Héritage

C'est un magnifique chapiteau de colonne à l'intérieur de Sainte-Sophie à Constantinople.
Il est manifestement loin des chapiteaux classiques de l'architecture grecque et romaine.
Il est manifestement oriental avec toutes ces volutes des mille et une lignes qui le composent.
Voyez un chapiteau ionique classique:

On est tout à fait dans une autre civilisation.
Les empereurs romains de Constantinople prétendaient pourtant être les héritiers de l'empire romain, ils s'appelaient eux-mêmes «Romains» («Roumi» avec leur accent grec sans doute).
Mais ils accordaient plus d'importance à leur héritage chrétien et cet héritage était d'abord juif, d'abord oriental.
Le régime politique n'était plus celui qu'avait fondé Auguste, le premier César: une république protégée par un homme investi de tous les pouvoirs pour la protéger.
On était dorénavant dans une monarchie orientale, une imitation de celle de la Perse achéménide et sassanide, de celle des basileus successeurs d'Alexandre, ou de celle de David et de Salomon.Tout en se prétendant héritière d'Auguste et des lois romaines.
On est dans une monarchie qui imite l'empire céleste selon les Juifs et les Chrétiens, où un Dieu tout-puissant règne en dictateur et en monarque absolu, dont les paroles sont lois et les vengeances effroyables -enfer et tortures.
C'est ce que marque et symbolise le chapiteau de Sainte-Sophie.
Pourtant, si vous observez bien, le chapiteau de Sainte-Sophie est aussi un chapiteau ionique derrière le masque de ses lignes dansantes.
Voyez les deux volutes dépouillées du chapiteau ionique classique qui y sont encore présentes derrière les danses orientales des lignes.
Voyez-le de face:
Ce chapiteau est bien un descendant -un peu gonflé, un peu obèse- du chapiteau classique.
Classique il le serait davantage s'il ressemblait aux chapiteaux des colonnes du Metropolitan Museum à New York de cette photo, et, particulièrement, au chapiteau de l'énorme colonne du temple de Diane à Sardes que l'on voit au centre:

Malgré les apparences, la civilisation et la culture gréco-romaines, la civilisation et la culture occidentales sont toujours un peu présentes, qui abhorrent* les monarques et les dictateurs.

* Les citoyens civilisés du moins. Les électeurs moyens semblent, pour leur part, adorer au contraire et donner inlassablement leurs suffrages à ceux qui, sous le nom de premier ministre, président, maire, pape, les dirigent en dictateurs et en monarques absolus.