jeudi 30 avril 2009

Température du 30 avril 2009 à Saguenay

Matin---------------------------------------Après-midi


Le Jeune Homme et les soldats

Crédits photo: Demotiximages

Parfois, devant une photographie comme celle-ci, prise à la fin avril, après une répétition par l'armée russe en vue de la commémoration de la victoire des Alliés sur les nazis, on se met à espérer (encore!).
Avec ses acrobaties, ce jeune homme de Saint-Pétersbourg, -solitaire et habile derrière tous ces soldats garants de l'ordre non démocratique mais qui s'en vont-, ne serait-il pas l'annonce qu'un jour la Russie, enfin, sera vraiment dirigée par ses citoyens, et non par un autre tsar, par une autre noblesse, par une autre nomenklatura, par une autre ploutocratie, une autre Okhrana, un autre KGB?

mercredi 29 avril 2009

Température du 29 avril 2009 à Saguenay

Matin---------------------------------------Après-midi

Tercets d'aujourd'hui

Murasaki Shikibu (紫式部)

Quelques tercets (respectant quelques règles du «haïku») créés par le hasard aujourd'hui dans le module «Poémier» de la colonne de droite de ce blogue:



tout à coup l'automne
sur le bord de la rivière
le triste aujourd'hui

***

au noir de l'hiver
il n'y a plus que silence
silence et amour

***

voix fausse du vent
fané l'amour est fané
haine? haine? haine?

***

la lune s'enfuit
hélas ton amour est mort
que faut-il cacher

***

mille étoiles -nuit
hélas mon amour est mort
l'horrible aujourd'hui

***

vent et forêt dansent
mais mon cœur te voit encore
musique et tambours

***

le soleil éclate
et tu n'es plus que froideur
encore un adieu

***

tout à coup le soir
les loups hurlent à la porte
pourras-tu rentrer

Sacrilège ou satire?

Autre tourment infligé au « Rédempteur » pour le salut des hommes ou pause après la « Résurrection »?
Image sacrilège ?
Ou image satirique soulignant le ridicule des représentations du Christ mises de l'avant par les églises chrétiennes ?
Je prends parti pour la satire.
J'espère que les foules chrétiennes ne descendront pas dans les rues pour demander la mort du blasphémateur.
Heureusement il n'en reste guère.
Espérons qu'il en sera de même bientôt pour les foules d'autres croyances afin que l'on puisse enfin rire un peu en paix.

mardi 28 avril 2009

Température du 28 avril 2009 à Saguenay

Matin---------------------------------------Après-midi

Double Injure

Voilà qui me semble doublement injurieux. Je le relaie à tous ceux -passés, présents, futurs- qui font l'objet de ma haine dans ce blogue ou ailleurs (et ils sont bien trop nombreux hélas!).

La Brouille des deux Ivan


C'est la fenêtre de recherche qu'affichait le Google de langue russe en mars dernier pour commémorer le 200e anniversaire de la naissance de Nicolas Gogol (la courbe de son nez est célèbre, c'est pourquoi on la représente à droite de Gogol).
Nonobstant Pouchkine, les Russes considèrent Gogol comme le fondateur de la littérature russe (peut-être y a-t-il du racisme là-dedans, Pouchkine ayant un grand-père noir dont il avait hérité certains traits, teint foncé, lèvres épaisses, cheveux crépus, mais ce n'est pas étonnant en Russie, pays particulièrement xénophobe, antisémite et, je dirais, «pantophobe*»).
Mais voici peut-être les raisons qui expliquent aussi la primauté de Gogol :


Le plus surprenant est de constater à quel point, plus d'un siècle et demi après sa mort, l'œuvre du maître est restée actuelle. «Ouvrez n'importe quel livre de Gogol et vous voyez la Russie d'aujourd'hui : la corruption, l'arbitraire des policiers et des juges, le mensonge et la tromperie», explique Evgueni Kisseliov, commentateur à la radio Écho de Moscou.

Mais Gogol fait l'objet d'une querelle entre l'Ukraine et la Russie car même s'il a écrit en russe (qu'il a profondément « ukrainisé », dit-on), il est né en Ukraine.
À l'époque de sa naissance les deux pays faisaient partie de l'Empire tsariste et la question ne se posait pas.
Aujourd'hui qu'on est devant deux pays elle se pose.
À quelle littérature appartient quelqu'un qui possède une nationalité quelconque et qui écrit dans la langue d'une autre nation que la sienne ?
À quelle littérature appartiendra Gabrielle Roy quand le Québec sera indépendant ?
James Joyce qui écrivait en anglais quand l'Irlande faisait encore partie du Royaume-Uni est-il un écrivain britannique ou irlandais ?
Un écrivain québécois (comme Émile Nelligan ou Gaston Miron) ou belge (comme Émile Verhaeren ou Maurice Maeterlinck) ou suisse (comme Jean-Jacques Rousseau ou Charles Ferdinand Ramuz) appartient-il à la littérature française parce qu'il écrit en français ?
Un écrivain appartient-il à sa nation ou à sa langue ?
S'il appartient à sa nation, alors n'existerait-il pas, à cause de William Beckford, une littérature britannique de langue française ; à cause de José-Maria de Hérédia, une littérature cubaine de langue française ; à cause de Joseph Conrad, une littérature polonaise de langue anglaise ?
Et Kafka : austro-hongrois de langue allemande, tchèque de langue allemande, juif de langue allemande, autrichien, allemand ? 

Et son œuvre : allemande, autrichienne, tchèque de langue allemande, juive de langue allemande ?
Et l'œuvre de Kundera est-elle tchèque en partie de langue française ?
En ce qui concerne Gogol, disons que comme la Russie a été fondée en Ukraine (par un Viking), la littérature russe a été fondée par un Ukrainien qui écrivait en russe.
Et quant à la querelle, Gogol n'avait-il pas écrit une nouvelle prémonitoire : « La Brouille des deux Ivan » ?

* pantophobe: « ayant peur de tout » ou « ayant la phobie de tout ». Ce qu'on craint c'est ce qui nous ressemble, dit-on, car on s'imagine savoir à quoi s'attendre des autres étant donné que c'est exactement ce qu'on leur ferait si l'occasion se présentait.

lundi 27 avril 2009

Température du 27 avril 2009 à Saguenay

Matin---------------------------------------Après-midi

Visite à Madrid

L'en-tête de l'article de Marianne sur le voyage du couple présidentiel français à Madrid:

Le couple présidentiel est invité ce soir au Palais royal de Madrid. Sur 21 journalistes français sélectionnés pour couvrir l'évènement, il y avait 15 photographes et deux journalistes people...

Sa conclusion:

Explication de l'Elysée : «A priori, un dîner d'Etat est plus un sujet pour des people que pour Marianne».

Peut-être que si la visite du président français avait eu lieu au 17e siècle, il aurait eu la chance de poser en compagnie de personnages avec lesquels il se serait mieux entendu que ceux qu'il rencontrera maintenant.
Ceux-ci, par exemple, peints par Velasquez, dont l'attitude à l'égard des Grands (d'Espagne évidemment) et des riches devait être équivalente à la sienne (les «lécher» (sinon davantage) devant et les «digimajeurer» (sinon pire) derrière, si vous me permettez la vulgarité néologique):

Remarquez que si le visiteur de Madrid avait été le premier ministre canadien*, il n'aurait trouvé à s'entendre (et encore) qu'avec les gardes-chiourmes et les bourreaux du Grand Inquisiteur, tant il est encore plus imbécile que tous ceux à qui on peut penser.

* Voir la chronique () de Chantal Hébert dans le Devoir d'aujourd'hui qui présente une petite facette de cette éblouissante imbécillité (le type est né à Toronto et a été diplômé à Calgary (diplômé pas éduqué, mais qui l'est, là?) ): la transformation du Canada en un «dominion bovin» (l'équivalent d'une «république bananière»).

Théâtre de cirque, cirque du monde

Des acrobates ou idées d'acrobates
de Magritte, Picasso et Matisse.


Je ne sais pas si c'est une perception seulement personnelle mais j'ai eu l'impression d'assister à un spectacle de cirque (mais plutôt du genre Cirque du Soleil ou Éloize) à la représentation de «L'opérette imaginaire» de Valère Novarina, donnée par les étudiants en théâtre de l'UQAC la semaine dernière.
Car les comédiennes et comédiens avaient véritablement l'air d'acrobates de la parole (d'excellents acrobates et pas seulement de la parole) en proférant, nasillant, murmurant, criant, récitant, chantant, etc., ces fleuves de mots (parfois, souvent borborygmes buccaux) provenant de presque tous les genres littéraires, religieux et théâtraux -roman, tragédie, commedia dell'arte, drame historique et autre, chanson, poésie, mystère médiéval, opérette, comédie musicale, défilé de fanfares, procession religieuse, théâtre ubuesque, shakespearien, la Dernière Cène, etc.
Pas seulement acrobates de la paroles, mais aussi acrobates des gestes et du corps.
Et quand je parle de
Cirque du Soleil ou Éloize, je restreins un peu la représentation car les animaux du cirque traditionnel était bel et bien représentés par des animaux empaillés.
C'était aussi le cirque des vêtements, des accessoires.
Bref le cirque universel.
Je ne sais pas si c'est une impression seulement personnelle mais cette représentation m'a donné à penser que notre époque ( le début du 21e siècle) est celle du cirque, comme le 17e siècle était celle du théâtre, le 18e celle de la conversation, le 19e celle du roman, le 20e celle des massacres (élevés au rang de l'art par leur ampleur et leur perfection).
Le cirque dont la politique et l'économie prennent aussi les formes (je vous laisse deviner ceux qui jouent les nains, les augustes, les clowns blancs (ou noirs), les pierrots et les colombines, etc.).

Pierrot et Arlequin de Paul Cézanne. Ces personnages
de la commedia dell'arte sont les ancêtres des clowns du cirque.

Voici un poème de Paul Verlaine (il a été mis en musique par Georges Brassens mais impossible d'en trouver la vidéo) qui, me semble-t-il, a quelque chose à voir avec «L'Opérette imaginaire», particulièrement dans la dislocation de la syntaxe des phrases à laquelle procède -acrobatiquement- la versification.

Colombine

Léandre le sot,
Pierrot qui d'un saut
De puce
Franchit le buisson,
Cassandre sous son
Capuce,

Arlequin aussi,
Cet aigrefin si
Fantasque,
Aux costumes fous,
Les yeux luisant sous
Son masque,

Do, mi, sol, mi, fa,
Tout ce monde va,
Rit, chante
Et danse devant
Une frêle enfant
Méchante

Dont les yeux pervers
Comme les yeux verts
Des chattes
Gardent ses appas
Et disent :
"A bas
Les pattes !"

L'implacable enfant,
Preste et relevant
Ses jupes,
La rose au chapeau,
Conduit son troupeau
De dupes !

dimanche 26 avril 2009

Température du 26 avril 2009 à Saguenay

Matin---------------------------------------Après-midi

Quand on est chat

Avec notre œil toujours anthropomorphe on se dit en regardant cette photo un peu floue: «Ô les charmants chatons l'un tenant l'autre par le cou et tous deux regardant dans la même direction! Quels amis!»
(Ils sont petits et, donc, sans doute pas amoureux. De toute façon, les amours de chats ne comportent habituellement pas l'affection qui semble apparaître ici)
Mais qu'en est-il en réalité de cette apparente amitié?
N'est-ce pas plutôt une pause dans un jeu de combat sans merci?
Qui sait?
Qui connaît assez les chats pour le savoir?
Voici un poème de Jacques Roubaud qui semble vouloir percer encore une fois l'énigme:

Quand on est chat on est pas vache
On ne regarde pas passer les trains
En mâchant des pâquerettes avec entrain
On reste derrière ses moustaches
(Quand on est chat on est chat)

Quand on est chat on est pas chien
On ne lèche pas les vilains moches
Parce qu'ils ont du sucre plein les poches
On ne brûle pas d'amour pour son prochain
Quand on est chat on est pas chien
On passe l'hiver sur le radiateur
(Quand on est chat, on est pas chien).

On passe l'hiver sur le radiateur
A se chauffer doucement la fourrure
Au printemps on monte sur les toits
Pour faire taire les sales oiseaux
On est celui qui s'en va tout seul
Et pour qui tous les chemins se valent
(Quand on est chat, on est chat).

samedi 25 avril 2009

Température du 25 avril 2009 à Saguenay

Matin---------------------------------------Après-midi

La Poésie et les mots

Rivarol jeune. 
Le fait qu'il ait été l'ennemi
du stupide duc de Choiseul
-qui s'est réjoui de la perte de la Nouvelle-France
par la France et l'a même directement causée- me rend ce pamphlétaire très sympathique.

En ouvrant mon blogue aujourd'hui je lis dans la colonne de droite (module « Pensées à la demande ») une réflexion -très intéressante (elle m'intéresse car elle va dans le sens de mes opinions)- de Rivarol sur la différence entre littérature et philosophie:

Pour arriver à des choses neuves en littérature,
il faut déplacer les expressions;
en philosophie, il faut déplacer les idées.


Je me suis rappelé qu'une phrase de Mallarmé reprenait la réflexion de Rivarol, en l'élargissant (ce ne sont pas les choses neuves seules qui sont concernées) :

Ce n'est pas avec des idées qu'on fait
des vers,
c'est avec des mots.

Car les vers s'appuient sur une base beaucoup plus large que la philosophie*, -les mots-, qui sont à la fois, pour employer les termes mêmes de Mallarmé, « sons », « lettres » et « sens ».
Alors que les idées -base de la philosophie- ne sont que des idées : quelque chose d'immatériel ou quelque chose comme (excusez, je n'y connais à peu près rien) des éclairs de synapses (puisque, peut-être, il n'y a rien qui soit immatériel).
Les mots donc sont, quant à eux, absolument matériels :
« Sons », c'est -à-dire qu'ils touchent l'oreille (comme la musique) ;
« Lettres », c'est -à-dire «graphes» et qu'ils touchent l'œil (comme la peinture et les autres arts graphiques) ;
« Sens », c'est-à-dire qu'ils ont à voir avec l'intellect et le cœur, les idées, les émotions, les sentiments et les perceptions.
Je pense que ce ne sont pas seulement les vers mais toute la littérature qui est ainsi faite, à partir de ce qui touche l'oreille, l'œil, l'intellect et le cœur, ici en s'appuyant davantage sur l'intellect, là sur le cœur, là sur l'oreille, là encore sur l'œil.
De telle sorte qu'en produisant un texte ou en le lisant ce ne sont pas tellement les idées qu'on peut en tirer qui sont importantes mais le chemin sensible que l'on emprunte pour les former, les créer puisque notre lecture ou notre geste créateur effectue le miracle même que la Bible attribue à Dieu dans la Genèse quand il manipule un peu de glaise pour en faire un être doué de pensée, d'émotions et de sensations.

Voyez le magnifique timbre que les Postes françaises
ont consacré à Stéphane Mallarmé en 1998
(cliquez l'image pour mieux voir) **.


* En principe, car en réalité la plupart des textes philosophiques que je lis (ils sont peu nombreux) commencent toujours par disséquer les mots, à en faire l'étymologie, à en parcourir les acceptions, à en suivre l'histoire.


** Au moins, trancher la tête du roi à la Révolution aura eu cet avantage de permettre aux timbres de représenter les têtes de personnes qui ont fait quelque chose de vraiment utile pour le progrès de l'humanité, en arts ou en sciences, et pas seulement la tête d'une personne (quels que soient ses mérites) à qui il reste encore quelques gouttes du sang de Guillaume le Conquérant et qui, pour cette raison, règne « dans le Royaume-Uni de Grande-Bretagne et dans les dominions ».

vendredi 24 avril 2009

Température du 24 avril 2009 à Saguenay

Matin---------------------------------------Après-midi

Une Autre «Veduta» de la Piazza San Marco de Canaletto et une de Guardi

Je retrouve des trésors dans mes collections, qui comptent beaucoup de « vedute » de Venise,  particulièrement de la Place Saint-Marc, puisque les peintres en ont tant fait (pas seulement les Vénitiens et pas seulement au 18e siècle).
En haut, un tableau de Canaletto qui présente, en même temps que la partie de la Place la plus rapprochée de la Basilique Saint-Marc, la Piazzetta et le Palais des Doges.
Et puis voici enfin (du moins je l'espère mais pas vraiment) une « veduta » de Francesco Guardi, faite en épousant à peu près le même point de vue que la première « veduta » de Canaletto que je vous ai présentée hier (celle de Guardi est un peu plus tardive, 20 ou 30 ans plus tard) :


P.S. Pour ceux que cela intéresse, j'ai parlé des « Lagarde et Michard » dans ce blogue et (cliquez tour à tour sur chacun des «là» pour y être), mais c'était pour parler aussi (parfois surtout) d'autres choses.

Autres vues de la Place Saint-Marc par Canaletto

On me l'a demandé et je m'empresse de m'exécuter, voici d'autres vues de la Piazza San Marco peintes par Canaletto tout au long de sa vie, au 18e siècle, dans les derniers temps de l'indépendance de cette république, indépendance dont je regrette qu'elle ait pris fin (je hais Napoléon Bonaparte pour avoir été l'auteur de cette fin -en plus d'avoir ressemblé prophétiquement à Nicolas Sarkozy et vice-versa).
J'aimerais que la Sérénissime République soit à nouveau indépendante, comme toutes les républiques, tous les royaumes, grands-duchés, duchés et autres seigneuries d'Italie, qui ont donné à celle-ci bien plus de rayonnement, de gloire, de science, d'art et de grands hommes que l'Italie unifiée des Savoie (ils sont si laids ces Savoie, du moins tant qu'ils ont régné), de Mussolini et de ses ridicules émules (on ne peut pas parler de «pâles émules» tant il était pâle lui-même) qui lui succèdent depuis son exécution.

Vue qui précède de 7 ou 8 ans celle que je vous ai
déjà présentée hier: voyez la Place n'est pas pavée.

Ici le peintre s'est placé sous les arcades qui faisaient
le fond de la Place à cette époque.

Nouveau point de vue, à partir de la droite
de la Basilique vers le fond de la Place.


jeudi 23 avril 2009

Température du 23 avril 2009 à Saguenay

Matin---------------------------------------Après-midi

Imeldo et ses chaussures

Ce sont les beaux Geox que je viens d'acquérir sur eBay.
Ma femme me prénomme parfois Imeldo (allusion à Imelda Marcos -la femme et complice du dictateur philippin (appuyé à deux mains par la «démocratie» étatsunienne) dont elle porte le nom- et à sa pléthorique collection de chaussures de toutes sortes).
Peut-être a-t-elle raison.
Mais qui n'a pas ses défauts?
Et je ne vole pas le peuple philippin (par milliards de dollars états-uniens) pour accroître ma petite collection (mais peut-être un peu tous les peuples, en tant qu'Occidental).

Un Ancien Fond d'écran créé par Canaletto

Je viens de retrouver dans les tréfonds de mon ordinateur (quels trésors doivent s'y trouver encore, je vous en découvrirai d'autres, ne craignez rien), cette reproduction de la «Piazza San Marco» (celle de 1730, car il y en a une autre de 1723, où la Place est beaucoup moins belle, demandez de la voir et je vous la montrerai) de Canaletto.
Elle m'a longtemps servi de fond d'écran (cliquez-la pour mieux la voir).
Ce qui fascine les citoyen du «Nouveau Monde» (remarquez les guillemets) comme moi c'est, si je puis dire, la permanence des ensembles architecturaux de l'«Ancien Monde».
Sur cette
Place de Canaletto, il ne manque que les tables des Cafés (notamment à droite celles du Caffè Florian que nous aimons tant) et, peut-être, les tourbillons si énervants des pigeons de la Place d'aujourd'hui.
Peut-être connaissez-vous aussi ce poème d'Alfred de Musset sur Venise:

Dans Venise la rouge,
Pas un bateau qui bouge,
Pas un pêcheur dans l'eau,
Pas un falot.

Seul, assis à la grève,
Le grand lion soulève,
Sur l'horizon serein,
Son pied d'airain.

Autour de lui, par groupes,
Navires et chaloupes,
Pareils à des hérons
Couchés en ronds,

Dorment sur l'eau qui fume,
Et croisent dans la brume,
En légers tourbillons,
Leurs pavillons.

La lune qui s'efface
Couvre son front qui passe
D'un nuage étoilé
Demi-voilé.

Ainsi, la dame abbesse
De Sainte-Croix rabaisse
Sa cape aux larges plis
Sur son surplis.

Et les palais antiques,
Et les graves portiques,
Et les blancs escaliers
Des chevaliers,

Et les ponts, et les rues,
Et les mornes statues,
Et le golfe mouvant
Qui tremble au vent,

Tout se tait, fors les gardes
Aux longues hallebardes,
Qui veillent aux créneaux
Des arsenaux.

Ah ! maintenant plus d'une
Attend, au clair de lune,
Quelque jeune muguet,
L'oreille au guet.

Pour le bal qu'on prépare,
Plus d'une qui se pare,
Met devant son miroir
Le masque noir.

Sur sa couche embaumée,
La Vanina pâmée
Presse encor son amant,
En s'endormant ;

Et Narcissa, la folle,
Au fond de sa gondole,
S'oublie en un festin
Jusqu'au matin.

Et qui, dans l'Italie,
N'a son grain de folie ?
Qui ne garde aux amours
Ses plus beaux jours ?

Laissons la vieille horloge,
Au palais du vieux doge,
Lui compter de ses nuits
Les longs ennuis.

Comptons plutôt, ma belle,
Sur ta bouche rebelle
Tant de baisers donnés...
Ou pardonnés.

Comptons plutôt tes charmes,
Comptons les douces larmes,
Qu'à nos yeux a coûté
La volupté!

mercredi 22 avril 2009

Température du 22 avril 2009 à Saguenay

Matin---------------------------------------Après-midi

Mur jaune et mort et liberté

C'est devant cet incomparable tableau -réel- de Vermeer (intitulé «Vue de Delft») que le personnage fictif de Bergotte, un grand écrivain, meurt dans «À la recherche du temps perdu». Je vais vous présenter le récit de sa mort tantôt.
C'est une reproduction de ce tableau dans le «Lagarde et Michard*» du 20e siècle qui a, durant mon adolescence, attiré mon attention sur Proust et «À la recherche du temps perdu» et m'a permis d'en entreprendre la lecture et d'y entrer pleinement à la première tentative quand mon maître à l'Université Laval, le Père Morice (dont j'ai déjà parlé quelque part dans ce blogue), m'a incité à le faire.
Si je vous le présente aujourd'hui c'est parce que j'y ai été amené par la photo d'une peintre -Christine Fuchs-, parue dans Libération (), en train de restaurer la fresque qu'elle avait peinte jadis sur le Mur de Berlin quand celui-ci est tombé et a constitué selon moi l'un des plus grands événements de l'histoire du monde en annonçant la fin des plus maléfiques empires que la Terre ait connus: l'empire nazi (dont l'empire soviétique a été à la fois une des causes et le digne successeur avant et après la 2e guerre mondiale) et l'empire soviétique, égaux dans le crime et dans le danger qu'ils ont fait courir à la race humaine (et tous deux héritiers du christianisme réel (pas du christianisme prêché, qui est, hélas, un faux-semblant, comme la démocratie pour George W Bush et ses épigones) dont les crimes ont été aussi grands que les leurs).
Voici cette photo:

Crédits Photo: Reuters/Hannibal Hanschke

Quelles relations entre la photo et le tableau de Vermeer?
Ce jaune, ce mur jaune de Christine Fuchs et ce «petit pan de mur jaune» que contemple
Bergotte dans le passage qui raconte sa mort que je vous présente maintenant et qui est aussi une réflexion sur la mort, notre mort, la vôtre et la mienne:

De quelle façon allons-nous nous endormir ? Et une fois que nous le serons, par quels chemins étranges, sur quelles cimes, dans quels gouffres inexplorés le maître tout puissant nous conduira-t-il ? Quel groupement nouveau de sensations allons-nous connaître dans ce voyage ? Nous mènera-t-il au malaise ? À la béatitude ? À la mort ? Celle de Bergotte survint le lendemain de ce jour-là où il s’était ainsi confié à un de ces amis (ami ? ennemi ?) trop puissant. Il mourut dans les circonstances suivantes : une crise d’urémie assez légère était cause qu’on lui avait prescrit le repos. Mais un critique ayant écrit que dans la Vue de Delft de Vermeer (prêté par le musée de La Haye pour une exposition hollandaise), tableau qu’il adorait et croyait connaître très bien, un petit pan de mur jaune (qu’il ne se rappelait pas) était si bien peint qu’il était, si on le regardait seul, comme une précieuse œuvre d’art chinoise, d’une beauté qui se suffirait à elle-même, Bergotte mangea quelques pommes de terre, sortit et entra à l’exposition. Dès les premières marches qu’il eut à gravir, il fut pris d’étourdissements. Il passa devant plusieurs tableaux et eut l’impression de la sécheresse et de l’inutilité d’un art si factice, et qui ne valait pas les courants d’air et de soleil d’un palazzo de Venise ou d’une simple maison au bord de la mer. Enfin il fut devant Vermeer, qu’il se rappelait plus éclatant, plus différent de tout ce qu’il connaissait, mais où, grâce à l’article du critique, il remarqua pour la première fois des petits personnages en bleu, que le sable était rose, et enfin la précieuse matière du tout petit pan de mur jaune. Ses étourdissements augmentèrent ; il attachait son regard, comme un enfant à un papillon jaune qu’il veut saisir, au précieux petit pan de mur. « C’est ainsi que j’aurais dû écrire, disait-il. Mes derniers livres sont trop secs, il aurait fallu passer plusieurs couches de couleur, rendre ma phrase en elle-même précieuse, comme ce petit pan de mur jaune. » Cependant la gravité de ses étourdissements ne lui échappait pas. Dans une céleste balance lui apparaissait, chargeant l’un des plateaux, sa propre vie, tandis que l’autre contenait un petit pan de mur si bien peint en jaune. Il sentait qu’il avait imprudemment donné la première pour le second. « Je ne voudrais pourtant pas, se dit-il, être pour les journaux du soir le fait divers de cette exposition. »
Il se répétait : « Petit pan de mur jaune avec un auvent, petit pan de mur jaune. » Cependant il s’abattit sur un canapé circulaire ; aussi brusquement il cessa de penser que sa vie était en jeu et, revenant à l’optimisme, se dit : « C’est une simple indigestion que m’ont donnée ces pommes de terre pas assez cuites, ce n’est rien. » Un nouveau coup l’abattit, il roula du canapé par terre, où accoururent tous les visiteurs et gardiens. Il était mort. Mort à jamais ? Qui peut le dire ?**
Peut-être ce «petit pan de mur jaune» qui obsède
Bergotte mourant et ce mur jaune que repeint Christine Fuchs ont-ils une signification commune ou une infinité de significations communes. Je ne sais.
Ce que je sais c'est que, dans mon esprit, l'un conduit à l'autre.

* J'avais promis de vous parler des «Lagarde et Michard» un jour. J'ai déjà parlé de celui du 17e siècle et, peut-être, de celui sur le Moyen Âge (je ne me souviens plus). Tiendrai-je ma promesse un jour? C'est le suspense dans lequel vous et moi sommes plongés.
** Voici la suite de ce passage:
Certes, les expériences spirites pas plus que les dogmes religieux n'apportent de preuve que l'âme subsiste. Ce qu'on peut dire, c'est que tout se passe dans notre vie comme si nous y entrions avec le faix d'obligations contractées dans une vie antérieure; il n'y a aucune raison dans nos conditions de vie sur cette terre pour que nous nous croyions obligés à faire le bien, à être délicats, même à être polis, ni pour l'artiste athée à ce qu'il se croie obligé de recommencer vingt fois un morceau dont l'admiration qu’il excitera importera peu à son corps mangé par les vers, comme le pan de mur jaune que peignit avec tant de science et de raffinement un artiste à jamais inconnu, à peine identifié sous le nom de Vermeer. Toutes ces obligations, qui n'ont pas leur sanction dans la vie présente, semblent appartenir à un monde différent, fondé sur la bonté, le scrupule, le sacrifice, un monde entièrement différent de celui-ci, et dont nous sortons pour naître à cette terre, avant peut-être d'y retourner revivre sous l'empire de ces lois inconnues auxquelles nous avons obéi parce que nous en portions l'enseignement en nous, sans savoir qui les y avait tracées — ces lois dont tout travail profond de l'intelligence nous rapproche et qui sont invisibles seulement — et encore! — pour les sots. De sorte que l'idée que Bergotte n'était pas mort à jamais est sans invraisemblance.

Terre-cœur

Représentation intéressante de la Terre ce matin sur Sympatico.msn.
Je m'empresse de vous la présenter telle quelle.

P.S. À l'occasion du Jour de la Terre, avais-je oublié de préciser.
P.S.2 Voici un excellent commentaire d'une visiteuse amie de ce blogue (voyez les commentaires): «
Avec nos bêtises, on na va pas tarder à faire un infarctus du myocarde!»

mardi 21 avril 2009

Température du 21 avril 2009 à Saguenay

Matin---------------------------------------Après-midi

l'Homme et le matou sont bien stupides (Charles Cros)

J'avais un poème de Charles Cros où apparaît un «petit chat noir» mais aucune photo du diaporama d'écrivains avec leur animal favori du «Magazine littéraire» dont je vous ai présenté quelques éléments au cours des dernières semaines.
Et puis j'ai trouvé un timbre français présentant ce poète et scientifique, qui m'a semblé approprié.
J'aime beaucoup Charles Cros dont la vie est pleine d'occasions manquées: il a inventé le phonographe en même temps que Thomas Édison (esprit plus pragmatique) qui l'a pris de court en construisant le premier un prototype.
Il a inventé la photo couleur mais n'en a rien tiré.
Etc.
Heureusement, avant de mourir très jeune (éthylisme sans doute), il a aussi écrit des vers (fatalité: ses poèmes n'ont pas été appréciés de son vivant et leur nouveauté masquée par d'autres -les poésies de Rimbaud notamment).
Je vous présente donc le beau timbre d'abord (il date de 1977 et son prix est indiqué en franc), puis le poème dont on a fait une chanson (je ne sais pas qui a fait la musique) interprétée par Juliette Gréco et que je n'ai trouvée nulle part (je vous promets de l'ajouter à cette note aussitôt que je la trouverai, quelle que soit sa forme).


Berceuse

Endormons-nous, petit chat noir.
Voici que j'ai mis l'éteignoir
Sur la chandelle.
Tu vas penser à des oiseaux
Sous bois, à de félins museaux...
Moi rêver d'Elle.

Nous n'avons pas pris de café,
Et, dans notre lit bien chauffé
(Qui veille pleure.)
Nous dormirons, pattes dans bras.
Pendant que tu ronronneras,
J'oublierai l'heure.

Sous tes yeux fins, appesantis,
Reluiront les oaristys
De la gouttière.
Comme chaque nuit, je croirai
La voir, qui froide a déchiré
Ma vie entière.

Et ton cauchemar sur les toits
Te dira l'horreur d'être trois
Dans une idylle.
Je subirai les yeux railleurs
De son faux cousin, et ses pleurs
De crocodile.

Si tu t'éveilles en sursaut
Griffé, mordu, tombant du haut
Du toit, moi-même
Je mourrai sous le coup félon
D'une épée au bout du bras long
Du fat qu'elle aime.

Puis, hors du lit, au matin gris,
Nous chercherons, toi, des souris
Moi, des liquides
Qui nous fassent oublier tout,
Car, au fond, l'homme et le matou
Sont bien stupides.

lundi 20 avril 2009

Température du 20 avril 2009 à Saguenay

Matin---------------------------------------Après-midi

Éléments décoratifs d'une lointaine cathédrale

Un concert hier soir à la cathédrale St- François-Xavier de Chicoutimi (ce que j'appelle une «lointaine cathédrale» mais peut-être aurais-je dû l'appeler «cathédrale du bout du monde» puisque un carnaval qui avait lieu autour d'elle jusqu'à tout récemment revendiquait le nom de «carnaval du bout du monde»).
Interprètes excellents, Manon Feubel, soprano, Hélène Collerette, violoniste, Régis Rousseau, organiste, mais programme qui ne m'a pas paru transcendant (des prières tirées d'opéras de Verdi, de Wagner (Lohengrin, Tannhäuser
), des transcriptions de Liszt, du Bach, quoi encore? mais de toutes petites pièces).
Pièces intéressantes, un «Thème et variations» tiré de 6 pièces pour violon et orgue de Joseph Gabriel Rheinberger (page en anglais au bout de ce lien), et l'«Ave Maria» de Gounod (je suis content, je vais pouvoir vous faire entendre un autre «Ave Maria», ci-dessous).
Mais avant le début du concert j'ai jeté un coup d'œil autour de moi et comme ma femme avait apporté son appareil j'ai pris quelques photos d'éléments décoratifs qui m'ont intéressé.
La chaire, par exemple, est en bois sculpté (peut-être du chêne, mais je ne m'y connais pas vraiment en bois) et elle comporte une reproduction miniature du «Moïse» de Michel-Ange qui m'a toujours beaucoup intéressé à cause de l'analyse que Freud lui a consacrée.
Le voici (vous verrez mieux toutes les images que je vous présente si vous les cliquez):

Vous le verrez mieux avec un zoom comme sur cette photo:
Comme moyen de proclamer la sujétion de la
cathédrale de Chicoutimi à l'Église de Rome (où se trouve l'original, à St-Pierre-aux-liens, nom significatif), c'est plus discret que de reproduire St-Pierre elle-même comme cathédrale ainsi qu'on l'a fait à Montréal. N'est-ce pas?
Mais la reproduction, n'est-ce pas une sujétion qui confine à l'asservissement: «
Perinde ac cadaver*»?
Mais assez de remarques éditoriales (j'en fais toujours, c'est ce qui me plaît), voici d'autres éléments de cette «cathédrale du bout du monde»:
Voici la partie supérieure de la chaire, avec son joli ange qui s'apprête à sonner de la trompette:

Voici le haut du chœur (le bas était occupé par l'écran où on allait présenter les performances de l'organiste au 2e balcon derrière) avec son appel latin («Venite ad me omnes qui laboratis et onerati estis et ego reficiam vos.**»: remarquez le point, superflu dans une inscription monumentale, j'aime bien son innocente et touchante ignorance), parole attribuée sans doute au Christ, l'Église ne songeant pour sa part qu'à son propre repos:

Et puis voici le plafond à la croisée du transept et le haut de la paroi gauche de la cathédrale:

Et voici l'«Ave Maria» de
Gounod interprété en 1982 à la Basilique Notre-Dame de Montréal par Leontyne Price, accompagnée par l'Orchestre symphonique de Montréal dirigé par Charles Dutoit:



* «Obéir comme un cadavre» en français: le type d'obéissance que préconisent les sectes et les partis uniques.
** Traduction personnelle «Venez à moi vous tous qui travaillez et êtes accablés de fatigue et moi je vous réconforterai».