À l'époque où je suis né il n'y avait pas une mère québécoise qui ne rêvait pas d'avoir un enfant (un garçon) aux cheveux blonds et frisés.
Avoir les yeux bleus était un avantage supplémentaire.
Car on pouvait espérer qu'un tel enfant serait un jour (autour de sa troisième année) choisi pour jouer, vêtu d'une peau de mouton, le petit saint Jean-Baptiste accompagné d'un agneau, sur le dernier char allégorique du défilé de la Saint-Jean-Baptiste, le 24 juin.
Il y avait un défilé dans chacune des villes et dans chacun des villages du Québec.
Je vous ai déjà montré (ici) une photo de moi quand j'avais autour de 3 ans: j'avais bien les cheveux blonds mais, comme cela n'apparaît pas vraiment sur la photo, je n'étais pas très frisé. Mais qu'à cela ne tienne, voyez:
À force de patience et d'un travail de chaque jour à boudiner les cheveux, j'avais des boucles. Ma mère pouvait espérer.
Non que la chose l'enthousiasmait.
C'était plutôt pour ne pas qu'on lui fasse le reproche de n'avoir rien fait pour favoriser ma candidature à la personnification du petit saint Jean-Baptiste que par ambition personnelle qu'elle prenait tant soin de mes boucles (je n'aimais pas cela pour ma part car selon moi les garçons devaient avoir les cheveux raides et courts, plutôt en «brosse» comme mon grand-père Bouchard ou mon père).
À la fin, ma 3e année passa sans que l'on vienne m'offrir le rôle.
On me coupa les cheveux en brosse et je pus tous les 24 juin regarder passer le défilé sans angoisse (c'était à mon frère qu'on boudinait maintenant les cheveux mais lui il était vraiment frisé, comme notre grand-père Saint-Pierre).
Ce défilé était composé de fanfares et de chars allégoriques.
Le dernier char évoquait, je l'ai dit, saint Jean-Baptiste, les autres les paroles de chansons du folklore français ou québécois (Anne de Bretagne ou la Canadienne dont on souhaitait qu'elle vive) ou un épisode de l'histoire des héros ou héroïnes de la Nouvelle-France, Champlain, Dollard des Ormeaux, Frontenac, Radisson, Joliette, Vaudreuil, Madeleine de Verchères, etc.Les fanfares jouaient également des airs de folklore, parfois des airs de cantiques (qu'elles avaient déjà joués lors des processions de la Fête-Dieu ou du Saint-Sacrement peu de temps auparavant).
Les porte-drapeaux exhibaient aussi tous les drapeaux qui avaient représenté les habitants francophones de la Nouvelle-France.
Il s'y glissait parfois des Union Jack et des Red Ensign (mais quelqu'un venait vite les ôter à ceux qui les tenaient), des drapeaux du Saint-Siège et, malgré la désapprobation du clergé, le drapeau des Patriotes de 1837-1838 (l'Église officielle n'était pas en faveur de cette révolte contre les conquérants britanniques qui -malgré leur répugnance anglicane- lui avaient donné plein pouvoir sur les Québécois).
J'y ai déjà vu un ou deux drapeaux français mais le clergé n'aimait pas cela non plus. Quant au drapeau belge que j'ai vu une fois il était suspect: les rois belges n'appartenaient-ils pas à la même dynastie que les monarques anglais? Peut-être étaient-ils crypto-protestants.
Voici quelques-uns des drapeaux permis ou tolérés qu'on pouvait voir défiler (je ne présente pas celui du Saint-Siège qui était pourtant le préféré des «autorités»):
Le drapeau de Carillon*
Le drapeau de Carillon avec le Sacré-Cœur de Jésus
Un drapeau royal de France
Le drapeau des Patriotes de 1837-38
Et voici le drapeau officiel du Québec qui tend de plus en plus à s'imposer seul depuis sa proclamation en 1948:
Depuis ce temps il se présente en vagues comme s'il formait une mer ainsi que vous avez pu le voir dans ma note d'hier, avec un petit enfant qui y naviguait.
Les défilés de la Saint-Jean ont pris une autre forme et la fête nationale s'est multipliée. Il n'y a un défilé que dans la métropole.
Mais les enfants blonds aux cheveux bouclés québécois n'ont plus à craindre de personnifier en peau de mouton le petit précurseur de Jésus.
Car la fête nationale n'est plus une fête religieuse, seulement une fête patriotique.
Peut-être le petit mouton n'a-t-il plus à craindre le grand méchant loup.
* La bataille de Fort Carillon eut lieu le 8 juillet 1758 à Ticonderoga, au sud du lac Champlain (de nos jours dans l'État de New York) dans le cadre de la guerre de Sept Ans.
Les 3 600 hommes (dont les 400 Canadiens -nom des Québécois à l'époque avant que les Anglais ne le leur volent- du chevalier de Lévis) de Montcalm et 250 Amérindiens brisèrent l'assaut des 16 000 britanniques (dont 6000 Tuniques rouges et 10 000 provinciaux de la Nouvelle-Angleterre) et de leurs alliés sous les ordres du major général James Abercrombie.
Avoir les yeux bleus était un avantage supplémentaire.
Car on pouvait espérer qu'un tel enfant serait un jour (autour de sa troisième année) choisi pour jouer, vêtu d'une peau de mouton, le petit saint Jean-Baptiste accompagné d'un agneau, sur le dernier char allégorique du défilé de la Saint-Jean-Baptiste, le 24 juin.
Il y avait un défilé dans chacune des villes et dans chacun des villages du Québec.
Je vous ai déjà montré (ici) une photo de moi quand j'avais autour de 3 ans: j'avais bien les cheveux blonds mais, comme cela n'apparaît pas vraiment sur la photo, je n'étais pas très frisé. Mais qu'à cela ne tienne, voyez:
À force de patience et d'un travail de chaque jour à boudiner les cheveux, j'avais des boucles. Ma mère pouvait espérer.
Non que la chose l'enthousiasmait.
C'était plutôt pour ne pas qu'on lui fasse le reproche de n'avoir rien fait pour favoriser ma candidature à la personnification du petit saint Jean-Baptiste que par ambition personnelle qu'elle prenait tant soin de mes boucles (je n'aimais pas cela pour ma part car selon moi les garçons devaient avoir les cheveux raides et courts, plutôt en «brosse» comme mon grand-père Bouchard ou mon père).
À la fin, ma 3e année passa sans que l'on vienne m'offrir le rôle.
On me coupa les cheveux en brosse et je pus tous les 24 juin regarder passer le défilé sans angoisse (c'était à mon frère qu'on boudinait maintenant les cheveux mais lui il était vraiment frisé, comme notre grand-père Saint-Pierre).
Ce défilé était composé de fanfares et de chars allégoriques.
Le dernier char évoquait, je l'ai dit, saint Jean-Baptiste, les autres les paroles de chansons du folklore français ou québécois (Anne de Bretagne ou la Canadienne dont on souhaitait qu'elle vive) ou un épisode de l'histoire des héros ou héroïnes de la Nouvelle-France, Champlain, Dollard des Ormeaux, Frontenac, Radisson, Joliette, Vaudreuil, Madeleine de Verchères, etc.Les fanfares jouaient également des airs de folklore, parfois des airs de cantiques (qu'elles avaient déjà joués lors des processions de la Fête-Dieu ou du Saint-Sacrement peu de temps auparavant).
Les porte-drapeaux exhibaient aussi tous les drapeaux qui avaient représenté les habitants francophones de la Nouvelle-France.
Il s'y glissait parfois des Union Jack et des Red Ensign (mais quelqu'un venait vite les ôter à ceux qui les tenaient), des drapeaux du Saint-Siège et, malgré la désapprobation du clergé, le drapeau des Patriotes de 1837-1838 (l'Église officielle n'était pas en faveur de cette révolte contre les conquérants britanniques qui -malgré leur répugnance anglicane- lui avaient donné plein pouvoir sur les Québécois).
J'y ai déjà vu un ou deux drapeaux français mais le clergé n'aimait pas cela non plus. Quant au drapeau belge que j'ai vu une fois il était suspect: les rois belges n'appartenaient-ils pas à la même dynastie que les monarques anglais? Peut-être étaient-ils crypto-protestants.
Voici quelques-uns des drapeaux permis ou tolérés qu'on pouvait voir défiler (je ne présente pas celui du Saint-Siège qui était pourtant le préféré des «autorités»):
Le drapeau de Carillon*
Le drapeau de Carillon avec le Sacré-Cœur de Jésus
Un drapeau royal de France
Le drapeau des Patriotes de 1837-38
Et voici le drapeau officiel du Québec qui tend de plus en plus à s'imposer seul depuis sa proclamation en 1948:
Depuis ce temps il se présente en vagues comme s'il formait une mer ainsi que vous avez pu le voir dans ma note d'hier, avec un petit enfant qui y naviguait.
Les défilés de la Saint-Jean ont pris une autre forme et la fête nationale s'est multipliée. Il n'y a un défilé que dans la métropole.
Mais les enfants blonds aux cheveux bouclés québécois n'ont plus à craindre de personnifier en peau de mouton le petit précurseur de Jésus.
Car la fête nationale n'est plus une fête religieuse, seulement une fête patriotique.
Peut-être le petit mouton n'a-t-il plus à craindre le grand méchant loup.
* La bataille de Fort Carillon eut lieu le 8 juillet 1758 à Ticonderoga, au sud du lac Champlain (de nos jours dans l'État de New York) dans le cadre de la guerre de Sept Ans.
Les 3 600 hommes (dont les 400 Canadiens -nom des Québécois à l'époque avant que les Anglais ne le leur volent- du chevalier de Lévis) de Montcalm et 250 Amérindiens brisèrent l'assaut des 16 000 britanniques (dont 6000 Tuniques rouges et 10 000 provinciaux de la Nouvelle-Angleterre) et de leurs alliés sous les ordres du major général James Abercrombie.
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