vendredi 2 avril 2010

Un visage vendable


C'est le visage de Jésus le Nazaréen tel qu'on a pu le reconstituer en tenant compte des caractéristiques ethniques des habitants de son lieu d'origine (la Galilée où est située la ville de Nazareth) et des habitudes des Juifs de son époque (notamment pour la longueur des cheveux).
Il a le visage que l'on prête à ceux que l'on appelle au Québec les « itinérants » et en Europe les « sans domicile fixe (SDF) ».
Cela répugnait à un certain nombre de Chrétiens, particulièrement les Évangélistes, qui ne croyaient pas qu'avec un tel visage on allait réussir à convertir (ou reconvertir) beaucoup de gens à Jésus.
D'ailleurs, les premiers Chrétiens et leurs successeurs, dès les origines de la représentation de Jésus (vers le cinquième ou sixième siècle *), avaient pressenti la chose.
Ce visage était invendable.
On lui avait donc donné, selon les époques, le beau visage d'un noble contemporain (voire d'un empereur romain), surtout pas le visage d'un Juif puisqu'on voulait faire oublier que Jésus était un Juif.
Vous vous souvenez certainement de l'un ou l'autre de ces visages, fruits de séculaires opérations de mercatique :

On a attribué chacun de ces visages à Jésus au cours des siècles (et d'autres encore, innombrables) et chacun d'eux plaisait à ceux à qui on le présentait.
Le dernier, celui avec les yeux pers (enjôleurs, quasi féminins, je vous le fais remarquer), est le plus contemporain et je me souviens du soupir des dames (parmi lesquelles, ma grand-mère, ma mère et certaines de mes tantes) et du petit cri « Beau Jésus ! » ou « Mon beau Jésus ! » qui sortait avec extase de leurs lèvres à sa vue quand j'étais enfant.
Même débarrassé, comme ci-dessus, de ses couleurs ainsi que du halo qui entoure sa tête et, le plus possible, libéré du traitement « Hollywood Glow » que ses créateurs et leurs logiciels lui ont appliqué, il reste indéniablement beau selon les critères d'aujourd'hui.
C'est celui qui vous aurait davantage plu si vous étiez croyant et chrétien puisque ce visage a les caractéristiques de ce qui plaît à notre époque, surtout qu'il n'a aucune ride ni défaut sur la peau. 

Un Apollon !
Mais, on le sait, tout le monde le sait, ces visages n'ont rien à voir avec le visage du
Jésus réel : le visage qui a le plus de chance d'être réel c'est celui qu'il y a en haut de ce billet.
Invendable !
Il fallait trouver un autre visage, d'un meilleur rapport, et qu'on pouvait faire passer pour un visage réel.
On s'est donc servi du Suaire de Turin pour concocter -avec les techniques de la police scientifique- un visage plus vendable.
Voici le résultat :

Pas mal, n'est-ce pas ?
Avec ces beaux yeux marron hypnotiques.
C'est la raison pour laquelle on tente de faire passer le Suaire de Turin pour le véritable linceul ayant enveloppé
Jésus lors de sa mort et de sa résurrection.
Et qu'on passe sous silence les résultats des analyses qui l'ont plutôt daté du Moyen Âge (entre 1260 et 1390) et non de l'Antiquité.
On a besoin de ce visage-là pour obtenir des conversions.
Et le petit
Juif laid de là-haut n'a aucun intérêt dans cette perspective.
Malgré sa plus grande vérité.

* Jusque-là les Chrétiens se soumettaient encore aux interdictions de la religion judaïque -la religion même de
Jésus, qui n'a jamais été chrétien comme vous le savez.
La religion judaïque interdisait les représentations de Dieu (images ou statues), comme le fait encore la religion musulmane qui est, comme le christianisme, une héritière du judaïsme, une héritière plus rigoriste.
Peu à peu, les Chrétiens se sont éloignés de la religion qui a donné naissance à la leur et se sont rapprochés des pratiques des religions grecques et romaines, qui se complaisaient à donner une apparence -une belle apparence- aux dieux et aux déesses.

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