Gesù de Montréal

Je viens de retrouver, dans les photos que j'ai prises l'automne dernier à Montréal, cette vue de l'église du Gesù, sur la rue de Bleury.
Elle est prise à partir de la rue Sainte-Catherine et je l'ai prise parce que cette vue est provisoire: elle est due à la destruction d'un ensemble de bâtiments qui la dissimulaient, d'autres bâtiments la dissimuleront à nouveau bientôt.
C'est la vue qui n'est pas ordinaire. L'église, quant à elle, n'a rien d'extraordinaire.
Elle n'a que des moignons de clochers, comme vous pouvez voir, car les fidèles des Jésuites n'ont pu fournir le financement nécessaire à leur édification.
Elle est un autre fruit de la folie romaine et ultramontaine de l'évêque Ignace Bourget (qui avait une infinité d'autres folies*). Celui-ci aurait désiré que toutes les églises de son diocèse reproduisent l'une ou l'autre des églises de Rome.
Celle-ci est censée ressembler au Gesù de Rome, comme la cathédrale Marie-Reine-du-Monde est une reproduction miniature de Saint-Pierre.
Le Gesù de Rome est loin, n'est-ce pas?
L'évêque Bourget jouait au petit pape local faute de pouvoir accéder au pouvoir universel.
Heureusement le Gesù de Montréal a rencontré la réalité et son extérieur n'a pu être complètement terminé.
Elle comprend une salle de spectacle où j'ai déjà assisté à une représentation théâtrale, une tragédie de Racine je crois, à destination des collégiens: était-ce Bérénice ou Britannicus? Je n'en ai pas conservé un souvenir transcendant.
Un peu ironique, n'est-ce pas?, la représentation d'une pièce d'un crypto-janséniste, -Racine a demandé d'être inhumé aux pieds d'un Monsieur de Port-Royal (Jean Hamon)- dans un antre des Jésuites, leurs ennemis acharnés.
Est-ce seulement au Québec que l'on peut voir cela?
Je vous présente cette vue parce que vous ne pourrez bientôt plus y avoir accès.
Voici l'objet modèle, le Gesù de Rome. Pas grand chose à voir avec celui de Montréal, n'est-ce pas?


* Voir ici une manifestation éloquente de folie orgueilleuse, l'Affaire Guibord.