jeudi 28 avril 2011

Hyacinthe

Ce tableau représente « La Naissance de Vénus » et il est du peintre expressionniste allemand Lovis Corinth.
Il apparaît ici parce que c'est le jour de l'hyacinthe selon le calendrier républicain français (9 floréal : voir billet précédent).
Et que j'ai voulu vous présenter un poème comportant le mot « hyacinthe ».
C'est le poème de Mallarmé qui commence par « Mes bouquins refermés... » qui s'est présenté à mon esprit, parce qu'il contient le mot « hyacinthe » mais non pas comme désignant une fleur, mais la couleur de la gloire.
Et que ce poème comprend aussi le nom « Paphos » qui est la ville de l'île de Chypre près de laquelle est née Vénus, « de l'écume de la mer », ce qui est un sperme comme un autre, ne trouvez-vous pas?
D'où le tableau de Corinth (j'aurais pu mettre celui de Botticelli ou celui de Bouguereau, ou je ne sais, mais ils sont partout, alors que celui de Corinth, il n'est nulle part).
(Remarquez qu'au lieu de la naissance de Vénus, j'aurais pu évoquer les amours d'Apollon et d'Hyacinthe, mais à quoi bon risquer les anathèmes du pape allemand qui, par éducation nazie, déteste, comme vous le savez, les amours homosexuelles et les triangles roses).
Mais maintenant que vous connaissez l'histoire de la présentation du tableau de Corinth, voici le poème de Mallarmé qui est, selon moi, paradoxalement le sonnet de l'amour de l'absence, l'absence de la réalité qui permet à la littérature de créer des images d'une plus grande splendeur et de ressentir des émotions vives d'une vie incompatible avec la vie réelle*.


Mes bouquins refermés...

Mes bouquins refermés sur le nom de Paphos, 

Il m'amuse d'élire avec le seul génie

Une ruine, par mille écumes bénie

Sous l'hyacinthe, au loin, de ses jours triomphaux.

Coure le froid avec ses silences de faux,

Je n'y hululerai pas de vide nénie

Si ce très blanc ébat au ras du sol dénie

À tout site l'honneur du paysage faux.

Ma faim qui d'aucuns fruits ici ne se régale 

Trouve en leur docte manque une saveur égale : 

Qu'un éclate de chair humain et parfumant !

Le pied sur quelque guivre où notre amour tisonne

Je pense plus longtemps peut-être éperdument

À l'autre, au sein brûlé d'une antique amazone.
 


* Permettez-moi de ne pas parler de son « éclatante » sensualité.

3 commentaires:

orfeenix a dit…

quelle brillante réponse en contre-point à l'art mièvre, le tableau est un pastiche des plafonds prétentieux de nos châteaux français et Mallarmé,Mallarmé... , une bouche ouverte pour proclamer l' ennui de tous les envers du décor.

Jack a dit…

Belle interprétation.
Le tableau dissout Vénus, devenue nuage et fumée, et le poème ne pense qu'à ce qui n'existe pas ou plus, au «docte manque».

Nelly a dit…

Mes recherches d'images m'ont conduite plus d'une fois vers votre blog. Merci pour vos choix : non comme bons mais comme vôtres, je l'ai compris. Ils sont d'éclairante subjectivité.

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