Jean-Jacques Rousseau n'a écrit cette phrase («Le mâle n'est mâle qu'en certains instants, la femelle est femelle toute sa vie») que pour souligner le fait qu'une femelle est prisonnière du rôle qui est le sien dans la procréation, à la fois comme porteuse d'enfant lors de la grossesse et comme «gardienne» de celui-ci pendant les premières années de sa vie et même au-delà.
Ce rôle est particulièrement évident chez les animaux où c'est la femelle qui a la responsabilité des petits, le mâle, la plupart du temps, s'en allant au loin, insoucieux de son rôle de père, et allant parfois jusqu'à tuer sa progéniture si celle-ci empêche sa femelle de s'occuper de ses besoins à lui.
De nos jours ce rôle est moins évident chez les femmes mis il n'en reste pas moins que, dans l'esprit de tous, la femme est, en dernière instance, responsable des enfants et qu'elle le reste la plus grande partie de sa vie.
Mais cette phrase de Rousseau a une portée plus vaste: elle introduit une incertitude dans le rôle du mâle: celui-ci ne serait mâle qu'en certains instants, c'est-à-dire au moment où il féconde la femelle.
Dans les autres moments c'est comme si il n'avait pas de sexe, ou, du moins, pas de rôle dans la procréation.
Pour parer à cette incertitude sexuelle en ce qui concerne l'homme c'est-à-dire le mâle humain, les bourgeois du 19e siècle, ceux qui vivent dans le siècle qui suit le siècle où a vécu Rousseau, instaurent la sexualité du poil: ceux qui ont de la barbe, bien évidente, ou, à la limite une moustache, sont constamment des mâles. D'où la mode ou la nécessité des visages barbus et poilus au 19e siècle.
C'est, du moins, une des hypothèses qui m'a intéressé dans ce livre, Histoire de la virilité, publié sous la direction d'Alain Corbin, Jean-Jacques Courtine et Georges Vigarello (on en parle ici).
Et c'est la raison, cette épouvantable incertitude à propos de la virilité des hommes, qui a poussé l'Islam à préconiser la barbe pour ceux-ci.
Avec une barbe un homme n'est pas mâle «qu'en certains instants» mais tout le temps.
Et c'est, sans doute, ce qui pousse les Don Juan à ouvrir largement leur col pour faire étalage de leur poitrail velu sans lequel on pourrait ne pas les prendre pour des mâles.
Peut-être est-ce aussi la raison pour laquelle certains humains développent de manière importante (voire outrancière) leurs muscles, qui deviennent une sorte de substitut des poils, dont les hommes peuvent ainsi se débarrasser, s'ils en ont, sans se «démasculiniser», ou qu'ils peuvent ainsi remplacer s'ils n'en ont pas.
Avec des muscles un homme n'est pas mâle «qu'en certains instants» mais tout le temps.
vendredi 18 novembre 2011
Poils et muscles
heure 12:53:00
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