mercredi 8 décembre 2010

La lecture, la vie même

J'ai déjà publié, dans ce blogue, cette photo de mon fils tellement absorbé par son livre -au moment où il vient d'apprendre à lire- qu'il ne s'aperçoit pas que son bras gauche n'est appuyé sur rien et sert sans doute à faire quelque chose, on ne sait quoi, mais seulement dans l'aventure où son livre le plonge totalement.
Je la republie aujourd'hui car elle illustre si bien les deux premiers paragraphes du discours d'acceptation du Prix Nobel de littérature que Mario Vargas Llosa a prononcé, il y a quelques heures (8 décembre 2010), à Stockholm.
Voici ces deux premiers paragraphes:

J’ai appris à lire à l’âge de cinq ans, dans la classe du frère Justiniano, au collège de La Salle à Cochabamba (Bolivie). C’est ce qui m’est arrivé de plus important dans la vie. Presque soixante-dix ans après je me rappelle nettement comment cette magie, celle de traduire en images les mots des livres, a enrichi mon existence, brisant les barrières de l’espace et du temps en me permettant de parcourir avec le capitaine Nemo dans son sous-marin vingt mille lieues sous les mers, de lutter aux côtés de d’Artagnan, d’Athos, de Porthos et d’Aramis contre les intrigues qui menaçaient la Reine au temps du retors Richelieu, ou de me traîner dans les entrailles de Paris, devenu Jean Valjean, portant sur son dos le corps inerte de Marius.

La lecture transformait le rêve en vie et la vie en songe, en mettant à la portée du petit bonhomme que j’étais l’univers de la littérature. Ma mère me raconta que les premières choses que j’écrivais étaient les suites des histoires que je lisais, parce que j’étais triste qu’elles finissent, ou que je voulais en corriger la fin. Et c’est peut-être cela que j’ai fait toute ma vie sans le savoir: prolonger dans le temps, alors que je grandissais, mûrissais et vieillissais, les histoires qui avaient rempli mon enfance d’exaltation et d’aventures.

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