Je l'avoue, j'aime les pieds.
Je ne sais pas pourquoi.
Je les aime avant de leur trouver des qualités.
Qui sait vraiment pourquoi il aime ce qu'il aime et pourquoi il aime telle ou telle personne plutôt que telle autre, telle ou telle chose plutôt que telle autre?
L'amour est plus fort que nous. Il est enfant de Bohème.
En voyant ces pieds de bébé sur la Toile, j'ai su tout de suite que je vous les présenterais.
J'aurais pu vous les présenter seuls car ils se suffisent à eux-mêmes.
Mais j'ai rencontré un poème italien un peu prosaïque qui faisait l'éloge des pieds et je n'ai pu résister à la tentation de vous le présenter ainsi que sa traduction française.
Le poème est d'Erri de Luca et il s'intitule en italien «ELOGIO DEL PIEDE». Le voici suivi de sa traduction (selon moi, il est mieux en italien):
I nostri piedi sono il mezzo per muoverci, comunicare, giocare, conoscere, apprendere, ma spesso ce ne dimentichiamo. Perché?
Perché sono lontani dalla testa.
Perché conoscono il suolo, le spine, i serpenti, l'aspro e lo sdrucciolo
Perché sono tutto l'equilibrio.
Perché sono la superficie che spetta quando si sta in una folla e si sopporta un gomito altrui in una costola, un braccio sotto il naso, una cartella nell'addome, ma non si permette di calpestarceli.
Perché sono il minimo ed inviolabile confine.
Perché reggono l'intero peso.
Perché sanno tenersi su appoggi e appigli minimi.
Perché sanno correre sugli scogli e neanche i cavalli lo sanno fare.
Perché portano via.
Perché sono la parte più prigioniera di un corpo incarcerato. E chi esce dopo molti anni deve imparare di nuovo a camminare in linea retta.
Perché sanno saltare, e non è colpa loro se più in alto nello scheletro non ci sono ali.
Perché sanno piantarsi nel mezzo delle strade come muli e fare una siepe davanti al cancello di una fabbrica.
Perché sanno giocare con la palla e sanno nuotare.
Perché per qualche popolo pratico erano unità di misura.
Perché quelli di donna facevano friggere i versi di Pushkin. (Onegin, strofa 31).
Perché gli antichi li amavano e per prima cura di ospitalità li lavavano al viandante.
Perché sanno pregare dondolandosi davanti a un muro o ripiegati indietro da un inginocchiatoio.
Perché mai capirò come fanno a correre contando su un appoggio solo.
Perché sono allegri e sanno ballare il meraviglioso tango, il croccante tip-tap, la ruffiana tarantella.
Perché non sanno accusare e non impugnano armi.
Perché sono stati crocefissi.
Perché anche quando si vorrebbe assestarli nel sedere di qualcuno, viene scrupolo che il bersaglio non meriti l'appoggio.
Perché, come le capre, amano il sale.
Perché non hanno fretta di nascere, però poi quando arriva il punto di morire scalciano in nome del corpo contro la morte.
Nos pieds sont le moyen pour nous déplacer, communiquer, jouer, connaître, apprendre, mais souvent nous les oublions. Pourquoi ?
Parce qu’ils sont loin de notre tête.
Parce qu’ils connaissent le sol, les épines, les serpents, le rugueux et le glissant.
Parce qu’ils sont tout l’équilibre.
Parce qu’ils sont la surface qui nous appartient quand on est dans une foule et qu’on encaisse le genou d’un autre dans une côte, un bras sous le nez, un cartable dans le ventre mais on ne permet pas qu’on nous les piétine.
Parce qu’ils sont la frontière minimum et inviolable.
Parce qu’ils soutiennent le poids tout entier.
Parce qu’ils savent s’accrocher aux moindres prises et appuis.
Parce qu’ils savent courir sur les rochers et les chevaux ne savent même pas le faire.
Parce qu’ils nous emmènent.
Parce qu’ils sont la partie la plus prisonnière d’un corps emprisonné. Et celui qui sort après de nombreuses années doit apprendre de nouveau à marcher en ligne droite.
Parce qu’ils savent sauter et ce n’est pas leur faute s’il n’y a pas d’ailes, plus haut, dans le squelette.
Parce qu’ils savent se planter au milieu des rues comme des mules et faire une haie devant la grille d’une usine.
Parce qu’ils savent jouer au ballon et nager.
Parce qu’ils étaient unité de mesure pour des peuples pragmatiques.
Parce que ceux des femmes faisaient crépiter les vers de Pouchkine (Onegin, strophe 31).
Parce que les anciens les aimaient et lavaient, comme premier soin d’hospitalité, ceux du voyageur.
Parce qu’ils savent prier en se balançant devant un mur ou repliés sur un prie-Dieu.
Parce que je ne comprendrai jamais comment ils font pour courir en comptant sur un seul appui.
Parce qu’ils sont joyeux et savent danser le merveilleux tango, la croustillante danse à claquettes, la flatteuse tarantelle.
Parce qu’ils ne savent pas accuser et parce qu’ils ne prennent pas les armes.
Parce qu’ils furent crucifiés.
Parce que, même quand on voudrait les balancer sur le derrière de quelqu’un, vient le doute que la cible ne mérite pas l’appui.
Parce que, comme les chèvres, ils aiment le sel.
Parce qu’ils n’ont pas hâte de naître, pourtant quand arrive le moment de mourir ils ruent au nom du corps contre la mort.
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