Voilà une personne prise en flagrant délit d'ignorance.
La comtesse Second Empire et Troisième République croit qu'on choisit les personnes qu'on aime.
Peut-être croit-elle aussi que les personnes qui deviennent amoureuses de nous le font par choix.
Que c'est par pure méchanceté que les personnes qui ne nous aiment pas ne sont pas amoureuses de nous.
Non, comtesse, l'amour nous tombe dessus, autant celui que l'on éprouve pour quelqu'un que celui que quelqu'un éprouve pour nous.
L'amour est involontaire.
Il ne provient pas de la volonté mais de ce qui est plus fort que nous, il provient du désir.
Parfois ce que nous aimons n'est pas digne d'être aimé mais on l'aime quand même.
Et parfois les personnes qui nous aiment nous aiment malgré eux, malgré nous.
Malgré ce que nous sommes.
Ce qu'on peut choisir c'est de tenter de ne pas nous abandonner à l'amour qu'on éprouve, mais impossible de cesser de l'éprouver.
Tout ce qui peut nous libérer d'un amour c'est un autre amour, qu'on ne choisit pas non plus d'éprouver.
Quelles naïves, quelles mijaurées ces comtesses Second Empire et Troisième République qui se mêlaient d'écrire des pensées!
Racine s'y connaissait mieux qui écrivait les tourments de l'amour involontaire de Phèdre pour Hippolyte, le fils de son mari Thésée:
Mon mal vient de plus loin. À peine au fils d'Égée
Sous les lois de l'hymen je m'étais engagée,
Mon repos, mon bonheur semblait être affermi,
Athènes me montra mon superbe ennemi.
Je le vis, je rougis, je pâlis à sa vue;
Un trouble s'éleva dans mon âme éperdue;
Mes yeux ne voyaient plus, je ne pouvais parler;
Je sentis tout mon corps, et transir et brûler.
Je reconnus Vénus et ses feux redoutables,
D'un sang qu'elle poursuit tourments inévitables.
Par des vœux assidus je crus les détourner:
Je lui bâtis un temple, et pris soin de l'orner;
De victimes moi-même à toute heure entourée,
Je cherchais dans leurs flancs ma raison égarée.
D'un incurable amour remèdes impuissants!
En vain sur les autels ma main brûlait l'encens:
Quand ma bouche implorait le nom de la déesse,
J'adorais Hippolyte, et le voyant sans cesse,
Même au pied des autels que je faisais fumer.
J'offrais tout à ce dieu, que je n'osais nommer.
Je l'évitais partout. Ô comble de misère!
Mes yeux le retrouvaient dans les traits de son[père.Contre moi-même enfin j'osai me révolter:
J'excitai mon courage à le persécuter.
Pour bannir l'ennemi dont j'étais idolâtre,
J'affectai les chagrins d'une injuste marâtre;
Je pressai son exil, et mes cris éternels
L'arrachèrent du sein, et des bras paternels.
Je respirais, Œnone. Et depuis son absence,
Mes jours moins agités coulaient dans l'innocence;
Soumise à mon époux, et cachant mes ennuis,
De son fatal hymen je cultivais les fruits.
Vaines précautions ! Cruelle destinée!
Par mon époux lui-même à Trézène amenée,
J'ai revu l'Ennemi que j'avais éloigné:
Ma blessure trop vive aussitôt a saigné.
Ce n'est plus une ardeur dans mes veines cachée:
C'est Vénus toute entière à sa proie attachée.
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