dimanche 14 mars 2010

Ferrat I - «Nacht und Nebel», la nuit de la mort

Je présente cette première image de Jean Ferrat, celle de la pochette du disque que l'auteur-compositeur-interprète a entièrement consacré à la poésie de Louis Aragon: c'est cette image qui m'intéresse davantage.
Mais ce n'est pas une chanson de ce disque que je vais vous présenter d'abord (d'ailleurs en existe-t-il de ces chansons sur la Toile?), c'est plutôt «Nuit et Brouillard», traduction française du nom que les Nazis avaient donné en allemand -Nacht und Nebel- à l'opération visant à débarrasser leur régime de tous ceux qu'ils considéraient comme leurs ennemis, les Juifs d'abord, comme Jean Ferrat lui-même et comme son père qui sera assassiné dans le camp d'Auschwitz mais pas seulement les
Juifs.
Les Gitans aussi, et les homosexuels (les «triangles roses»), et les trop rares, hélas, opposants chrétiens allemands.
C'est ce que souligne la chanson de Ferrat qui, quoique d'origine juive lui-même comme je l'ai dit, ne tentait pas, lui, de confisquer la Shoah au profit des seuls Juifs, comme le font ceux qui veulent pouvoir continuer à persécuter les autres, faute de pouvoir s'attaquer encore aux Juifs.
Comme sa sainteté le pape allemand (et son église) à l'égard des homosexuels et comme les anciennes républiques populaires d'Europe de l'Est dont les habitants s'attaquent aux Gitans, avec la tacite (parfois active) complicité de leurs gouvernements
.
Je souligne ces vers:

Certains priaient Jésus, Jéhovah ou Vichnou,
D'autres ne priaient pas, mais qu'importe le ciel!
Ils voulaient simplement ne plus vivre à genoux.

Voici deux vidéos de «Nuit et brouillard», l'une de 1960 et l'autre de 1980 (le son y est meilleur) suivies des paroles complètes de la chanson.
Je vous présenterai les poèmes d'Aragon mis en musique et interprétés par Ferrat demain ou après.

1960



1980




Et voici les paroles:

Nuit et Brouillard

Ils étaient vingt et cent, ils étaient des milliers,
Nus et maigres, tremblants, dans ces wagons
[plombés,
Qui déchiraient la nuit de leurs ongles battants,
Ils étaient des milliers, ils étaient vingt et cent.

Ils se croyaient des hommes, n'étaient plus que des
[nombres
Depuis longtemps leurs dés avaient été jetés
Dès que la main retombe, il ne reste qu'une ombre
Ils ne devaient jamais plus revoir un été.

La fuite monotone et sans hâte du temps,
Survivre encore un jour, une heure, obstinément,
Combien de tours de roues, d'arrêts et de départs
Qui n'en finissent pas de distiller l'espoir?

Ils s'appelaient Jean-Pierre, Natacha ou Samuel,
Certains priaient Jésus, Jéhovah ou Vichnou
D'autres ne priaient pas, mais qu'importe le ciel!
Ils voulaient simplement ne plus vivre à genoux.

Ils n'arrivaient pas tous à la fin du voyage,
Ceux qui sont revenus peuvent-ils être heureux?
Ils essaient d'oublier, étonnés qu'à leur âge
Les veines de leurs bras soient devenues si bleues.

Les Allemands guettaient du haut des miradors,
La lune se taisait comme vous vous taisiez,
En regardant au loin, en regardant dehors
Votre chair était tendre à leurs chiens policiers.

On me dit à présent que ces mots n'ont plus cours,
Qu'il vaut mieux ne chanter que des chansons d'amour,
Que le sang sèche vite en entrant dans l'histoire,
Et qu'il ne sert à rien de prendre une guitare.

Mais qui donc est de taille à pouvoir m'arrêter?
L'ombre s'est faite humaine, aujourd'hui c'est l'été,
Je twisterais les mots s'il fallait les twister
Pour qu'un jour les enfants sachent qui vous étiez.

Vous étiez vingt et cent, vous étiez des milliers,
Nus et maigres, tremblants, dans ces wagons
[plombés,
Qui déchiriez la nuit de vos ongles battants
Vous étiez des milliers, vous étiez vingt et cent.

4 commentaires:

Anonyme a dit…

Jean Ferrat était donc votre bon juif ?

Jack a dit…

Je vois que vous êtes infecté.

Jack a dit…

Par ailleurs, tous les Juifs de la diaspora ont été et sont d'un apport indispensable à la civilisation occidentale. Freud, Einstein, Marx, Proust, combien d'autres encore, ont refondé l'Occident.
Comme vous le voyez j'ai une infinité de bons Juifs.

Anonyme a dit…

merci c'est cool je peux faire on histoire des art

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