mercredi 15 octobre 2014

Je ne connais rien de plus infâme/sous le soleil que vous autres, Dieux !

Ce portrait de Gœthe jeune m'est tombé sous les yeux lors d'une recherche sur une possible statue du poète à Corfou (cette recherche a échoué, la statue en question, dans les jardins de l'Achilleion, était celle de Byron, mort pour la libération de la Grèce du joug ottoman en 1824).
Mais quelle belle occasion de publier ce merveilleux poème anti-divinité écrit par le poète lorsqu'il était à l'âge de son portrait, le poème Prométhée.
Le poète feint d'y faire parler le Titan Prométhée, ennemi des dieux, qui a créé les hommes et leur a donné le feu, pour mieux dire ce qu'il pense des dieux en général, de Dieu en particulier.
Cela correspond à ce que je pense moi-même, vous vous en doutez.
Voici Prométhée, d'abord une traduction française, largement inspirée d'autres traductions car je ne connais pas l'allemand (comme Proust qui traduisait Ruskin tout en ne connaissant pas l'anglais), puis dans la version originale allemande :


PROMÉTHÉE

Couvre ton ciel de nuages,  Zeus !
et, comme l’enfant qui décapite les chardons,
exerce-toi sur les chênes et sur les cimes des montagnes,
mais laisse subsister ma terre et mes cabanes,
que tu n’as point bâties,
et mon foyer,
dont tu m’envies le feu.

Je ne connais rien de plus infâme
sous le soleil que vous autres, Dieux !
Vous nourrissez abjectement
d’offrandes et d’encens votre majesté,
et vous seriez réduits à mourir de faim, n’étaient
les enfants et les mendiants,
pauvres fous qui se repaissent d’espérances.

Quand j’étais enfant,
je ne savais rien ;
je tournais vers le soleil mon œil abusé,
comme s’il y avait eu au-delà
une oreille pour entendre ma plainte,
un cœur comme le mien
pour compatir à l’affligé.

Qui est venu à mon aide
contre l’orgueil des Titans ?
Qui m'a sauvé de la mort,
de l’esclavage ?…
N’as-tu pas tout fait toi-même,
ô cœur saintement enflammé,  alors que, jeune et bon,
tu rendais, en te trompant,
de ferventes actions de grâces
à celui qui dort là-haut !

Moi, t’honorer !… Pourquoi ?…
As-tu jamais apaisé les douleurs
de l’opprimé ?
As-tu jamais essuyé les larmes
de l’affligé ?
Qui m’a forgé un cœur d’homme ?
N’est-ce pas le temps tout-puissant
et le destin éternel,
mes maîtres et les tiens ?

Croyais-tu peut-être
que je dusse haïr la vie,
fuir dans les déserts,
parce que toutes les fleurs de mes rêves
n’ont pas fructifié ?

J'habite ici, je crée des hommes
à mon image,
une race qui me soit semblable,
pour souffrir, pour pleurer,
pour vivre et se réjouir
et te mépriser,
comme je fais. 



PROMETHEUS

Bedecke deinen Himmel, Zeus,
Mit Wolkendunst
Und übe, dem Knaben gleich,
Der Disteln köpft
An Eichen dich und Bergeshöhen!
Mußt mir meine Erde
Doch lassen stehen
Und meine Hütte die du nicht gebaut,
Und meinen Herd,
Um dessen Glut
Du mich beneidest.

Ich kenne nichts Ärmeres
Unter der Sonn als euch, Götter!
Ihr nähret kümmerlich
Von Opfersteuern
Und Gebetshauch
Eure Majestät
Und darbtet, wären
Nicht Kinder und Bettler
Hoffnungsvolle Toren.

Da ich ein Kind war,
Nicht wußte, wo aus noch ein,
Kehrt ich mein verirrtes Auge
Zur Sonne, als wenn drüber wär
Ein Ohr, zu hören meine Klage,
Ein Herz wie meins,
Sich des Bedrängten zu erbarmen.

Wer half mir
Wider der Titanen Übermut?
Wer rettete vom Tode mich,
von Sklaverei?
Hast du nicht alles selbst vollendet,
Heilig glühend Herz?
Und glühtest jung und gut,
Betrogen, Rettungsdank
Dem Schlafenden da droben?

Ich dich ehren? Wofür?
Hast du die Schmerzen gelindert
Je des Beladenen?
Hast du die Tränen gestillet
Je des Geängsteten?
Hat nicht mich zum Manne geschmiedet
Die allmächtige Zeit
Und das ewige Schicksal,
Meine Herrn und deine?

Wähntest du etwa,
Ich sollte das Leben hassen,
In Wüsten fliehen,
Weil nicht alle Blütenträume reiften?

Hier sitz ich, forme Menschen
Nach meinem Bilde,
Ein Geschlecht das mir gleich sei,
Zu leiden, zu weinen,
Zu genießen und zu freuen sich
Und dein nicht zu achten,
Wie ich!

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