samedi 23 mai 2009

La Cupidité et l'avarice ou le désir de se sauver seul


Épicure dont la philosophie n'est pas
une philosophie du plaisir comme on le croit.

Dans « Voyage à Rome » dont j'ai déjà parlé (ici), Pierre Grimal évoque les théories épicuriennes (dans le sens philosophique ancien, pas dans le sens erroné que nous donnons à ce mot) du poète Horace dans « Les Odes romaines » à propos de la richesse, du désir de la richesse et de l'enrichissement à Rome, et l'on croit reconnaître, dans Rome, les sociétés occidentales, et particulièrement les États-Unis, dans leur idéologie, dans leur fonctionnement social interne, dans leur attitude à l'égard des pays non développés, et dans le comportement de leurs citoyens (p. 528) :

L'enrichissement provoque la naissance de sentiments asociaux: les pauvres envient les riches (...) et les riches, pour s'assurer des appuis, se livrent à des largitionnes : la puissance sociale* finit par être fondée sur la corruption des pauvres par les riches (...)

Grimal relie Horace à Épicure et ses disciples pour lesquels


... cette soif de l'argent n'est que l'effet d'une passion plus profonde, la crainte de la mort. Amasser de l'argent, c'est essayer d'échapper à la condition des autres, se sauver seul. Et cela entraîne pour la cité des conséquences dramatiques : la cupiditas, l'avaritia, est ainsi une véritable force de dissociation dans la cité ; elle entraîne l'abandon des disciplines nécessaires, du respect des lois divines et humaines, etc.


Peur de la mort, désir insatiable d'accumuler de l'argent pour l'éloigner (du moins apparemment) dans les soins esthétiques, recherche de la réussite individuelle à tout prix, même aux dépens des autres et de leur santé et de leur vie même (et opposition féroce à des lois de protection sociale), confiance mise dans la possession personnelle d'armes à feu plutôt que dans l'application juste de la loi, compétition sanglante plutôt que collaboration, etc. : est-ce que l'on ne reconnaît pas là l'idéologie «conquête de l'Ouest» des États-Unis (et, à un moindre titre, de la soi-disant « Grande-Bretagne ») et des pays d'autres traditions qui veulent maintenant les imiter** ?

Horace dont les vers décrivent
d'avance ce qui perdra l'idéologie capitaliste

*et j'ajouterais: puissance politique internationale.
**
en mettant fin aux régimes de protection sociale patiemment édifiés depuis des décennies ou en les «estropiant» par exemple.

2 commentaires:

VANGAUGUIN a dit…

Moi qui n'y connait rien en latinisme distingué et grecquosité linguistique, j'apprécie au plus haut, ohoh, point, point, ce "résumé des épisodes précédents"..., dynamique et synthétique à la foi(s)... :-) Merci. Vivement la suite, on salive devant Epicure (de rappel).

Jack a dit…

Merci. Je n'ai que trop tendance à rouler dans les mêmes ornières, je vais essayer de changer un peu de voie (mais hélas...)

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