vendredi 14 mai 2010

Veuleries diverses

Journée médicale aujourd'hui, de telle sorte que je ne puis écrire mon premier billet que maintenant.
J'ai lu hier à Libération.fr (et j'en ai gardé un passage à vous faire lire maintenant) un essai de l'écrivain britannique Adam Thirlwell portant sur la société britannique en général et sur la veulerie des tabloïds de son pays en particulier, pires encore que les sbires de Bush aux États-Unis (d'ailleurs ils sont aussi des sbires de Bush malgré leur nationalité).
Cet essai, qui s'intitule « Essai sur le spectacle britannique », est ici et il est tout entier très bien, je vous y renvoie donc.
Mais je veux vous en citer un paragraphe, le plus intéressant pour vous montrer la veulerie de ces tabloïds et, naturellement, celle de leurs lecteurs.
Ce sont les équivalents pour l'information des vendeurs de malbouffe et des embouteilleurs de malboire (vous savez à qui je fais allusion).
Ces tabloïds sont des fabricants de « mal-lire » (excusez le néologisme).
Voici ce paragraphe:

En septembre 2003, Baha Mousa - un civil irakien qui avait été arrêté à l’hôtel Ibn al-Haitham où il était réceptionniste - est mort alors qu’il était détenu par les forces armées britanniques en Irak. L’autopsie a établi qu’il était mort par asphyxie ; il y avait 93 blessures identifiables. Il avait 26 ans. Sa femme était récemment morte d’un cancer. La cour martiale mise en place pour enquêter sur sa mort a rendu son jugement en 2007. Un militaire, le caporal Donald Payne, qui a plaidé coupable d’avoir infligé un traitement inhumain, a été condamné à un an de prison et a été renvoyé de l’armée. En réponse, le Sun -le plus connu des tabloïds britanniques (sa devise : « Vous avez une histoire ? Nous payons des £££ »)- a publié un éditorial typique : « Ceci ne doit pas ternir l’image de nos forces armées qui se battent avec courage contre des ennemis qui prétendent être des civils ordinaires. »

Ceux que l'armée massacre sont nécessairement des ennemis, quelles que soient leur prétention à être des civils.
C'est facile: dès qu'un soldat britannique massacre une personne, cette personne devient un ennemi si elle ne l'était pas avant d'être massacrée.
Pour les tabloïds.
C'est ce que Wolfe avait fait tout au long du Saint-Laurent lors de la guerre de conquête de la Nouvelle-France.
S'il y avait eu des tabloïds à cette époque ils auraient justifié les massacres (les victimes étaient des « damned Frenchies »).
(D'ailleurs n'y a-t-il pas une inscription commémorative félicitant Wolfe à l'intérieur de l'Abbaye de Westminster ? Et surtout un monument gigantesque ? Oui, je les ai vus !)
Ils auraient justifié la déportation des Acadiens.
Je suis sûr qu'ils ont justifié l'assassinat du jeune Brésilien par un policier qui le prenait pour un Pakistanais après les attentats du métro de Londres il y a quelques années (ils sont tous ainsi ignorants peut-être, les policiers britanniques, autant que ceux des anciennes colonies j'imagine).
Je vous laisse réfléchir à ce que sont mes sentiments devant ces veuleries (celles des tabloïds et celles des soldats et celles des policiers).


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