lundi 4 janvier 2010

Contemporains éternels

C'est la statue équestre originale de l'empereur Marc-Aurèle à Rome. Elle se trouve à l'intérieur du Palais des Conservateurs au Capitole, alors qu'une copie se trouve là où Michel-Ange avait voulu l'originale lorsqu'il a fait les plans de cette place.
Elle n'a survécu aux destructions chrétiennes (j'allais écrire «crétines») que parce qu'on croyait que c'était la statue de Constantin*, à qui les Chrétiens doivent en grande partie leur domination historique sur notre civilisation (jusqu'à tout récemment dans certains cas).
Remarquez les dorures originelles sur la tête du cheval et le manteau de l'empereur: une légende dit que lorsqu'elles seront complètement effacées ce sera la fin du monde**.
Superstition chrétienne, et qui devait s'appliquer à la statue aux temps où l'on croyait que c'était celle de Constantin.
Je vous la présentais pour vous faire remarquer que, comme les cavaliers antiques, l'empereur chevauchait sans étriers pour appuyer ses efforts dans les combats et reposer ses pieds et ses jambes pendant les longs trajets.
Les étriers n'étaient pas inventés, du moins dans l'empire romain.
Cette absence d'étriers peut expliquer la faiblesse de la cavalerie romaine face aux armées de cavaliers barbares qui ont détruit l'empire (sous sa forme romaine ou sous sa forme byzantine): ceux de la lointaine Asie par les plaines russes et ceux de l'Arabie musulmane.
Mais je vous la présente surtout (après réflexion) pour vous consoler (et me consoler moi-même) de vivre à l'époque présente, avec les contemporains qui sont les vôtres (et les miens).
Voici la pensée de
Marc-Aurèle qui le fera:

La nature n'aime rien tant que de changer ce qui est pour le remplacer par ce qui lui ressemble.

Hier ou dans les siècles passés, ou demain et dans les siècles à venir, nous aurions vous et moi rencontré les mêmes contemporains, détestables souvent, aimables rarement.
Profitons de ce moment qui passe et qui est le nôtre: nous n'aurions pas été plus (ni moins)*** heureux dans un autre.

* Ce dernier a beaucoup emprunté d'éléments à un Arc de triomphe détruit de
Marc-Aurèle pour édifier son propre Arc près du Colisée. Comme la religion dont il a favorisé la domination, Constantin était un geai qui se vêtait des plumes du paon (voir ici).
** C'est sans doute à cause de cette superstition qu'on a placé la statue originale à l'intérieur: l'or ne s'efface plus aussi rapidement.
*** Cette parenthèse introduite entre deux mots qui vont ensemble et semblent inséparables constitue une forme de «tmèse», figure qui représente selon moi le fonctionnement fondamental de la pensée et du désir. J'en reparlerai peut-être un jour (en ai-je déjà parlé en parlant de Montaigne?).

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