Dans une interview (là) aujourd'hui dans le journal Le Monde à propos de l'élection présidentielle états-unienne, le professeur Eric Foner, spécialiste du XXe siècle aux Etats-Unis et qui enseigne à l'Université Columbia dit:
«Revendiqué par des politiques très différentes, le terme «liberté» a toujours eu diverses acceptions aux États-Unis. George Bush l'a quasiment discrédité. Mon espoir est qu' Obama saura restaurer sa signification dans toute sa noblesse».
Ce n'est pas seulement Bush qui a discrédité le mot «Liberté» -en établissant Guantanamo notamment- mais tous les politiciens états-uniens (je ne dis pas «hommes politiques» car le système électoral états-unien transforme tous ceux qui désirent faire de la politique aux États-Unis en «politiciens*», c'est-à-dire en personnes soucieuses seulement d'être élues, par n'importe quels moyens et pour faire n'importe quoi, vous voyez ce que je veux dire).
Rappelez-vous notamment tous ces membres du Congrès qui avaient voté pour décréter que les «French Fries»** s'appelleraient dorénavant «Freedom Fries» pour punir les Français de ne pas avoir cru leurs mensonges au Conseil de sécurité des Nations-Unies à propos des armes de destruction massive de l'Iraq de Saddam Hussein.
«Les frites de la liberté»: quel nom pour discréditer le mot «Liberté». Heureusement qu'ils avaient utilisé le terme d'origine germanique «Freedom» -plus approprié pour une niaiserie- plutôt que celui de «Liberty», d'origine française, qu'ils auraient ainsi traîné dans leur boue.
Mais, ce faisant, ils s'étaient révélés comme ils étaient, des ennemis de la liberté.
Et, simultanément, mais ces deux termes vont toujours ensemble pour qualifier les mêmes gens, ennemis de la vérité.
Il y a un beau poème de Paul Éluard (dessin à gauche) qui dit tout ce que le mot «liberté» signifie en français et qui s'intitule justement «Liberté». Je voudrais vous le faire connaître si vous ne le connaissez pas et vous donner le bonheur de le relire si vous le connaissez déjà.
Et, vous le présentant, j'aimerais vous rappeler qu'il ne faut pas être comme ces gens-là pour qui ce mot (et sans doute la chose) ne vaut que «patates».
Sur mes cahiers d'écolier
Sur mon pupitre et les arbres
Sur le sable sur la neige
J'écris ton nom
Sur toutes les pages lues
Sur toutes les pages blanches
Pierre sang papier ou cendre
J'écris ton nom
Sur les images dorées
Sur les armes des guerriers
Sur la couronne des rois
J'écris ton nom
Sur la jungle et le désert
Sur les nids sur les genêts
Sur l'écho de mon enfance
J'écris ton nom
Sur les merveilles des nuits
Sur le pain blanc des journées
Sur les saisons fiancées
J'écris ton nom
Sur tous mes chiffons d'azur
Sur l'étang soleil moisi
Sur le lac lune vivante
J'écris ton nom
Sur les champs sur l'horizon
Sur les ailes des oiseaux
Et sur le moulin des ombres
J'écris ton nom
Sur chaque bouffée d'aurore
Sur la mer sur les bateaux
Sur la montagne démente
J'écris ton nom
Sur la mousse des nuages
Sur les sueurs de l'orage
Sur la pluie épaisse et fade
J'écris ton nom
Sur la vitre des surprises
Sur les lèvres attentives
Bien au-dessus du silence
J'écris ton nom
Sur mes refuges détruits
Sur mes phares écroulés
Sur les murs de mon ennui
J'écris ton nom
Sur l'absence sans désirs
Sur la solitude nue
Sur les marches de la mort
J'écris ton nom
Sur la santé revenue
Sur le risque disparu
Sur l'espoir sans souvenir
J'écris ton nom
Et par le pouvoir d'un mot
Je recommence ma vie
Je suis né pour te connaître
Pour te nommer
Liberté.
*présente une connotation péjorative (en français international excepté au Québec à cause de l'anglais «politician» qui n'est pas péjoratif, on voit pourquoi). En effet, il s'emploie souvent pour parler de quelqu'un qui ne vit que de ses fonctions politiques et fait preuve d'une grande rouerie dans les intrigues de la vie politique. Je l'emploie dans les sens international -toujours, avec une moue méprisante, en pensant à Jean Chrétien ou à Maurice Duplessis.
**nom des pommes de terre frites en anglais états-unien: à mon avis ce serait plutôt des «Belgian Fries» si on veut être véridique. Mais dans la bouche de tels gens une langue qui dirait la vérité leur brûlerait les lèvres.
***Tiré du recueil «Poésie et vérité 42», 1942.
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