C'est l'anniversaire de la première publication des «Fleurs du mal» de Charles Baudelaire en 1857.
Poursuivis devant les tribunaux, l'éditeur et l'auteur furent condamnés à retirer six pièces du recueil.
Ils les retirèrent pour l'édition française mais les publièrent en «supplément aux Fleurs du mal» à Bruxelles qui échappaient à la juridiction des tribunaux français.
Le jugement ne fut annulé en France qu'en 1949.
Si j'avais un conseil à donner aux Européens: faites en sorte que l'Europe n'ait jamais une justice unique, afin que la stupidité éventuelle (et toujours certaine) d'une justice nationale puisse être contrée par la justice nationale d'un autre pays.
On ne risque pas grand chose, même au Québec, en publiant un texte jugé jadis obscène mais songez qu'Apple a failli récemment interdire une application pour l'iPad ou l'iPhone parce que celle-ci contenait des scènes de nus.
Imaginez.
Une photo comportant un titre jugé obscène (comme «fesse», «pénis», «sein») n'est pas acceptée par Blogger.
La barbarie et la dictature ne sont jamais très loin.
Aussi, pour continuer le combat, voici une des pièces condamnées des «Fleurs du mal»:
À celle qui est trop gaie
Ta tête, ton geste, ton air
Sont beaux comme un beau paysage;
Le rire joue en ton visage
Comme un vent frais dans un ciel clair.
Le passant chagrin que tu frôles
Est ébloui par la santé
Qui jaillit comme une clarté
De tes bras et de tes épaules.
Les retentissantes couleurs
Dont tu parsèmes tes toilettes
Jettent dans l'esprit des poètes
L'image d'un ballet de fleurs.
Ces robes folles sont l'emblème
De ton esprit bariolé;
Folle dont je suis affolé,
Je te hais autant que je t'aime!
Quelquefois dans un beau jardin
Où je traînais mon atonie,
J'ai senti, comme une ironie,
Le soleil déchirer mon sein;
Et le printemps et la verdure
Ont tant humilié mon cœur,
Que j'ai puni sur une fleur
L'insolence de la Nature.
Ainsi je voudrais, une nuit,
Quand l'heure des voluptés sonne,
Vers les trésors de ta personne,
Comme un lâche, ramper sans bruit,
Pour châtier ta chair joyeuse,
Pour meurtrir ton sein pardonné,
Et faire à ton flanc étonné
Une blessure large et creuse,
Et, vertigineuse douceur!
À travers ces lèvres nouvelles,
Plus éclatantes et plus belles,
T'infuser mon venin, ma sœur!
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