jeudi 1 octobre 2009

La Dérision et la subversion: la manière de Botero


On dirait un Benoît XVI gonflé
(mais certes pas aux hormones)

En systématisant l'obésité et en l'attribuant à tous, comme on le voit sur les reproductions de quelques-uns de ses tableaux ci-dessus, Botero nous apprend quelque chose sur notre société (pas sur une quelconque société nationale, sur la société mondiale): l'assaut de cette obésité sur nos corps.
(L'obésité est un autre effet de cette caractéristique fondamentale de la société capitaliste dont nous sommes tous prisonniers et qui s'appelle la «cupidité», la cupidité à l'égard de l'argent, de la propriété... et de la nourriture, entre autres choses).
Mais cette systématisation, quand elle s'exerce sur des acteurs de nos sociétés que l'art, historiquement, malgré lui très souvent, pas toujours, a magnifiés, divinisés, transformés en plus qu'humains, en presque Dieu (le but de l'art est de diviniser, disait à peu près Hegel), a un autre effet.
Inverse.
Cette systématisation artistique «dé-divinise», si vous me permettez le néologisme, ce que l'art ancien avait, depuis l'origine, ou, en tous cas, depuis les deux ou trois mille dernières années, divinisé.
L'art de Fernando Botero, en s'exerçant sur les papes, cardinaux, évêques et autres monarques et seigneurs, brûle ce que, immémorialement, l'art avait adoré.
Cette subversion, qui prend, chez Botero, l'aspect de la dérision, prend chez d'autres artistes d'autres formes.
Chez Francis Bacon, par exemple, ou chez Pablo Picasso.
Ou chez Salvador Dali.
Mais tout l'art moderne est celui de la subversion, de la «dé-divinisation».
Non que l'art ancien n'ait pas quelquefois été subversif, mais il l'a été de manière secrète et jamais systématiquement.
Le danger était grand. La dictature implacable.
Je pense au portait du cardinal Tommaso Inghirami (page en anglais au bout de ce lien) de Raphaël (voir ci-dessous) où l'obésité et les infirmités (celui de l'œil droit par exemple) ne sont pas dissimulées mais cependant fondues et adoucies selon la manière raphaélesque.
D'habitude Raphaël embellit (divinise) tout ce qu'il peint: la dérision de ce tableau n'est pas vraiment subversive (voyez vous-même), et demeure exceptionnelle.

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