Pour beaucoup de femmes à cette époque, la société n'envisageait que deux voies : le mariage ou le couvent.
Le mariage plaçait les femmes sous l'autorité de leur mari. Leur vie se concentrait sur le foyer et les enfants. La vie au couvent exigeait des vœux stricts, l'obéissance et la séparation du monde extérieur. Elle impliquait aussi souvent une dot importante.
Mais certaines femmes choisirent une autre voie.
On les appelait les béguines.
De nombreuses béguines vivaient dans des béguinages. Il s'agissait de groupes de petites maisons construites autour de cours communes. Elles comprenaient souvent une chapelle et des espaces communs. Elles ressemblaient davantage à des quartiers qu'à des couvents, même si elles suivaient certaines règles et étaient parfois soumises à l'autorité de l'Église ou de la ville.
Une béguine ne prononçait pas de vœux à vie. Elle était libre de partir. Elle pouvait se marier, retourner dans sa famille ou choisir une autre voie. Son engagement était volontaire et pouvait évoluer avec le temps.
Dans de nombreux endroits, les béguines pouvaient gérer leur argent et leurs biens, surtout si elles étaient célibataires ou veuves. Les lois variaient d'une région à l'autre, mais elles bénéficiaient généralement d'une plus grande liberté économique que les femmes mariées, dont les droits étaient souvent limités.
Les béguines gagnaient leur vie grâce à des métiers qualifiés. Elles tissaient, faisaient de la dentelle, soignaient les malades, enseignaient aux enfants, brassaient des bières et prenaient soin des autres. Elles priaient ensemble et pratiquaient la charité, mais la plupart travaillaient aussi pour subvenir à leurs besoins.
Ce mélange de foi, de travail et d'indépendance était inhabituel.
Nombre de béguines se consacraient aux soins des malades, à l'éducation des jeunes et à l'assistance aux pauvres. Certaines devinrent d'importantes écrivaines et mystiques qui influencèrent la pensée religieuse.
Mechthild de Magdebourg relata ses visions dans La Lumière divine.
Hadewijch de Brabant écrivit des poèmes et des lettres sur l'amour divin.
Marguerite Porete écrivit Le Miroir des âmes simples. Elle fut exécutée pour hérésie en 1310, bien que son livre continuât à se diffuser anonymement pendant des siècles.
Ces femmes affirmaient avoir vécu des expériences directes de Dieu. Certaines de leurs idées inquiétèrent les autorités ecclésiastiques, d'autant plus que l'enseignement religieux était alors principalement contrôlé par les hommes.
La réaction de l'Église fut mitigée. La plupart des béguines adhéraient aux croyances chrétiennes établies, et de nombreuses communautés furent autorisées à exister ouvertement. Certaines bénéficiaient même du soutien de l'Église locale. Cependant, leur structure souple et leur indépendance suscitèrent des inquiétudes.
Aux XIIIe et XIVe siècles, des conciles enquêtèrent sur certains groupes. Certains furent restreints ou condamnés, notamment lorsque des individus étaient accusés d'idées non orthodoxes. Malgré tout, de nombreuses communautés béguines survécurent et continuèrent de croître.
À leur apogée au XIIIe siècle, des milliers de femmes vivaient comme béguines à travers l'Europe. De grands béguinages existaient dans des villes comme Gand, Louvain, Cologne, Strasbourg et Paris. Ces communautés accueillaient les veuves, les femmes qui n'avaient pas les moyens de constituer une dot et celles attirées par la vie religieuse sans pour autant prononcer de vœux à vie.
Elles créaient des espaces d'entraide où les femmes se soutenaient mutuellement. Leur travail leur permettait de subvenir à leurs besoins. Leur vie spirituelle ne se conformait pas toujours aux règles officielles.
Nombre de béguinages ont perduré pendant des siècles. Plusieurs en Belgique sont aujourd'hui inscrits au patrimoine mondial de l'UNESCO. Le mode de vie béguinal s'est perpétué sous différentes formes jusqu'à l'époque moderne.
Les béguines n'ont pas cherché à détruire la société ni la religion. Au contraire, elles ont discrètement construit une alternative en leur sein. Elles ont démontré que, même dans des systèmes restrictifs, les femmes pouvaient trouver un moyen de vivre autrement.
Par le travail partagé, la foi et une organisation pratique, elles ont créé des choix que les institutions formelles n'offraient pas clairement.
Dans un monde qui poussait les femmes vers le mariage ou le couvent, les béguines ont montré une troisième voie. Une vie fondée sur la communauté, le travail et le dévouement. Et pendant des siècles, cette voie a perduré parallèlement aux systèmes qui semblaient jadis définir l'avenir des femmes.


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