lundi 1 novembre 2010

«Soudain l'été dernier» des «Têtes heureuses»

Je pense qu'il y a dans cette photo de
dionée attrape-mouche, dans cette position,
des éléments qui permettraient
de lever certains mystères du texte,
de la représentation, des personnages, des péripéties
de «
Soudain l'été dernier»

J'ai assisté hier après-midi (dimanche) à la représentation par «Les Têtes heureuses» de «Soudain l'été dernier» (la lien renvoie au film de Mankiewicz mais on peut y lire l'argument de la pièce) de Tennessee Williams.
«Soudain l'été dernier» est un poème textuel (pléonasme? songez que cela est présenté comme un texte théâtral).
«Les Têtes heureuses» l'ont transformé, le transforment, en un poème théâtral.
Chaque élément de «Soudain l'été dernier» répond en effet à un autre, comme les rimes dans un poème.
Dans un texte comme «Soudain l'été dernier», comme dans un roman, -ou dans toute littérature- ces rimes s'appellent (c'est «ma tasse de thé») des «mises en abyme», ou des «réflexions», ou des éléments de réflexivité, ou des «motifs», voire des leitmotivs (c'est le pluriel de «leitmotiv» en français).
Peut-être devrait-on parler de «rimes de contenu» pour parler le langage des traducteurs français de Louis Hjelmslev.
«Soudain l'été dernier» est même un grand poème puisque chaque élément ne répond pas seulement à un autre mais à plusieurs autres, et renvoie à l'ensemble.
«Soudain l'été dernier» est un poème polyphonique.
Cette plante carnivore du jardin de Sébastien -le personnage mort sur lequel repose toute l'histoire- cette «dionée attrape-mouche» («Venus flytrap» dans le texte original) renvoie au mode de fonctionnement de ce Sébastien pour attraper des amants… et pour attraper des poèmes (qui eux-mêmes renvoient au texte qui les contient, du moins on peut le présumer)
Le récit du début de la pièce -fait par la mère de Sébastien- sur les bébés tortues dévorées dès leur éclosion sur les plages noires des Îles Galapagos par les oiseaux noirs affamés qui noircissent le ciel de leur vol tourbillonnant, ce récit annonce le récit de la fin (littéralement) -fait par Catherine, la cousine de Sébastien, qui a remplacé la mère de celui-ci dans son stratagème attrape-amants, attrape-poèmes- de la mort du blanc vêtu de blanc Sébastien, dévoré vivant par les essaims tourbillonnants et affamés des petits mendiants espagnols de Cabeza de Lobo.
Peut-être le stratagème de la mère de Sébastien pour obtenir par le chantage et l'argent le discrédit du témoignage de Catherine est-il aussi une variante de ces rimes et de l'activité de la «dionée» (tous les personnages ne sont-ils pas des «dionées»?).
La mise en scène (Rodrigue Villeneuve), le décor (Michel Gauthier), l'éclairage (Alexandre Nadeau), le son (Patrice Leblanc), le jeu des comédiens (particulièrement celui -profond, prodigieux- de Maude Cournoyer, qui joue Catherine, et celui de Lucille Perron, qui joue la mère de Sébastien) transforment ce poème textuel en poème théâtral, comme je l'ai dit.
Les éléments du texte ont de subtiles «rimes» de lumière que le magnifique décor nous renvoie, -décor blanc pour pouvoir renvoyer et reprendre toutes les lumières et toutes les obscurités (le texte dit «jardin», une douce
«rime» de lumière verte s'élève; «plages noires des Galapagos», «rime» de lumière sombre; «blancheur éclatante de Cabeza de Lobo», «rime» de lumière presque aveuglante).
Des
«rimes» sonores (est-ce le mot? musicales?), subtiles elles aussi, répondent avec finesse au texte.
Les personnages «riment» entre eux aussi, surtout les deux protagonistes principaux, la mère et la cousine de Sébastien (il me faudrait relire et revoir la pièce pour expliciter ces
«rimes» pour tous les personnages).
D'un poème polyphonique, «Les Têtes heureuses» ont fait, font, une représentation théâtrale polyphonique.

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