelques gares, à Québec et à Montréal, que leur style architectural -dit « style château »- me rend sympathiques.
D'abord la Gare du Palais à Québec qui, comme tout à Québec, bénéficie d'un merveilleux entretien, lequel se marque par exemple dans les œuvres qui l'entourent et, notamment, la fontaine qui s'appelle « Éclatement II » de Charles Daudelin.
Pourquoi «  Gare du Palais », alors qu'il n'y a pas de palais aux alentours et que l'hôtel construit par la compagnie de chemin de fer qui a construit la gare est plutôt un château puisqu'il s'appelle « Château Frontenac » ?
Je n'ai pas la réponse.
Vous en voyez deux photos : une ci-dessus et l'autre ci-dessous avec la fontaine de Daudelin.

Mais il y a également deux gares à Montréal qui ont ce « style château ».
L'une -la Gare-Hôtel Viger- a un peu le même style que la Gare du Palais de Québec mais avec la teinte de briques du Château Frontenac. C'est à la fois une gare et un hôtel et ceux qui en ont fait la commande ont sans doute voulu qu'elle ait un petit quelque chose de la gare et un petit quelque chose de l'hôtel.
Charmante pensée et charmante gare dont le destin aurait été infiniment meilleur si elle avait été construite à Québec plutôt qu'à Montréal, car elle est maintenant à l'abandon (après avoir servi à des services de l'administration municipale qui l'ont saccagée) et l'administration montréalaise (celle qui saccage) souffre d'une telle langueur qu'on ne peut rien espérer d'elle en ce qui concerne la protection du patrimoine historique.
À Québec ce serait un grand monument entouré d'œuvres d'art plus belles les unes que les autres.
À Montréal il est quasi entouré d'un parc qu'on pourrait appeler « piquerie à ciel ouvert » fréquentée par tous les narcomanes de la ville.
Voyez comme elle est belle (ou beau si l'on considère que c'est aussi un château) malgré tout.

Il y a enfin à Montréal la Gare Windsor, du nom anglais de la dynastie allemande qui règne sur l'Angleterre et sur le Canada mais aussi du nom du château qu'a construit Guillaume le Conquérant aux environs de Londres après avoir vaincu les Anglo-saxons : je ne sais pas si ceux qui ont choisi le nom de cette gare ont pensé à toutes les implications de ce nom avant de le choisir.
Je pense pour ma part qu'à l'époque, à Montréal, les « décideurs » (en général anglophones) désiraient mettre de l'avant ce qui pouvait réunir les Québécois et leurs conquérants anglais : Guillaume le Conquérant -Normand et parlant cette forme d'ancien français qui s'appelait le « normand » (et pas du tout l'anglais -qui n'existait pas) pouvait, selon eux, plaire aux Québécois, tout roi d'Angleterre qu'il ait été.
Le « style château » de la Gare Windsor est un peu différent de celui des deux autres gares que je vous ai présentées : peut-être désirait-on réunir en elle quelque chose du style roman médiéval (dans ses parties anciennes) du Château de Windsor de Guillaume le Conquérant et quelque chose du style palazzo florentin tellement à la mode en Amérique du Nord à l'époque de sa construction.
La voici, jugez-en vous-mêmes :

mercredi 25 février 2009

Température du 25 février 2009 à Saguenay

Matin---------------------------------------Après-midi

Littérature et morale publique

Il y a longtemps que je n'avais pas présenté une citation d'Oscar Wilde (ci-dessus, la photo d'une de ses statues, celle de l'Archbishop Ryan Park à Dublin. Non que l'archevêque catholique qui a donné son nom à ce parc ait particulièrement aimé Wilde, mais voilà, pendant un certain nombre d'années Oscar Wilde a habité dans un des squares (Merrion Square) qui font partie du parc de l'archevêque).
Voici la citation qui acquiert encore plus d'intérêt quand on sait que le Procureur impérial qui a poursuivi Flaubert pour l'«immoralité» de «Madame Bovary» et Baudelaire pour l'«immoralité» des «Fleurs du mal» (et, en ce cas, la condamnation prononcée en 1857 n'a été levée en France qu'en 1949) le procureur Ernest Pinard (plus tard ministre de l'Intérieur, un des prédécesseurs de Sarkozy qui n'a pas démérité et s'est montré digne de son prédécesseur, vous en conviendrez) écrivait en secret des romans pornographiques (avec un nom pareil il aurait pu faire pire encore: du mauvais vin).

Les livres que le monde appelle immoraux
sont ceux qui lui montrent sa propre ignominie.

mardi 24 février 2009

Température du 24 février 2009 à Saguenay

Matin---------------------------------------Après-midi

Probable autoportrait de Léonard de Vinci

Intéressant ce probable autoportrait de Léonard de Vinci qu'on vient de découvrir dans les archives d'une vieille famille italienne à laquelle la famille de Léonard aurait été apparentée (des renseignements supplémentaires ici et, en anglais, ).
Outre le fait que la réputation de beauté du peintre se confirme, cette découverte donne de l'espoir quant à celle, un jour, des œuvres des écrivains et philosophes de l'Antiquité, perdues à cause de la religion chrétienne et des invasions barbares, ces deux catastrophes qui ont presque détruit la civilisation.

Voltaire donne une fête à Ferney pour célébrer la perte de la Nouvelle-France par la France

Une petite citation aujourd'hui en guise d'introduction à une simple remarque de ma part (ci-dessus, une reproduction de la première page du Traité de Paris de 1763, que l'on pourrait qualifier de traité le plus désastreux que la France ait jamais signé) :
Voltaire [...] n'a jamais aimé le Canada. En 1756, au début de la guerre de Sept Ans, il traite le Canada de « plus détestable pays du Nord » et se pose ainsi la question : « Pourquoi être allé s'établir dans un pays couvert de neiges et de glaces huit mois de l'année, habité par des barbares, des ours et des castors. » En 1759, il regrette « que la France et l'Angleterre soient en guerre pour quelques arpents de neige et qu'elles dépensent pour cette belle guerre beaucoup plus que tout le Canada ne vaut ». Après la capitulation de Montréal en 1760, Voltaire va même jusqu'à donner une grande fête à Ferney pour «célébrer le triomphe des Anglais à Québec» !
Enfin, après la signature du Traité de Paris, Voltaire écrit au ministre Choiseul pour le féliciter : « Permettez-moi donc, Monsieur, de vous faire mon compliment ; je suis comme le public, j'aime beaucoup mieux la paix que le Canada et je crois que la France peut être heureuse sans Québec. Vous nous donnez précisément ce dont nous avons besoin. »
Cette citation est prise ici.
Oui « La France peut être heureuse sans Québec ». Voltaire montre là toute sa clairvoyance à propos de la politique, ainsi, sans doute (je les ai bien observés) que celle des penseurs français en général, après lui et jusqu'à notre époque (je parle des philosophes et des intellectuels, pas des hommes de science, comme Lévi-Strauss par exemple, qui sont ennemis de ces penseurs et intellectuels).
Et voici ce que je voudrais dire : le Québec peut être heureux sans la France!
Surtout quand celle-ci élit des nuls comme Nicolas Sarkozy, mais aussi, dans le passé, quand elle a pris majoritairement parti pour des nuls comme Philippe Pétain et autres Napoléon Bonaparte (Ier et IIIe), Louis-Philippe Ier et je ne dis rien de Charles X, des présidents et présidents du conseil des 2e, 3e, 4e républiques ni des dictateurs sanguinaires de la Révolution française.
Je ne peux qu'à peine parler des présidents et premiers ministres de la Ve République qui, à l'exception du Général de Gaulle (qui savait, lui, l'erreur de la France en 1763 et voulait faire en sorte que nous lui pardonnions), n'ont montré aucune transcendance.
(Se peut-il que les gens croient que Nicolas Sarkozy est l'héritier du Général de Gaulle alors que, véritablement, il est celui de Philippe Pétain ?)
Nous, Québécois, avons été abandonnés aux mains des ennemis britanniques mais nous avons su nous jouer d'eux et nous approprier quelques-unes de leurs forces pour connaître sans doute un meilleur destin que si notre mère dénaturée (un peu comme l'incapable Jean-Jacques Rousseau abandonnant ses enfants à l'Assistance publique) ne nous avait pas abandonnés, à la grande joie de Voltaire (on ne sait pas ce que ce malade aurait fait de ses enfants s'il en avait eu).
Peut-être Voltaire aurait-il dû convier les Québécois à sa fête: ils auraient fêté comme ils savent le faire et lui auraient peut-être fait l'honneur de lui faire sa fête, ainsi que celle de ses béats autres invités.
Peut-être lui auraient-ils chanté, à la fin de sa fête, la chanson que Victor Hugo place sur les lèvres de Gavroche avant que cette « petite grande âme » ne s'envole dans Les Misérables, Gavroche étant abattu par les sbires du pouvoir dont Voltaire était manifestement l'allié et qui vont consolider le gouvernement des Orléans, aux dépens du peuple. Car cette chanson n'est pas sans faire penser.

On est laid à Nanterre,
C'est la faute à Voltaire,
Et bête à Palaiseau,
C'est la faute à Rousseau.

Je ne suis pas notaire,
C'est la faute à Voltaire,
Je suis petit oiseau,
C'est la faute à Rousseau.

Joie est mon caractère,
C'est la faute à Voltaire,
Misère est mon trousseau,
C'est la faute à Rousseau.

Je suis tombé par terre,
C'est la faute à Voltaire,
Le nez dans le ruisseau,
C'est la faute à...
Comme vous le savez, une dernière balle l'abat avant qu'il chante la fin du dernier vers.

Je suis tombé par terre,
C'est la faute à Voltaire.


Peut-être ces deux vers devraient-ils être répétés par la France elle-même.

lundi 23 février 2009

Température du 23 février 2009 à Saguenay

Matin---------------------------------------Après-midi

Aucun dieu, aucune religion, aucune nation ne vaut la vie d'un seul enfant

L'État d'Israël ne sera jamais légitime, dont la fondation repose sur l'utilisation des martyrs de la Shoah par les terroristes de la Haganah , de l'Irgoun et du Lehi.
Et sur la spoliation des terres d'un peuple maintenant lui aussi martyr.
C'est ce que nous rappelle la prise de parti contre la violence (rapportée ), devant ses hôtes israéliens, de l'écrivain japonais Haruki Murakami allant recevoir le
Prix Jérusalem pour la liberté de l'individu dans la société.
Mais un gouvernement régi par une quelconque loi religieuse (ici la Charia), préconisant l'inégalité entre la femme et l'homme et pratiquant l'ignorance des droits de croyants d'autres religions ne pourra jamais être légitime non plus.
Voilà le dilemme!
Aucun dieu, aucune religion, aucune nation ne vaut la vie d'un seul enfant, cet enfant fût-il une fille.
C'est ce que dit la chanson d'Adamo «INCH'ALLAH».



Dont voici les paroles:

Inch'Allah

de Salvatore Adamo

J'ai vu l'orient dans son écrin
Avec la lune pour bannière
Et je comptais en un quatrain
Chanter au monde sa lumière

Mais quand j'ai vu Jérusalem
Coquelicot sur un rocher
J'ai entendu un requiem
Quand sur lui je me suis penché

Ne vois-tu pas humble chapelle
Toi qui murmures : "Paix sur la terre"
Que les oiseaux cachent de leurs ailes
Ces lettres de feu : "Danger frontière" ?

Le chemin mène à la fontaine
Tu voudrais bien remplir ton seau
Arrête-toi Marie-Madeleine
Pour eux ton corps ne vaut pas l'eau

Inch'Allah Inch'Allah Inch'Allah Inch'Allah

Et l'olivier pleure son ombre
Sa tendre épouse son amie
Qui repose sur les décombres
Prisonnière en terre ennemie

Sur une épine de barbelés
Le papillon guette la rose
Les gens sont si écervelés
Qu'ils me répudieront si j'ose

Dieu de l'enfer ou Dieu du ciel
Toi qui te trouves où bon te semble
Sur cette terre d'Israël
Il y a des enfants qui tremblent

Inch'Allah Inch'Allah Inch'Allah Inch'Allah

Les femmes tombent sous l'orage
Demain le sang sera lavé
La route est faite de courage
Une femme pour un pavé

Mais oui j'ai vu Jérusalem
Coquelicot sur un rocher
J'entends toujours ce requiem
Lorsque sur lui je suis penché

Requiem pour six millions d'âmes
Qui n'ont pas leur mausolée de marbre
Et qui malgré le sable infâme
Ont fait pousser six millions d'arbres

Inch'Allah Inch'Allah Inch'Allah Inch'Allah

dimanche 22 février 2009

Température du 22 février 2009 à Saguenay

Matin---------------------------------------Après-midi

Rue des Capucines à Paris, au 24 devant lequel Stendhal est tombé

Pour faire suite à la note précédente: en 1982, lors d'un séjour à Paris, nous habitions rive droite, rue Saint-Honoré (Hôtel Costes? Hôtel Royal Saint-Honoré, je ne m'en souviens plus, peut-être un hôtel qui n'existe plus à gauche de l'entrée de la Place Vendôme) et nous avons quasi religieusement fait un pèlerinage rue des Capucines, au numéro 24.
C'est là que Stendhal est tombé, subissant une crise d'apoplexie (AVC), le 22 mars 1842, la veille de sa mort, c'est là sur le trottoir que ce grand esprit s'est éteint.
Voyez sur la carte entre la rue Cambon et la rue Volney, près du Boulevard de la Madeleine.
Notre pèlerinage avait lieu 140 ans plus tard et il ne restait évidemment aucune trace de cet évènement, excepté dans notre mémoire.
Le seul lieu où il reste une trace des gens sur la Terre, c'est dans le cœur et la mémoire de ceux qui les aiment.

Voici une photo de la rue des Capucines, une rue bien ordinaire, dont l'angle avec la
Place Vendôme est occupé par une boutique Bulgari et l'hôtel Mansart -à droite de Bulgari-, qu'on voit ci-dessous.

Visite à Milan pour le Prince Eugène

L'accompagnateur comptait nous faire passer la journée en excursion libre (c'est-à-dire sans lui) à Stresa.
C'est une jolie petite ville, Stresa, sur les bords du Lac Majeur, avec les Îles Borromées juste devant.

Un climat merveilleux, des hôtels chics, de bons restaurants (et les merveilleux gelati). Et nous aurions pu visiter la Suisse en face.
Mais à cause de l'inscription funéraire ci-haut, -celle qui apparaît sur le tombeau de Stendhal au Cimetière de Montmartre à Paris-, je tenais absolument à visiter Milan. C'est là que se passe en partie La Charteuse de Parme, l'un de mes romans favoris comme vous le savez, et où il y a, par exemple, le palais du vice-roi Eugène de Beauharnais, le beau-fils de Napoléon Bonaparte, dont une gravure (peut-être celle que je vous présente, par Andrea Appiani, ci-dessous) apparaît aussi dans la chambre qu'occupe, à Combray, le narrateur d'À la recherche du temps perdu.

Foin des désirs folichons de l'accompagnateur (dont l'incompétence a failli gâcher tout le voyage, -je vous déconseille Tours Solbec pour vos voyages en Italie car vous risqueriez de tomber sur cet incompétent), le groupe et nous avons exigé, et accompli, l'excursion à Milan, une chose au moins que nous n'avons pas ratée lors de ce voyage en Italie, -où nous en avons raté beaucoup.
Que dit cette inscription ?
En italien d'abord puisque Stendhal aimait tant l'Italie qu'il aurait voulu être italien et qu'il a composé lui-même cette épitaphe en italien :

 
ARRIGO BEYLE
MILANESE
SCRISSE
AMO
VISSE
ANN. LIX M. II.
MORI IL XXIII MARZO
MDCCCXLII


En français :

HENRI BEYLE
MILANAIS
IL ÉCRIVIT
IL AIMA
IL VÉCUT

À L'ÂGE DE 59 ANS ET 2 MOIS
IL MOURUT LE 23 MARS
1842
 
Manifestement puisque Stendhal (c'est le nom de plume d'Henri Beyle) se proclamait Milanais, -malgré le fait qu'il était né à Grenoble et avait vécu à Paris un certain temps et qu'il était vice-consul français à Civitavecchia-, il fallait visiter Milan.

Il ressemble à sa mère, Joséphine de Beauharnais, l'impératrice Joséphine.

samedi 21 février 2009

Température du 21 février 2009 à Saguenay

Matin---------------------------------------Après-midi

Un Gouvernement et des institutions pour faire semblant d'appartenir au monde civilisé

Depuis Pierre dit «le Grand», la Russie n'a jamais eu de vrais gouvernement ou de vraies institutions (justice, économie, culture, etc.). Toujours des gouvernements d'opérette. Des gouvernements qui jouent à être des gouvernements.
Avant (sous les assassins tsars Yvan), elle avait des gouvernements et des institutions qui ne jouaient à rien, qui étaient simplement les héritiers des gouvernements barbares de la Horde d'or et des Mongols ou des basileus dégénérés (depuis au moins Constantin dit «le Grand») de Byzance.
Meurtriers et stupides dans tous les sens du terme.
Ce qu'elle a eu depuis les «réformes» de Pierre Romanov ce sont des simagrées: le gouvernement impérial imitait les gouvernements royaux et impériaux d'Europe et le gouvernement soviétique imitait à la fois les gouvernements dictatoriaux d'Europe et les organisations mafieuses.
Et toutes les institutions qui découlaient de ces gouvernements -identiques dans leur désir d'imitation et dans leur indifférence à l'égard du progrès et du bonheur de leur peuple- jouaient littéralement le même jeu.
Jeu meurtrier dans tous les cas.
On croyait qu'avec la chute de l'empire soviétique dans les années quatre-vingt-dix, ce jeu immémorial avait pris fin: ces deux manchettes (en haut et en bas de cette note) sur le meurtre d'Anna Politkovskaïa nous rappellent que la Russie de Poutine est l'égale de celle (au singulier puisque c'est toujours essentiellement la même) de Catherine «la Grande», de Pierre «le Grand», des Nicolas, des Alexandre, des Staline, des Lénine et des Brejnev, etc.
Toujours le faire semblant assassin pour jouir d'un pouvoir qui ne donne que des satisfactions théâtrales, un gouvernement qui imite l'apparence des autres sans remplir aucune de leurs fonctions. Opérette (mais qui ne fait pas rire) ou théâtre (mais qui fait pleurer). Le gouvernement d'Ubu.

Et le peuple russe qui ne sait que cracher sur les martyrs. Et lécher les pieds des despotes.
Et être leur complice dans l'invasion de l'Europe (voire de l'Asie) et le retour en arrière de ces malheureux peuples assujettis dans la barbarie et les mœurs immondes de leurs envahisseurs.

vendredi 20 février 2009

Température du 20 février 2009 à Saguenay

Matin---------------------------------------Après-midi

Musique facile où se love le souvenir

En m'abonnant au Club de disques Columbia (il n'existe plus que sous la forme d'un site électronique) au début de mon adolescence, je comptais bien m'initier à tous les genres de musique qui n'avaient pas fait partie de mon enfance, c'est-à-dire essentiellement la musique classique et le jazz.
Mais à l'intérieur de la musique classique, il y avait de la musique considérée comme difficile -c'est-à-dire qu'elle jouissait d'un haut degré d'appréciation mondaine- et de la musique considérée comme facile, celle que jouait Liberace (voyez-le dans toute sa splendeur à droite)
chaque semaine à l'émission états-unienne (en direct de Los Angeles je crois) où il conquérait avec facilité de vieilles dames qui ne lui importaient guère (non plus que n'importe quelle dame, on l'a appris plus tard) en massacrant Tchaïkovski, Rachmaninov (les pièces vraiment faciles), Chopin et autres Rossini ou Pachelbel.
Car il les massacrait allègrement, je m'en suis aperçu plus tard en réécoutant certaines de ses rapidissimes interprétations qu'on présentait en faisant sa biographie à l'une des chaînes télévisuelles spécialisées qui, pour épuiser leur temps d'antenne, parlent de n'importe qui: il échappait presque toutes les notes pour terminer les pièces dans les temps que les annonces commerciales lui permettaient de leur consacrer.
J'avais donc acquis Les Variations Goldberg, Water Music (que Liberace n'avait pas la capacité de jouer) et Le Lac des cygnes de Tchaïkovski dont il jouait parfois -en deux ou trois secondes- deux ou trois portées, ne manquant pas de faire perler une larme au coin de l'oeil sur-maquillé de ses admiratrices. Je ne sais pas si elles déploraient le massacre ou appréciaient l'air et les mines de l'interprète.
Cette musique était considérée comme facile et on ne pouvait pas se vanter de la connaître ou, du moins, de l'apprécier.
Mais elle a quand même capturé et conservé en elle une partie de ma jeunesse.
Nos souvenirs ne prennent pas garde à l'appréciation que les gens formulent des choses, ils se lovent dans n'importe laquelle, où nous les retrouvons avec surprise et avec bonheur un jour ou l'autre si le destin a décidé de nous favoriser.
Voici deux pièces du Lac des cygnes qui a été présenté pour la première fois (l'échec a été total) aujourd'hui (selon le calendrier julien toujours en vigueur à l'époque chez les tsars), en 1877, à Moscou.
La première est le «pas de quatre» des petits cygnes dansé par le ballet du Théâtre Bolchoï à Moscou (là où le ballet a été présenté pour la première fois en 1877).


La deuxième est la célèbre valse présentée dans le film «Anna Karénine» (page en anglais au bout de ce lien), tourné en 1991.

jeudi 19 février 2009

Température du 19 février 2009 à Saguenay

Matin---------------------------------------Après-midi

Le Beau peut sortir du faux

Les Surréalistes, et particulièrement André Breton, croyaient rédiger, « sous la dictée de l'inconscient », des textes n'obéissant qu'aux lois de l'inconscient.
J'ai toujours trouvé très étonnant qu'ils ne se soient pas avisés que les mots que leur dictait l'inconscient appartenaient à la langue, ainsi que la syntaxe qui ordonnait ces mots.
Et que, par conséquent, la langue est une forme sociale antérieure à leur texte, une forme qui impose sa loi à l'inconscient et oblige celui-ci à des détours infinis qui n'ont rien à voir avec le contact direct que les Surréalistes croyaient avoir avec les pulsions et le désir.
Aux yeux de certains, cette inconséquence a pu durablement déprécier la voie de la littérature et de la poésie comme méthode de découvertes et d'inventions.
Mais qu'importe les théories fumeuses venues de l'enthousiasme de l'adolescence (laquelle en l'occurrence a duré toute sa vie dans le cas de Breton et s'est manifestée aussi dans cette attitude policière (héritée de son père, insinuent certains) et inquisitoriale -vraiment détestable- à l'égard de ses compagnons d'aventure), certains de leurs poèmes m'enthousiasment encore.
Comme celui-ci, de Clair de terre (1931, Poésie/Gallimard, 1966), qui apparaît partout, avec raison, et illustre combien la théorie surréaliste est fausse et les poèmes surréalistes, malgré cela, beaux :

Union libre


Ma femme à la chevelure de feu de bois
Aux pensées d'éclairs de chaleur
A la taille de sablier
Ma femme à la taille de loutre entre les dents du tigre
Ma femme à la bouche de cocarde et de bouquet d'étoiles de
dernière grandeur
Aux dents d'empreintes de souris blanche sur la terre blanche
A la langue d'ambre et de verre frottés
Ma femme à la langue d'hostie poignardée
A la langue de poupée qui ouvre et ferme les yeux
A la langue de pierre incroyable
Ma femme aux cils de bâtons d'écriture d'enfant
Aux sourcils de bord de nid d'hirondelle
Ma femme aux tempes d'ardoise de toit de serre
Et de buée aux vitres
Ma femme aux épaules de champagne
Et de fontaine à têtes de dauphins sous la glace
Ma femme aux poignets d'allumettes
Ma femme aux doigts de hasard et d'as de coeur
Aux doigts de foin coupé
Ma femme aux aisselles de martre et de fênes
De nuit de la Saint-Jean
De troène et de nid de scalares
Aux bras d'écume de mer et d'écluse
Et de mélange du blé et du moulin
Ma femme aux jambes de fusée
Aux mouvements d'horlogerie et de désespoir
Ma femme aux mollets de moelle de sureau
Ma femme aux pieds d'initiales
Aux pieds de trousseaux de clés aux pieds de calfats qui boivent
Ma femme au cou d'orge imperlé
Ma femme à la gorge de Val d'or
De rendez-vous dans le lit même du torrent
Aux seins de nuit
Ma femme aux seins de taupinière marine
Ma femme aux seins de creuset du rubis
Aux seins de spectre de la rose sous la rosée
Ma femme au ventre de dépliement d'éventail des jours
Au ventre de griffe géante
Ma femme au dos d'oiseau qui fuit vertical
Au dos de vif-argent
Au dos de lumière
A la nuque de pierre roulée et de craie mouillée
Et de chute d'un verre dans lequel on vient de boire
Ma femme aux hanches de nacelle
Aux hanches de lustre et de pennes de flèche
Et de tiges de plumes de paon blanc
De balance insensible
Ma femme aux fesses de grès et d'amiante
Ma femme aux fesses de dos de cygne
Ma femme aux fesses de printemps
Au sexe de glaïeul
Ma femme au sexe de placer et d'ornithorynque
Ma femme au sexe d'algue et de bonbons anciens
Ma femme au sexe de miroir
Ma femme aux yeux pleins de larmes
Aux yeux de panoplie violette et d'aiguille aimantée
Ma femme aux yeux de savane
Ma femme aux yeux d'eau pour boire en prison
Ma femme aux yeux de bois toujours sous la hache
Aux yeux de niveau d'eau de niveau d'air de terre et de feu.

Comment penser que la répétition des « ma femme » et la répétition des attributs introduits par « au » ou « aux » ne proviennent pas d'une règle aussi forte que les règles de la versification plutôt que, directement, du fonctionnement de l'inconscient ?
Ou alors il faut aussi penser que les règles de la versification traditionnelle (ou non) proviennent aussi de l'inconscient et ne sont que la systématisation de son fonctionnement (ce que je pense personnellement).


mercredi 18 février 2009

Température du 18 février 2009 à Saguenay

Matin---------------------------------------Après-midi

Michel-Ange, mort, amour et poèmes

C'est l'anniversaire de la mort de Michel-Ange (1564) (écrit le 18 février 2010).
Je me souviens de son tombeau (fait par Vasari) dans la belle Santo Croce de Florence (ci-dessus) où se trouvent les tombeaux ou cénotaphes des plus grandes gloires de l'Italie.
Il est à la droite de la nef , le voici :


(C'est le premier à droite)

Il a le genre « tombeau Michel-Ange » mais pas le génie je dirais.
J'ai trouvé un quatrain écrit par l'artiste qui, à tous ses génies (sculpture, peinture, architecture), ajoutait celui de la poésie.
C'est un quatrain qu'il a fait dire à « La Nuit » sculptée pour le tombeau de Julien de Médicis -elle n'est pas si belle, selon moi, mais la voici :

Les paroles que le quatrain lui fait prononcer sont plus intéressantes qu'elle-même, du moins pour un littéraire comme moi, et un littéraire de plus en plus scandalisé par son siècle.
Je l'ai traduit en alexandrins non rimés (et non malherbiens, car la césure parfois n'est pas à la place où elle devrait être) en l'adaptant (mais toute traduction est, avant tout, une adaptation qu'on tente de garder fidèle à l'original mais qui le trahit néanmoins, vous le savez).

L'original :

Grato m'è il sonno, e più l'esser di sasso.
Mentre che il danno e la vergogna dura,
Non veder, non sentir m'è gran ventura
Pero non mi destar, deh'- parla basso!

La traduction :
 
Quel bonheur de dormir, et que d'être de pierre.
Quand règnent partout la détresse et l'indécence,
Ne pas voir et ne pas entendre, quel bonheur !
Ne me réveille pas surtout, parle tout bas !
 
Il y a un autre poème, d'amour celui-là, que Michel-Ange a adressé à Tommaso de Cavalieri (pas d'article biographique où vous renvoyer : consultez l'article sur Michel-Ange).
Je n'en ai pas l'original, je ne peux donc pas m'essayer à le traduire moi-même. Je vous présente la traduction de Pierre Leyris (2004, chez Gallimard, collection Poésie) :


Je vois par vos beaux yeux une douce lumière
que par les miens, aveugles, je ne saurais voir ;
je porte avec vos pieds un fardeau sur l'échine
que les miens, claudicants, n'auraient jamais
                                                            [souffert ;


Je vole avec vos ailes, moi qui suis sans plumes,
par votre esprit sans cesse entraîné dans le ciel ;
je suis à votre gré ou livide ou vermeil,
transi dans le soleil ou chaud par froide brume.

Mon désir ne réside qu'en votre vouloir,
mes pensées ne se forgent que dans votre cœur,
mes paroles ne naissent que de votre souffle.

Je ressemble à ce qu'est, d'elle-même, la lune
dont nos yeux ne sauraient découvrir dans le ciel
qu'une portion : celle qu'embrase le soleil.

Quel amour s'exprime dans ces vers !
N'est-ce pas ?