dimanche 22 novembre 2009

La Dame de Délos

C'est « La Dame de Délos » de Hans Arp que possède depuis peu le Musée des beaux-arts de Montréal.
Arp l'a créée, j'imagine, en pensant d'abord (le matériau est le même) à l'un des célèbres lions qui nous accueillent à Délos et qui sont effectivement si célèbres qu'ils sont représentés sur les billets qu'il faut se procurer pour être admis sur l'île, laquelle ne compte aucun habitant (à l'exception des gardiens des lieux) depuis très longtemps.
Voici le billet de 2006, que Denise Pelletier a placé sur son site « Billets de concert »(ici), où l'on voit ces lions :

Et voici les lions originaux bien à l'abri à l'intérieur :

Les lions qui nous accueillent sont des copies mais ils donnent le ton à la visite de l'île qui se fait dans un recueillement palpable étant donné le silence qui y règne, un silence qui est celui d'un cimetière, selon moi.
Un cimetière car le roi Mithridate VI, le roi du Pont et l'ennemi inexpiable des Romains, qui deviendra plus tard un héros de Racine, en massacrera la quasi totalité des habitants en 88 avant Jésus-Christ lors de sa guerre contre Rome.
(Il la perdra et, désirant se suicider pour échapper à ses ennemis, il ne pourra pas recourir au poison puisqu'il s'était progressivement habitué à tous (c'est ce qu'on appelle la « mithridatisation ») de peur d'être empoisonné: il devra recourir à l'arme d'un de ses soldats).
Voici les copies dans le milieu qu'occupaient les lions originaux pendant tant de siècles:

Je ne sais pas ce qu'a voulu évoquer Arp par sa sculpture ou par le nom qu'il lui a donné: la vierge Artémis (déesse de la lune), la sœur d'Apollon
(le dieu du soleil), qui, comme son frère, est, selon la légende, née sur cette île, la rendant ainsi sacrée ?
Ou une dame romaine massacrée par les troupes de
Mithridate et symbolisant ses compagnes de malheur ?
Ou la douceur féminine du marbre grec que l'on ressent en contemplant la sculpture?
Je ne sais pas, mais cette sculpture m'a rappelé effectivement la douceur de
Délos, et l'éclat de son soleil, et le vieux guide grec qui, comme je l'ai déjà raconté dans ce blogue, montrait de sa main ce brillant et chaud soleil quand il prononçait, avec une sorte de révérence, le nom sacré d'Apollon.
Voici quelques vers de la dernière scène du Mithridate de
Racine où le roi mourant dit sa fierté d'avoir été l'un des ennemis ayant causé le plus de pertes aux Romains et de mourir avant d'être leur esclave :

Ennemi des Romains et de la tyrannie,
Je n'ai point de leur joug subi l'ignominie,
Et j'ose me flatter qu'entre les noms fameux
Qu'une pareille haine a signalés contre eux,
Nul ne leur a plus fait acheter la victoire,
Ni de jours malheureux plus rempli leur histoire.
Le ciel n'a pas voulu qu'achevant mon dessein,
Rome en cendre me vît expirer dans son sein ;
Mais au moins quelque joie en mourant me console :
J'expire environné d'ennemis que j'immole ;
Dans leur sang odieux, j'ai pu tremper les mains,
Et mes derniers regards ont vu fuir les Romains.

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