Mon directeur de thèse à Aix-en-Provence parlait toujours de « république » quand il voulait parler de « démocratie ».
Moi qui venais du Québec et du Canada, qui ne sont ni l'un ni l'autre des républiques mais plutôt des monarchies, je pensais qu'il ne fallait pas confondre : on pouvait très bien être une démocratie et ne pas être une république.
On pouvait même être une république et ne pas être une démocratie.
À l'époque où j'étudiais en France, par exemple, la république subissait la présidence de Georges Pompidou (aux gros sourcils brejnéviens, et pas seulement les sourcils, voir ci-haut) qui censurait la télévision sous prétexte qu'il fallait l'empêcher de rapporter des choses, même véridiques, qui pouvaient attenter à ce qu'il appelait « l'honneur de la France ».
Même si ces choses consistaient en des tortures ou en des attentats ou en des assassinats où l'« honneur » de la France était de toute façon perdu.
Je trouvais donc la république de mon professeur beaucoup moins démocratique que la monarchie canadienne et québécoise (de cette époque).
Il faut dire que dans cette monarchie, divisée entre gouvernements qui se partagent (trop inégalement à mon avis) la souveraineté et sont, pour une raison ou pour une autre, jaloux et rivaux les uns des autres (quoique pas assez à mon sens), il n'y a, en principe, aucun pouvoir sans contre-pouvoir.
Un citoyen « persécuté » par un gouvernement sera, avec empressement, accueilli et protégé par un autre.
Ou un tribunal condamnera le gouvernement persécuteur.
Etc.
Ce système de pouvoirs et de contre-pouvoirs ne marchait pas très fort en France à l'époque où j'y séjournais.
Il n'y avait pas encore de pouvoirs et de parlements européens, notamment.
Et le « Conseil constitutionnel », s'il existait, partageait l'idéologie « pompidolienne » de camouflage de la vérité.
Ad majorem Galliæ gloriam!
Nous ne le savions pas à l'époque mais d'avance la France faisait concurrence aux États-Unis de Bush.
Bureaucratie et État se confondaient, avec des habitudes qui nous amenaient parfois, nous, étudiants étrangers, à évoquer une « soviétisation » de la France.
C'était parce que nous n'étions pas habitués à la toute-puissance de la bureaucratie que nous y avions trouvée (un exemple du fonctionnement de cette bureaucratie, criante de vérité, dans la vidéo extraite des « Douze Travaux d'Astérix » qui présente « la maison qui rend fou », le 8e des travaux d'Astérix. Je vous la présente ci-dessous).
Mais peut-être mon directeur n'employait-il pas le mot « démocratie » pour désigner le « gouvernement par le peuple » parce que ce terme était dévoyé à l'époque par les dites « démocraties populaires » qui croupissaient sous le joug soviétique*.
À l'époque, l'Europe (et la France en particulier) était infectée par le cancer soviétique, qui produisait des métastases même dans les pays qui, en principe, appartenaient à l'Occident.
L'Union soviétique avait d'ailleurs beaucoup de partisans parmi les intellectuels français les plus en vue (j'ai déjà évoqué Sartre), lesquels, comme leurs prédécesseurs du 18e siècle, démontraient ainsi leur totale absence de jugement et de clairvoyance.
Ces métastases prenaient parfois des formes comiques comme dans la confection des portraits officiels.
C'est pour vous le faire voir que j'ai placé côte à côte des portraits de Pompidou et de Brejnev au début de cette note : lequel est le plus soviétique ? Ne le sont-ils pas tous deux (je parle des portraits) ?
Une autre « mise en abyme » que ce portrait de Pompidou (décidément il y en a partout!).
Selon ce que je peux voir d'ici, ces métastases n'ont pu être résorbées encore aujourd'hui car la présidence française actuelle me semble toujours assez « pompidolienne » (c'est de la présidence de Sarkozy que je parle).
Voici l'épisode de « la maison qui rend fou » des «Douze Travaux d'Astérix» (je dois dire que les bureaucraties canadienne et québécoise ont fait beaucoup de progrès dans la voie de la « soviétisation » dépeinte par cet épisode et que le cancer soviétique continue d'essaimer ses métastases bien après la bénéfique décomposition du cadavre où il pullulait):
* Ou peut-être était-il encore perdu au 19e siècle où, en France, « république » s'opposait à « empire » (celui des deux Napoléons) et à « royaume » (la Restauration et la Monarchie de Juillet) et où seule la république (la 2e et la 3e) présentait un aspect démocratique. Cette explication logique ne me vient que maintenant à l'esprit. Un Québécois comme moi ne pouvait la trouver sans beaucoup de réflexions et sans beaucoup de connaissances de l'histoire de France.
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