De dieu orgueilleux à humble serviteur

C'est la colonne qui se trouvait sur le forum de Constantin à Constantinople, telle que l'a reconstituée le site Byzantium 1200 (ici).
On sait que Constantin avait voulu que Constantinople soit une deuxième Rome et qu'on y retrouve des monuments non pas identiques mais similaires à ceux de la première Rome.
Il construisit donc ce forum, rival de celui de Trajan peut-être.
En voici la reconstitution :

Au sommet de cette colonne qui était placée en son centre (comme on le voit) une statue de lui en empereur romain.
La voici:

Il est en empereur romain car il est nu avec des attributs divins, notamment la couronne solaire et le globe.
C'est Constantin qui, le premier parmi les empereurs, favorisa la religion chrétienne dans l'empire romain. Il présida même le premier « concile œcuménique » (Nicée I) où il imposa ses volontés, même à propos du dogme à titre d'« isapostolos » (« égal aux apôtres », en anglais ici).
Il fut donc à l'origine d'une évolution dans le pouvoir et la perception des empereurs romains (par eux-mêmes et par les autres).
Ils étaient des dieux au moment où il avait pris le pouvoir ; ils devinrent des serviteurs de Dieu sur Terre.
Leur représentation subit elle aussi une évolution.
Elle passa de la nudité à la représentation en costume de dignitaire religieux, lourd costume inspiré des traditions orientales.
Représentés sans égaux comme empereurs romains, ils furent représentés dans une attitude humble devant les habitants du ciel chrétien.
Voici comment on représente Constantin dans une mosaïque du 10e siècle à Sainte-Sophie (avec l'un de ses successeurs, Justinien) :

Il est à droite, humble et habillé, devant une Vierge, une femme, je le souligne, avec l'enfant Jésus, auxquels il présente une miniature de sa ville (Constantinople).
(Justinien, quant à lui, à gauche, présente une miniature de Sainte-Sophie, qu'il a fait reconstruire).
Il a la tête penchée et non redressée comme dans sa statue en empereur romain dieu (du 4e siècle). Il a un lourd costume quasi ecclésiastique.
Voyez-le de plus près:

D'empereur romain, il est passé au rang d'empereur byzantin. De dieu à celui de serviteur de l'enfant dieu.
On n'a pas rendu à César ce qui était à César et à Dieu ce qui était à Dieu, comme l'enjoignait le Christ : on a tout donné à Dieu, c'est-à-dire aux prêtres, les manipulateurs et les ventriloques de ces marionnettes ou pantins appelé(e)s « Dieu », « Vierge Marie » ou « Jésus-Christ ».
Cela a constitué le début de la fin du véritable christianisme et sa transformation en institution héritière et continuatrice de l'empire gréco-romain, selon l'expression de Paul Veyne.