La nostalgie n'a pas besoin que les objets qu'elle évoque aient été beaux ou, en tous cas, d'une qualité spéciale.
Ni que les lieux vers lesquels elle nous transporte aient été témoins de bonheurs.
Même des lieux où l'on s'est ennuyé, ou bien où l'on a eu l'impression qu'on perdait sa vie, peuvent la susciter.
Cette photo de New York -du photographe Berenholtz- qui m'est tombée sous les yeux récemment, alors que je faisais des recherches sur l'architecture « Art déco », a suscité de la nostalgie chez moi.
D'abord parce qu'elle m'a rappelé des « comptoir-lunchs » semblables (pas identiques, celui de Berenholtz est évidemment plus intéressant, peut-être seulement parce qu'il est new-yorkais, sait-on ?) dans les « grands magasins » de la ville où j'ai passé mon enfance et mon adolescence -qui n'avait rien de la folle jeunesse de François Villon *, parce que, moi, j'étudiais, peut-être trop.
(Mais ce rapport de ma ville et de New York montre où était la métropole que toutes les villes d'Amérique imitaient à cette époque)
Je me souviens particulièrement de celui du magasin Woolworth où j'allais certains samedis d'été, pour me tirer un peu de mes livres, manger un « sundae ».
C'était Woolworth et c'était un « sundae », rien d'un endroit chic et rien d'un dessert renommé (c'était sans doute le fruit d'une recette industrielle, servie d'un bout à l'autre de l'Amérique du Nord, comme était pré-programmée la disposition du magasin où l'on vendait uniquement des articles importés du Japon).
Mais cette photo a suscité en moi une étrange nostalgie.
Et puis je suis tombé sur une autre photo, celle-ci, datant des années cinquante (je crois qu'une amie me l'a expédiée avec d'autres photos de différentes époques présentant des lieux de la région où je vis mais dans des temps anciens, disons avant ma naissance).
C'est une photo de la rue Saint-Dominique de Jonquière.
(On voit par les voitures qu'elle date des années cinquante).
Vous voyez l'enseigne du magasin Woolworth à gauche.
C'est là qu'était le « comptoir-lunch » avec ses « sundaes » et ses « club-sandwichs ».
Dans le lointain, à gauche du « beffroi » de l'hôtel de ville au centre, l'église Saint-Dominique que je vous ai déjà présentée dans ce blogue (ici et là).
À part ces deux bâtiments, il ne reste presque rien maintenant de ce que présente la photo.
La rue qui croise la rue Saint-Dominique, la rue Saint-Aimé, est disparue.
(Et la maison d'une amie et de ses parents qui y habitaient -elle était la nièce d'une employée de Woolworth- et le « kiosque à hot-dogs et à patates frites » qui y ouvrait l'été).
Les bâtiments à droite sont toujours là mais le marchand de meubles « Légaré », le « grand magasin » Zellers (celui-ci survit ailleurs*) et le marchand de vêtements pour homme « Roland Desbiens » sont disparus.
Au premier plan, à gauche, « Les Chaussures Vogue » ont disparu et le Woolworth aussi (je crois qu'il n'en reste qu'en Angleterre et, me dit-on, au Mexique).
Le bâtiment d'où la photo est prise -le « Théâtre Empire », c'était malgré son nom une salle de cinéma- est disparu lui aussi.
Et je vois que le restaurant « Domino », la Pharmacie Bolduc (à gauche au deuxième plan), le cabinet de notaire et sa voisine, la Bijouterie Harry Roy (c'est la maison blanche à droite au deuxième plan), tout cela a disparu.
L'enseigne du Woolworth cache un grand magasin, le « Continental », comme nous disions, disparu également, corps et biens, et la succursale bancaire « Canadienne Nationale ».
Rien que du banal, la rue principale d'une lointaine et nordique petite ville de province d'Amérique du Nord.
D'où vient que s'y incarne ma jeunesse et qu'en naisse de la nostalgie ?
Plus encore que de la photo de Berenholtz ?
* Voici les beaux vers du 15e siècle auxquels je fais allusion :
Hé ! Dieu, si j’eusse étudié
Au temps de ma jeunesse folleNi que les lieux vers lesquels elle nous transporte aient été témoins de bonheurs.
Même des lieux où l'on s'est ennuyé, ou bien où l'on a eu l'impression qu'on perdait sa vie, peuvent la susciter.
Cette photo de New York -du photographe Berenholtz- qui m'est tombée sous les yeux récemment, alors que je faisais des recherches sur l'architecture « Art déco », a suscité de la nostalgie chez moi.
D'abord parce qu'elle m'a rappelé des « comptoir-lunchs » semblables (pas identiques, celui de Berenholtz est évidemment plus intéressant, peut-être seulement parce qu'il est new-yorkais, sait-on ?) dans les « grands magasins » de la ville où j'ai passé mon enfance et mon adolescence -qui n'avait rien de la folle jeunesse de François Villon *, parce que, moi, j'étudiais, peut-être trop.
(Mais ce rapport de ma ville et de New York montre où était la métropole que toutes les villes d'Amérique imitaient à cette époque)
Je me souviens particulièrement de celui du magasin Woolworth où j'allais certains samedis d'été, pour me tirer un peu de mes livres, manger un « sundae ».
C'était Woolworth et c'était un « sundae », rien d'un endroit chic et rien d'un dessert renommé (c'était sans doute le fruit d'une recette industrielle, servie d'un bout à l'autre de l'Amérique du Nord, comme était pré-programmée la disposition du magasin où l'on vendait uniquement des articles importés du Japon).
Mais cette photo a suscité en moi une étrange nostalgie.
Et puis je suis tombé sur une autre photo, celle-ci, datant des années cinquante (je crois qu'une amie me l'a expédiée avec d'autres photos de différentes époques présentant des lieux de la région où je vis mais dans des temps anciens, disons avant ma naissance).
C'est une photo de la rue Saint-Dominique de Jonquière.
(On voit par les voitures qu'elle date des années cinquante).
Vous voyez l'enseigne du magasin Woolworth à gauche.
C'est là qu'était le « comptoir-lunch » avec ses « sundaes » et ses « club-sandwichs ».
Dans le lointain, à gauche du « beffroi » de l'hôtel de ville au centre, l'église Saint-Dominique que je vous ai déjà présentée dans ce blogue (ici et là).
À part ces deux bâtiments, il ne reste presque rien maintenant de ce que présente la photo.
La rue qui croise la rue Saint-Dominique, la rue Saint-Aimé, est disparue.
(Et la maison d'une amie et de ses parents qui y habitaient -elle était la nièce d'une employée de Woolworth- et le « kiosque à hot-dogs et à patates frites » qui y ouvrait l'été).
Les bâtiments à droite sont toujours là mais le marchand de meubles « Légaré », le « grand magasin » Zellers (celui-ci survit ailleurs*) et le marchand de vêtements pour homme « Roland Desbiens » sont disparus.
Au premier plan, à gauche, « Les Chaussures Vogue » ont disparu et le Woolworth aussi (je crois qu'il n'en reste qu'en Angleterre et, me dit-on, au Mexique).
Le bâtiment d'où la photo est prise -le « Théâtre Empire », c'était malgré son nom une salle de cinéma- est disparu lui aussi.
Et je vois que le restaurant « Domino », la Pharmacie Bolduc (à gauche au deuxième plan), le cabinet de notaire et sa voisine, la Bijouterie Harry Roy (c'est la maison blanche à droite au deuxième plan), tout cela a disparu.
L'enseigne du Woolworth cache un grand magasin, le « Continental », comme nous disions, disparu également, corps et biens, et la succursale bancaire « Canadienne Nationale ».
Rien que du banal, la rue principale d'une lointaine et nordique petite ville de province d'Amérique du Nord.
D'où vient que s'y incarne ma jeunesse et qu'en naisse de la nostalgie ?
Plus encore que de la photo de Berenholtz ?
Voici quelques exemples de « sundaes ».
Ils sont servis dans des coupes « tulipes ».
Exception, celui du premier plan, un « Banana Split »,
réservé aux grandes occasions.
Aucun n'est vraiment aussi énorme
que ceux de ma jeunesse.
Ils sont servis dans des coupes « tulipes ».
Exception, celui du premier plan, un « Banana Split »,
réservé aux grandes occasions.
Aucun n'est vraiment aussi énorme
que ceux de ma jeunesse.
Cela vous rappelle-t-il la « petite madeleine » ?
* Voici les beaux vers du 15e siècle auxquels je fais allusion :
Hé ! Dieu, si j’eusse étudié
Et à bonnes mœurs dédié,
J’eusse maison et couche molle.
Mais quoi ? Je fuyaie l’école
Comme fait le mauvais enfant.
En écrivant cette parole,
À peu que le cœur ne me fend.
P.S. Et en écrivant ce billet « À peu que le cœur ne me fend ».
Pour si peu de chose pourtant :
Mais, quand d'un passé ancien rien ne subsiste, après la mort des êtres, la destruction des choses, seules, plus frêles mais plus vivaces, plus immatérielles, plus persistantes, plus fidèles, l'odeur et la saveur restent encore longtemps, comme des âmes, à se rappeler, à attendre, à espérer, sur la ruine de tout le reste, à porter sans fléchir, sur leur gouttelette presque impalpable, l'édifice immense du souvenir.
P. S. Ajout du 13 avril 2013 : tous les magasins Zellers sont maintenant disparus depuis la semaine sainte du mois de mars de cette année (il y a deux semaines).
6 commentaires:
Jonquière représente tant de nostalgie pour moi. Ma famille vient de Jonquière, mais ont déménagé à Québec peu avant ma naissance. Je n'y laisse que de bons souvenirs d'enfance passés auprès de mes cousins, cousines, oncles, tantes, grands-parents. Je n'ai plus beaucoup d'occasions d'y retourner, mais j'essaie d'y aller tous les étés. Mes parents me racontent tellement d'anecdotes sur leur jeunesse passée à Jonquière dans les années 70 et 80. J'aurais aimé vivre cette époque. Beaucoup de commerces ont disparu avec les années mais j'aime encore retourner visiter ceux qui ont survécu mon enfance. J'apporte une affection particulière au cran près de chez ma grand-mère. En le traversant, on rejoint le cimetière près de l'église St-Do! J'y ai passé des vacances mémorables cet été et j'ai hâte d'y retourner.
Je ne vois pas de quel cimetière vous voulez parler près de l'église St-Dominique mais votre sentiment à l'égard de cette ville (que j'ai connue , pour ma part dans les années 50 et 60, et où j'ai fait mon primaire et mon cours classique)semble équivaloir au mien !
Je dois me tromper d'église! J'étais très jeune à l'époque, alors 20 ans plus tard il est très possible que ma mémoire me fasse défaut :) Je demanderai à mon père et je vous reviendrai avec l'endroit exact du dit cimetière.
Peut-être s'agissait-il de l'église Saint-Georges, qui a été reconstruite depuis et transformé en édifice à condos.
Oui, je vois, c'est le cimetière où sont enterrés ma sœur et mon frère, ainsi qu'un certain nombre de mes oncles et tantes.
Il est situé près du mont Jacob etune assez grand distance le sépare de l'église Saint-Dominique : pour aller de l'église au cimetière il faut passer par la rue du Vieux-Pont, traverser la rivière Aux Sables : je dirais que c'est facilement à 3 ou 4 kilomètres de l'église. C'est plus près de l'ancienne église Saint-Raphaël qui se trouve sur la rue Saint-Jean-Baptiste où aboutit le chemin qui mène au cimetière.
Oui je vois! Eh bien à l'avenir je le saurai. J'y suis allée souvent. Que de bons souvenirs, aussi morbide que cela puisse paraître!
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