jeudi 3 janvier 2008

La désinvolture à Venise

J'ai déjà parlé de la «disinvoltura» italienne (voir la note intitulée « Subtilité » (cliquez sur Subtilité) le mercredi 26 décembre). J'en parlerai encore souvent. En bien et (mais pas beaucoup) en mal. En bien car c'est la qualité (le défaut?) qui me semble la plus enviable chez les Italiens et chez les non-Italiens qui la possèdent. En voici deux merveilleux exemples (mais peut-être serai-je le seul à les trouver merveilleux ces exemples).
Il s'agit de deux photos prises à Venise que j'ai trouvées sur Internet (Venise est peut-être la plus belle ville du monde -la piu bella città del mondo). La première prise sur la Piazza San Marco, c'est la façade du Caffè Florian -qui existe depuis le 18e siècle (j'y ai pris des photos personnelles à l'intérieur): 

 Vous remarquez le mur, l'écaillement (le mot n'existe pas, je l'invente) du crépi (?), c'est-à-dire de ce qui recouvre la surface du mur. En Amérique, en Angleterre, partout où l'on cherche à cacher la réalité, à faire penser que rien ne s'écaille jamais, que tout est toujours neuf comme si tout venait d'être construit ou fait (même les visages, les cous, les corps doivent être indéfiniment refaits, étirés, recadrés pour apparaître, sinon nouvellement nés, du moins bien entretenus) on aurait vite réparé cela. En Italie, à Venise, cela marque simplement le passage du temps, la beauté du passage du temps. Le temps, cela qui appartient aux hommes et qui est le contraire de l'éternité, qui ne leur appartient pas, dont ils ne veulent pas et qui est un synonyme du mot «mort». Ces «écaillements» ressemblent à des motifs abstraits dans un tableau. C'est de l'art.
 

Voici une autre photo, prise à Burano, un autre quartier de Venise, de plus en plus touristique. Elle a été prise dans un lieu que les touristes visitent. Elle peut être vue par des gens qui viennent du monde entier. Un beau mur et des «bobettes» sur une «corde à linge». Vous attendriez de la visite, vous retireriez ces «bobettes» de votre «corde à linge». Pourquoi ne pas attendre qu'elles soient sèches?, disent les Vénitiens. Un triangle blanc (ou plusieurs) se détachant de l'ocre du mur, avec leur ombre et avec l'ombre du campanile et l'ombre d'autre chose, ce n'est pas mal, n'est-ce pas?
C'est cela la «disinvoltura», la si aimable «disinvoltura».

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire