La vieille recette
Une histoire édifiante que m'a rappelée un ex-collègue hier et qui donne à penser sur les pouvoirs civilisateurs de l'instruction (je ne parle pas d'« éducation » car malgré le nom des ministères qui en ont la charge dans la plupart des pays, quelle que soit leur langue, -« Ministère de l'Éducation », nationale ou pas-, l'éducation ne s'acquiert qu'en petite partie à l'école).
C'est l'histoire de cet anthropophage qui retourne dans sa famille après avoir fait un doctorat sur John Donne à Cambridge.
Tout de suite après son retour il se remet à consommer de la viande humaine.
À un de ses amis et ancien confrère d'études qui lui rend visite un jour et se scandalise de ce retour à l'anthropophagie, le spécialiste de John Donne répond: « Mais tout est bien meilleur maintenant, car j'ai pris des cours de cuisine française pendant mes moments libres à Cambridge. Je sais accommoder mes plats avec les sauces les plus exquises ».
On a l'impression que ce qui se passe (sans doute fictivement) pour la nourriture se passe réellement, mutatis mutandis, au point de vue politique, religieux, social et moral, dans les pays anciennement colonisés par les Occidentaux.
Les vieilles recettes dictatoriales, fondamentalistes, les vieilles corruptions sont accommodées différemment sans avoir évolué.
C'est un portrait de John Donne, dont le texte fameux sur la solidarité humaine n'a pas changé fondamentalement celui qui pourtant est devenu spécialiste de son œuvre.
Voici ce texte et sa traduction:
No man is an island entire of itself; every man is a piece of the continent, a part of the main; if a clod be washed away by the sea, Europe is the less, as well as if a promontory were, as well as any manor of thy friends or of thine own were; any man's death diminishes me, because I am involved in mankind. And therefore never send to know for whom the bell tolls*; it tolls for thee**...
Aucun homme n’est une île, un tout, complet en soi; tout homme est un fragment du continent, une partie de l’ensemble; si la mer emporte une motte de terre, l’Europe en est amoindrie, comme si les flots avaient emporté un promontoire, le manoir de tes amis ou le tien; la mort de tout homme me diminue, parce que j’appartiens au genre humain; aussi n’envoie jamais demander pour qui sonne le glas*: c’est pour toi qu’il sonne...
* On dit que c'est à ce texte qu'Ernest Hemingway a emprunté le titre de son roman « For Whom the Bell Tolls » (« Pour qui sonne le glas » en français).
** Voici la version originale du texte, en anglais du 17e siècle, tel que l'écrivait Donne:
No man is an Iland, intire of itselfe; every man is a peece of the Continent, a part of the maine; if a Clod bee washed away by the Sea, Europe is the lesse, as well as if a Promontorie were, as well as if a Manor of thy friends or of thine owne were; any mans death diminishes me, because I am involved in Mankinde; And therefore never send to know for whom the bell tolls; It tolls for thee.
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