En rendant compte (là, c'est dans Le Figaro.fr) du livre que la sœur d'Arthur Rimbaud, Isabelle, a consacré jadis à l'agonie de son frère (mort à 37 ans) et qui vient d'être réédité, Yann Moix écrit:
Le Christ est toujours trop imaginé, représenté, sous d'autres formes que ceux qui sont vraiment Lui et dont Rimbaud fut, et dont Rimbaud est. La «religion» n'a rien à faire ici (ceux qui croient que le Christ est une stricte affaire de religion, c'est ceux-là que j'appelle des athées) : le Christ n'a même rien à voir avec le «christianisme». Au vrai, il y a Christ quand il y a incarnation de la Parole dans la chair. Rimbaud réalisa ce miracle, à qui l'on doit les Poésies qui sont les Évangiles de Dieu, et Une saison en enfer qui sont les Évangiles de Satan - chaque fois qu'il y a Christ, il y a Rimbaud et inversement.
Je voudrais souligner: «le Christ n'a même rien à voir avec le "christianisme"».
Le Christ qu'ont créé de toute pièce les inventeurs du christianisme c'est, en effet, plutôt le Christ de ceux qui cherchaient à se faire une position dans la vie, à faire carrière, et c'est, en effet, le Christ de ceux qui, maintenant, et depuis deux mille ans au moins, construisent sur lui un plan de carrière et justifient par lui leur misérable existence de riches devenus riches et couverts de bijoux, de couronnes, de bagues, de colifichets, de robes d'or et de pierreries grâce à l'argent des pauvres à la recherche de salut.
Ma Bohème
Je m'en allais, les poings dans mes poches crevées;
Mon paletot aussi devenait idéal;
J'allais sous le ciel, Muse! et j'étais ton féal;
Oh! là! là! que d'amours splendides j'ai rêvées!
Mon unique culotte avait un large trou.
- Petit-Poucet rêveur, j'égrenais dans ma course
Des rimes. Mon auberge était à la Grande-Ourse.
- Mes étoiles au ciel avaient un doux frou-frou
Et je les écoutais, assis au bord des routes,
Ces bons soirs de septembre où je sentais des gouttes
De rosée à mon front, comme un vin de vigueur;
Où, rimant au milieu des ombres fantastiques,
Comme des lyres, je tirais les élastiques
De mes souliers blessés, un pied près de mon cœur!
2 commentaires:
Bonjour,
Quelqu'un pourrait-il m'éclairer sur ces vers de Rimbaud, de quelle manière les interpréter ? Un "spécialiste" de Rimbaud m'a dit un jour que chez le poète il y avait parfois plus d'une lecture possible, pas forcément linéaire, notamment dans le "Bateau Ivre", et qu'en ce domaine rien n'était vraiment fixé selon les règles littéraires traditionnelles. Je voulais savoir si cette "analyse intuitive" était crédible car j'avoue ne pas toujours comprendre les vers apparemment hermétiques de Rimbaud, ceux-ci par exemple que j'aimerais qu'on m'explique, si tant est qu'une explication de vers soit sensée :
"Je fis un voeu : mes ailes d'Empyrée toutes trouées
Ma fiole couverte de l'or des horizons funestes
Tout célestes me mirent de glace en échos nets
Je vis un feu où se regardait l'oiseau des rouées."
Je me demande ce que votre spécialiste voulait dire par «règles littéraires habituelles».
La littérature (et plus encore la poésie) n'utilise pas les mots comme on le fait pour communiquer un message.
La transmission d'un message clair et précis (et unique) n'est pas son premier objectif.
Ici dans ce quatrain, les mots sont d'abord choisis pour leur longueur (leur nombre de syllabes) et pour leurs sons.
Et puis manifestement le personnage (ce n'est pas le poète, c'est un personnage qu'il crée) qui parle est un être imaginaire puisqu'il a des ailes.
Ce qu'on pourrait comprendre de ce qu'il dit c'est qu'il est plongé dans un combat contre les rouées (c'est un féminin que «rouées») associées au feu et à l'enfer alors que lui est associé à la glace et à l'Empyrée (le paradis).
On pourrait saisir cette strophe comme la description d'une partie du combat d'un ange avec les forces obscures de l'enfer.
Le combat de l'intelligence contre l'ignorance.
Ou de l'amour contre la haine.
Etc.
Comme vous voyez, il y a plusieurs possibilités et ces possibilités dépendent du lecteur, de la culture du lecteur, de ses connaissances.
Un poème est une «auberge espagnole» disait Genette (à la suite de bien d'autres): le lecteur y apporte ce qu'il y trouve.
Enregistrer un commentaire