Dans un billet du « Monde » (ici), ces paragraphes d'Adam Thirlwell (page en anglais au bout de ce lien) sur l'art du roman découvert dans le livre ainsi intitulé de Milan Kundera :
J'étais allé à Prague, en touriste, avec ma copine, et dans la maison de Kafka j'ai acheté L'Art du roman. A l'époque, j'avais la certitude de vouloir devenir poète. Je voyais le roman comme un genre compromis et bourgeois : une maladie du réalisme. La poésie était le véritable art de la langue.
Dans le train du retour, la lecture de Kundera m'a bouleversé. Il existait donc un « art » du roman! En Angleterre, on a toujours tendance à penser que, dans un roman, seuls le sujet et le contenu importent. Mais Kundera parlait de constructions romanesques comme de machines aussi minutieuses et fragiles que des poèmes. Je découvrais en lui un poète du roman.
Des « constructions romanesques comme de machines aussi minutieuses et fragiles que des poèmes ».
C'est ainsi que le roman, inconsciemment depuis toujours, mais délibérément depuis Flaubert, de manière éclatante dans Proust, s'est approprié les moyens de la poésie, c'est-à-dire, par exemple, les renvois de situations, de scènes, les unes aux autres par de subtils appariements ( dont les « mises en abyme » font partie et dont elles sont le modèle, selon moi) qui les transforment en rimes plus vastes et transforment le roman en un immense poème.
Ce qui n'annule pas la nécessité des brefs poèmes de la poésie, soulignons-le bien.
Thirlwell de continuer:
[...] ce qui m'a fasciné surtout [dans « La Lenteur »], c'était la composition : l'aspect musical de l'ensemble. Cette façon de baser un style sur la juxtaposition, le collage, avec des chapitres courts, des jeux de tempo, etc. (chez Kundera, le tempo est toujours précis et juste). Oui, cette façon de jouer librement avec l'univers tonal, la forme, les perspectives, est peut-être la chose qui m'a le plus marqué chez Milan Kundera.
J'étais allé à Prague, en touriste, avec ma copine, et dans la maison de Kafka j'ai acheté L'Art du roman. A l'époque, j'avais la certitude de vouloir devenir poète. Je voyais le roman comme un genre compromis et bourgeois : une maladie du réalisme. La poésie était le véritable art de la langue.
Dans le train du retour, la lecture de Kundera m'a bouleversé. Il existait donc un « art » du roman! En Angleterre, on a toujours tendance à penser que, dans un roman, seuls le sujet et le contenu importent. Mais Kundera parlait de constructions romanesques comme de machines aussi minutieuses et fragiles que des poèmes. Je découvrais en lui un poète du roman.
Des « constructions romanesques comme de machines aussi minutieuses et fragiles que des poèmes ».
C'est ainsi que le roman, inconsciemment depuis toujours, mais délibérément depuis Flaubert, de manière éclatante dans Proust, s'est approprié les moyens de la poésie, c'est-à-dire, par exemple, les renvois de situations, de scènes, les unes aux autres par de subtils appariements ( dont les « mises en abyme » font partie et dont elles sont le modèle, selon moi) qui les transforment en rimes plus vastes et transforment le roman en un immense poème.
Ce qui n'annule pas la nécessité des brefs poèmes de la poésie, soulignons-le bien.
Thirlwell de continuer:
[...] ce qui m'a fasciné surtout [dans « La Lenteur »], c'était la composition : l'aspect musical de l'ensemble. Cette façon de baser un style sur la juxtaposition, le collage, avec des chapitres courts, des jeux de tempo, etc. (chez Kundera, le tempo est toujours précis et juste). Oui, cette façon de jouer librement avec l'univers tonal, la forme, les perspectives, est peut-être la chose qui m'a le plus marqué chez Milan Kundera.
2 commentaires:
Très intéressant.Il est vrai que depuis le poème en prose et la proésie la frontière entre lyrisme et roman est ténue,mais sans se faire de l' ombre ou se dominer, ces deux genres ne gagnent ils pas à préserver leur identité pour ne pas disparaître?
Il y a des époques en littérature, comme vous le savez.
Au 17e, tout est devenu théâtre, j'allais dire tragédies mais il y a les comédies de Molière. Même les fables («comédies aux cent actes divers» disait à peu près La Fontaine) et les sermons étaient théâtraux, voire la correspondance et les romans.
Au 18e tout était conversations et échanges épistolaires, théâtre, romans, dictionnaires, poésie même. Que sais-je encore?
À partir du 19e, tout est devenu roman:même la poésie a intégré des récits et, sinon, a voulu faire concurrence au roman («Le Roman inachevé» d'Aragon, par exemple).
Les petits poèmes mêmes sont construits comme des récits parcellaires et brefs que chaque lecteur doit compléter (un poème en devient donc des milliers sous le regard de chacun).
Il y a des poèmes-romans: Apollinaire (La Chanson du mal aimé»), Cendrars («La Prose du Transsibérien», etc.) et j'en passe.
Mais le roman intègre tous les autres genres, théâtre, philosophie, traité d'art et de psychologie et de sociologie, etc, et il est construit comme un immense poème aux rimes multiples: un Argus aux cent yeux et aux cent bouches.
Au fur et à mesure que des genres sont inventés, il les intègre dans sa forme souple et impériale.
Nous vivons cette époque, non pas l'empire romain mais l'empire roman (excusez-moi).
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