Venise, «aqua alta» et tétrarques menacés

Je vous ai déjà parlé de cette sculpture de porphyre de quatre empereurs romains ici (je vous y raconte leur histoire). Elle est à Venise.
Voilà (plus bas) ce que devient cette sculpture quand Venise est soumise à ce que les Vénitiens appellent l'«aqua alta», la montée des eaux.
J'ai emprunté cette photo (elle est d'Alain Hamon) à ce blogue (tenu par un Français mais en anglais, cela vous étonnera-t-il?) où l'on appelle la montée de eaux de cette année «aqua altissima»: la «très haute montée des eaux».
Constatez vous-mêmes la véracité de cette appellation et voyez, dans le fond de la photo, parmi les marbres et les colonnes de San Marco et du Palais des Doges, les tétrarques de porphyre qui paraissent frigorifiés et tentent de se réchauffer les uns les autres. Il en est de même des personnes au premier plan qui semblent un peu perdues.


Contexte différent, signification différente: dans l'esprit du sculpteur (et c'était sans doute une commande) les empereurs se tenaient étroitement les uns aux autres pour signifier leur solidarité sans failles et projeter l'idée qu'ils étaient un seul empereur en quatre personnes.
Ici, avec l'«aqua alta» ils semblent désirer se réchauffer et se protéger les uns les autres.
Dans un cas force, dans l'autre faiblesse.
La signification n'est pas dans la chose mais dans l'œil de la personne qui la regarde.
Et plus l'œil qui regarde est riche d'expériences, de réflexions, de passions, plus l'éventail de significations, non content de s'ouvrir, s'élargit.
Quand on juge une chose il faut prendre de grandes précautions: c'est soi-même que l'on juge, quand on juge, davantage que la chose que l'on croit juger.
Peut-être faut-il juger tout bas!