dimanche 9 novembre 2008

La Capricieuse

Dans «Le Devoir» du week-end*, le compte rendu par Michel Lapierre d'un livre de Jacques Portes, professeur français (naturellement, qui, à part un Français, peut occuper un poste de professeur dans une université française?) d'histoire de l'Amérique du Nord à l'Université de Paris-VIII (Vincennes-Saint-Denis).
Le livre s'intitule «L'Impossible Retour de la France. De «La Capricieuse» à De Gaulle»**.
Le livre parle de ce dont vous vous doutez. Je n'insisterai pas.
Vous pouvez trouver le premier paragraphe de ce compte rendu et vous pouvez afficher sur votre écran le fichier-image de tout l'article (je l'ai numérisé pour vous).
«La Capricieuse» (photo d'un timbre le représentant à droite), c'est le nom d'un
navire français apparu en 1855 devant Québec, le premier navire français à le faire depuis la conquête de la Nouvelle-France en 1760***.
C'est ce nom de «La Capricieuse» qui m'intéresse particulièrement.

La France pour le Québec c'est manifestement la capricieuse, c'est-à-dire celle qui est si peu intéressée qu'elle fait des caprices.
Que le hasard du choix de ce nom et de son envoi à Québec par Napoléon III est heureux! Qu'il est significatif!
On pleurerait presque devant l'enthousiasme du peuple de Québec qui croit voir dans cette corvette un «retour» de la France.

Cet enthousiasme le poème de Louis Fréchette en rend compte.
Poème touchant et gênant à la fois pour un Québécois quand on connaît la réalité du sentiment que la France et la majorité de son peuple entretiennent à l'égard du Québec, ce sentiment qu'a réitéré son président, Nicolas Sarkozy, le mois dernier à Québec même, et qui n'est pas du tout le sentiment d'une mère à l'égard de son enfant comme le croit le poème.
Le voici ce poème, je vous laisse juger de l'étendue de sa naïveté.

La Capricieuse

Je ne suis pas très vieux; pourtant j’ai souvenance
Du jour où notre fleuve, après un siècle entier,
Pour la première fois vit un vaisseau de France

Mirer dans ses flots clairs son étendard altier.

Ce jour-là, de nos bords ― bonheur trop éphémère ―
Montait un cri de joie immense et triomphant :
C’était l’enfant perdu qui retrouvait sa mère ;
C’était la mère en pleurs embrassant son enfant !

La France nous avait laissés grandir loin d’elle,
Nous léguant son nom seul avec son souvenir ;
Et le pauvre orphelin, à tous les deux fidèle,
N’avait su, dans son cœur, qu’absoudre et que bénir.

Il avait tout gardé, ses antiques franchises,
Et son culte et sa langue, et ― peuple adolescent ―

Montrait avec orgueil ses libertés conquises,
A coté de ses droits scellés avec son sang.

Ce beau jour fut pour nous presque la délivrance ;
L’embrassement fut long ; on pleurait à genoux ;
Car, si nous étions fiers de notre belle France,
Notre France, elle aussi, pouvait l’être de nous !

Saintes émotions ! ― quand villes et banlieues

Illuminaient leurs tours, pavoisaient leurs maisons,
Au loin, sur un rayon de plus de trente lieues,
On voyait accourir, de tous les horizons,

Des vieillards, des enfants et des femmes timides,
Qui, sac au dos, à pied sur les chemins rugueux,
Venaient, en essuyant leurs paupières humides,
Revoir flotter au vent le drapeau des aïeux.


Nos poètes chantaient la France revenue ;
Et le père, à l’enfant qu’étonnait tout cela,
Disait : ― Ce pavillon qui brille dans la nue,
― Incline-toi, mon fils ! ― c’est à nous celui-là !


Et, lorsque la frégate avec la forteresse
Échangeaient des saluts de leurs tonnantes voix,
Tous ces cœurs délirants tressaillaient d’allégresse
En croyant retrouver les échos d’autrefois.

Oh ! c’est que ce vaisseau, c’était la France même

― Aigle immense un instant repliant son essor ―
Qui revenait à nous, disant : ― J’aime qui m’aime ;
Vous êtes mes enfants, et je vous aime encor !

Elle nous l’a prouvé ; ni la Capricieuse
Ni ces nobles marins n’ont revu nos clochers ;
Mais la France, depuis, fut pour nous soucieuse,

Et son cœur et sa main nous ont toujours cherchés.

Et nous, quand elle allait, au fronton de l’histoire,
Inscrire avec son sang quelque éclatant succès,
Nous sonnions triomphants nos clairons de victoire,
Car c’étaient nos soldats que les soldats français.

Et puis, quand le malheur vint fondre sur ses armes,

Quand le noble vaisseau sombra sur un écueil,
La France plus que nous n’a pas versé de larmes ;
La France mieux que nous n’a point porté le deuil !

Salut donc à vous tous, ô Français, ô nos frères !
Nous vous serrons la main avec un doux émoi
Nos rives ne sont plus à la France étrangères ;
Et qui vient de chez elle est parmi nous chez soi !


* Oui,
week-end car j'ai déjà expliqué la différence entre week-end et fin de semaine: la fin de semaine c'est vendredi-samedi, le week-end c'est samedi-dimanche, car dans les pays anglo-protestants, le dernier jour de la semaine c'est dimanche puisque c'est le jour où Yahvé se serait reposé selon les créationnistes. Alors que c'est le samedi dans les pays francophones (et peut-être dans les pays latins en général).
** VLB, Montréal, 2008, 112 pages.
*** La venue de «
La Capricieuse» a paru tellement importante (les Québécois se sont bien excités pour rien) qu'on a pris des photos, ce qui était un exploit avec la technologie du temps. En voici une:



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