Dans cette interview d'Umberto Eco (glabre ou presque), dans « Le Monde » (ici), cette remarque:
Pour moi, l'Italie c'est avant tout une langue. Si un Français feuillette aujourd'hui un livre de Rabelais dans sa version originale, il aura des difficultés à comprendre le texte. Idem pour un Britannique s'il parcourt un ouvrage de Chaucer. En revanche, un chauffeur de taxi italien peut comprendre aisément La Divine Comédie, de Dante. La langue italienne a très peu évolué depuis mille ans.
Et celle-ci qui l'explique:
Plus sérieusement, c'est vrai qu'au moment de l'unité italienne l'italien est encore une langue de lettrés. C'est d'ailleurs la raison pour laquelle elle a très peu évolué au cours des siècles. Une langue change en se frottant à la réalité quotidienne de la population qui l'emploie. Ce statu quo linguistique a favorisé l'unification tardive de l'Italie au cours de ces cent cinquante dernières années. La langue italienne a fait les Italiens. Car l'Italie, avant d'être une nation – souvenez-vous que Metternich considérait l'Italie comme une « expression géographique » lors du Congrès de Vienne en 1814-1815 –, est d'abord une culture portée par une langue.
Ainsi, pendant mille ans, comme le mandarin (qui existe, lui, depuis bien plus longtemps) l'italien n'est pas une langue qu'on parle à la naissance (ou alors peut-être en Toscane seulement), c'est une langue qu'on apprend quand on fait des études, la langue d'un petit nombre, l'élite.
Le peuple italien parle en dialecte et ces dialectes sont différents selon les lieux où l'on grandit.
Par conséquent, comme le dit Eco, la langue italienne ne bouge pas n'étant pas soumise aux aléas de la vie de tous les jours et aux « à-peu-près » de l'ignorance.
On peut donc lire toutes les œuvres qui l'ont utilisée comme si elles avaient été écrites aujourd'hui.
Je réfléchis, à partir de là, au français.
Pour moi, l'Italie c'est avant tout une langue. Si un Français feuillette aujourd'hui un livre de Rabelais dans sa version originale, il aura des difficultés à comprendre le texte. Idem pour un Britannique s'il parcourt un ouvrage de Chaucer. En revanche, un chauffeur de taxi italien peut comprendre aisément La Divine Comédie, de Dante. La langue italienne a très peu évolué depuis mille ans.
Et celle-ci qui l'explique:
Plus sérieusement, c'est vrai qu'au moment de l'unité italienne l'italien est encore une langue de lettrés. C'est d'ailleurs la raison pour laquelle elle a très peu évolué au cours des siècles. Une langue change en se frottant à la réalité quotidienne de la population qui l'emploie. Ce statu quo linguistique a favorisé l'unification tardive de l'Italie au cours de ces cent cinquante dernières années. La langue italienne a fait les Italiens. Car l'Italie, avant d'être une nation – souvenez-vous que Metternich considérait l'Italie comme une « expression géographique » lors du Congrès de Vienne en 1814-1815 –, est d'abord une culture portée par une langue.
Ainsi, pendant mille ans, comme le mandarin (qui existe, lui, depuis bien plus longtemps) l'italien n'est pas une langue qu'on parle à la naissance (ou alors peut-être en Toscane seulement), c'est une langue qu'on apprend quand on fait des études, la langue d'un petit nombre, l'élite.
Le peuple italien parle en dialecte et ces dialectes sont différents selon les lieux où l'on grandit.
Par conséquent, comme le dit Eco, la langue italienne ne bouge pas n'étant pas soumise aux aléas de la vie de tous les jours et aux « à-peu-près » de l'ignorance.
On peut donc lire toutes les œuvres qui l'ont utilisée comme si elles avaient été écrites aujourd'hui.
Je réfléchis, à partir de là, au français.
2 commentaires:
En effet le francien d' Hugues Capet reste pour les lecteurs modernes l' équivalent du latin pour les Italiens...Villon commence à être à peu près accessible encor que même dans les originaux de Ronsard certains termes sont incompréhensibles...C' est bien dommage qu un pays soit une tour de Babel a lui seul..
Et, peut-être un problème (une richesse?) supplémentaire que l'italien n'a pas: le français est présent dans plusieurs pays sur plusieurs continents, témoin de réalités et de voisinages différents.
Présent en Amérique du Nord, par exemple, où son unification s'est faite bien avant la Révolution (moment où cette unification s'est faite en France): le français en Nouvelle-France s'est imposé comme langue commune de tous (du peuple comme des élites) dès le 17e siècle alors qu'en France chacun parlait encore son dialecte (excepté la cour et les instruits qui parlaient la langue du roi).
En Nouvelle-France cette unification du français s'est faite autour de cette langue du roi alors qu'en France elle s'est faite autour de la langue des avocats qui ont fait la Révolution.
D'où les différences entre le français du Québec et celui de France et d'où des problèmes de communication qui peuvent se révéler importants.
Le français du Québec est plus près de celui de Ronsard et de Villon (et de Louis XIV ou de Louis XV) que le français de France.
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