samedi 27 novembre 2010

Et les maisons, les routes, les avenues, sont fugitives, hélas, comme les années.

«L'Avenue du Bois» de Georges Stein (1870 - 1955)
(ce lien présente Georges Stein comme un homme
alors qu'elle était une femme. Lapsus proustien?)

C'est aujourd'hui (selon certaines sources, le 14 novembre selon d'autres), en 1913, que paraît, à compte d'auteur, «Du côté de chez Swann» le premier tome d'«À la recherche du temps perdu» de Marcel Proust.
Pour commémorer cet événement important pour moi, je vous présente les dernières lignes de ce volume, celles où le narrateur de «la Recherche» fait le constat attristé que les lieux, comme toute chose, sont emportés dans le tourbillon du temps et que, malgré les apparences, on ne voit jamais plus ce qu'on a déjà vu.
Il s'agit ici de l'Avenue du Bois (devenu aujourd'hui l'Avenue Foch), qui n'est plus, au moment où il la revoit, que l'ombre de celle où jadis Mme Swann se promenait:

Le soleil s’était caché. La nature recommençait à régner sur le Bois d’où s’était envolée l’idée qu’il était le Jardin élyséen de la Femme; au-dessus du moulin factice le vrai ciel était gris; le vent ridait le Grand Lac de petites vaguelettes, comme un lac; de gros oiseaux parcouraient rapidement le Bois, comme un bois, et poussant des cris aigus se posaient l’un après l’autre sur les grands chênes qui sous leur couronne druidique et avec une majesté dodonéenne semblaient proclamer le vide inhumain de la forêt désaffectée, et m’aidaient à mieux comprendre la contradiction que c’est de chercher dans la réalité les tableaux de la mémoire, auxquels manquerait toujours le charme qui leur vient de la mémoire même et de n’être pas perçus par les sens. La réalité que j’avais connue n’existait plus. Il suffisait que Mme Swann n’arrivât pas toute pareille au même moment, pour que l’Avenue fût autre. Les lieux que nous avons connus n’appartiennent pas qu’au monde de l’espace où nous les situons pour plus de facilité. Ils n’étaient qu’une mince tranche au milieu d’impressions contiguës qui formaient notre vie d’alors; le souvenir d’une certaine image n’est que le regret d’un certain instant; et les maisons, les routes, les avenues, sont fugitives, hélas, comme les années.


L'Avenue du Bois aujourd'hui, c'est-à-dire l'Avenue Foch,
photographiée selon le point de vue du tableau.

Qui dit que Mme Swann et le narrateur
de «
la Recherche» ne se trouvent pas parmi
ces promeneurs 1900 photographiés

pour paraître sur cette carte postale de l'époque?


Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire