La tâche de la philosophie
Hegel définit l’histoire comme le processus par lequel l’humanité progresse vers la liberté véritable, c’est-à-dire la maîtrise et la compréhension de soi, le fait de voir le monde sans les illusions fabriquées par nous-mêmes. Les Jeunes Hégéliens en prenaient pour exemple – controversé – le Dieu chrétien. (Ce sur quoi écrivait Feuerbach.) Nous avons créé Dieu, puis prétendu que lui nous avait créés. Nous avons hypostasié notre propre concept pour le transformer en une entité omniprésente, dont nous nous efforçons de comprendre et respecter les commandements (inventés par nous). Nous en appelons à notre propre fiction.
Une notion comme Dieu ne relève pas de l’erreur. L’histoire est rationnelle : nous avons des raisons de faire le monde comme nous le faisons. L’homme a conçu Dieu parce que cela lui permettait de résoudre certains problèmes. Mais, quand un concept commence à entraver la marche vers la maîtrise de soi, il doit être critiqué et dépassé, abandonné. Sinon, comme les membres de Daech aujourd’hui, nous devenons les instruments de notre Instrument.
Mais il est difficile de se débarrasser des outils que nous avons objectivés, en raison de la persistance des idéologies qui les justifient et travestissent une simple invention humaine en ordre naturel des choses. Déconstruire les idéologies, voilà donc précisément la tâche de la philosophie.
Louis Menand, Marx : figure du passé ou prophète du présent ?, Books, (ici).
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