mardi 19 janvier 2010

Lettre prophétique sur l'inanité et le danger de la réforme de l'enseignement

Voici une photo d'écran d'une lettre publiée dans le journal «Le Devoir» en 2003, protestant contre ce que Joseph Facal appelle «un immense gâchis», gâchis qui consiste à avoir confié l'enseignement à ceux qui savent «tenir une classe» mais rien d'autre (voir le billet à ce sujet que j'ai écrit aujourd'hui ici) et la confection des programmes à des «apprentis sorciers».
L'auteur de cette lettre, M. Régis Aubé, est un ancien étudiant du module des lettres de l'UQAC (il a aussi étudié à l'UQAM) et est maintenant professeur dans un collège secondaire. Il a donc l'expérience du terrain, si je puis dire.
Il m'a donné la permission de publier sa lettre in extenso dans le présent billet.
Vous trouverez l'originale ici (en plus de la photo d'écran ci-haut) et voici le texte de cette lettre, prophétique à l'époque parce qu'elle annonçait d'avance tout ce qui allait se passer (et se passera si rien ne change):

Lettres: des cours qui ne méritent pas le détour

12 février 2003
En réponse à Marc Turgeon, doyen de la faculté d'éducation de l'UQAM

Confier aux facultés d'éducation la responsabilité de la formation disciplinaire des enseignants? Non, non et non.

Après un baccalauréat en études littéraires françaises où, au contact de professeurs compétents et passionnés, j'ai exploré une discipline extraordinairement riche, voilà que je termine maintenant une formation en enseignement secondaire. Un détour de deux ans et demi, ce n'est pas la fin du monde, comme vous dites.

Mais laissez-moi vous dire qu'à part les stages, qui nous permettent de côtoyer des gens passionnés de l'enseignement qui acceptent de partager leur expérience, les cours de pédagogie, de gestion de classe, de conception de scénarios ou de fondements des apprentissages, pour ne nommer que ceux-là, ne méritent vraiment pas le détour. On répète les mêmes choses d'un cours à l'autre, on donne de petites recettes pédagogiques, on nous dit que nous ne sommes plus des enseignants mais des guides, etc.

À la faculté des sciences de l'éducation, la pédagogie règne en maître. On vise à former des enseignants polyvalents, aptes à enseigner plusieurs matières. On postule qu'une fois qu'ils auront appris les formules magiques, ils pourront aller en classe sur demande, avec un minimum de connaissances de la discipline à enseigner. Ce ne sont plus des historiens qui enseigneront l'histoire ou des biologistes qui enseigneront la biologie mais des enseignants qui enseigneront tout court. Le verbe «enseigner» est maintenant un verbe intransitif. Et pour la pensée critique, on repassera: l'autonomie intellectuelle n'a pas sa place dans ces facultés qui semblent posséder le savoir suprême. Je tremble à l'idée de laisser la responsabilité de la formation disciplinaire des enseignants à ces gens-là.

2 commentaires:

atalante a dit…

L'Obcresession maladive de la pensée critique est aussi présent dans les classes et les programmes.

Jack a dit…

Je ne connais pas ce mot «Obcresession». Qu'est-ce?

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