Pourquoi il est illusoire d’espérer
prolonger la vie humaine
UNE CHRONIQUE DU PR ALAIN FISCHER
Des données récentes le confirment : les démiurges qui cherchent à augmenter notre longévité auront du mal à arriver à leurs fins.
Le vieillissement est un processus apparemment inéluctable qui nous préoccupe tous, individuellement et par ses effets sur la collectivité. Diminution de la force physique, de la résistance aux infections ou aux effets des températures extrêmes, perte de la mémoire et de la cognition, autant de manifestations bien connues de tous. S’y ajoutent les risques accrus de cancer et de maladies dégénératives du cerveau et du système vasculaire. Peut-on combattre le vieillissement, le ralentir, prolonger la vie en bonne santé ? Voire, comme certains le rêvent, prolonger l’espérance de la vie au-delà des limites connues ?
Le vieillissement est un processus apparemment inéluctable qui nous préoccupe tous, individuellement et par ses effets sur la collectivité. Diminution de la force physique, de la résistance aux infections ou aux effets des températures extrêmes, perte de la mémoire et de la cognition, autant de manifestations bien connues de tous. S’y ajoutent les risques accrus de cancer et de maladies dégénératives du cerveau et du système vasculaire. Peut-on combattre le vieillissement, le ralentir, prolonger la vie en bonne santé ? Voire, comme certains le rêvent, prolonger l’espérance de la vie au-delà des limites connues ?
Je ne suis pas convaincu que cette aspiration à un fantasme biblique (en quelque sorte en revenir à Mathusalem et sa parentèle) soit souhaitable. Voulons- nous une société à la pyramide des âges renversée qui aboutirait à un summum de la gérontocratie ? De plus, est-ce faisable ? Que nous en dit la biologie ?
Nous savons aujourd’hui que nos cellules accumulent des mutations au sein de leur génome, c’est-à-dire des modifications de la séquence de l’ADN. Ces variations peuvent être neutres, ou modifier une fonction biologique en perturbant le niveau d’expression ou de fonction d’une protéine, ou encore conférer à ces cellules un avantage de survie ou de croissance. C’est le cas lors de cancers, mais aussi pour certaines anomalies de la moelle osseuse qui favorisent l’inflammation des vais- seaux et accroissent le risque d’accidents cardiovasculaires. Nos cellules sont toute- fois armées de systèmes de protection. Ceux-ci réparent l’essentiel des mutations qui apparaissent au moment de la copie du génome pendant les divisions cellulaires ou lorsque l’ADN est copié en ARN messager. Les rares anomalies génétiques de ces systèmes de correction « des fautes d’orthographe » du génome provoquent d’ailleurs un vieillissement prématuré.
Ces mutations somatiques sont cependant difficiles à étudier car il faudrait séquencer le génome de beaucoup de cellules individuellement, dans plusieurs tissus à différents âges, et déterminer les conséquences des mutations observées. L’état de la science ne le permet pas. Cependant, des études récentes recherchant les mutations dans un tissu relativement accessible, les villosités de l’intestin, dans différentes espèces de mammifères, apportent des informations de grand intérêt : il existe une corrélation inverse entre le nombre de mutations par génome et l’espérance de vie. Autrement dit, une souris dont l’espérance de vie est de l’ordre de 2 à 3 ans accumule autant de mutations dans ces cellules qu’un homme de 80 ans. Le taux de mutations par année de vie est d’environ 800 chez la souris contre 47 chez l’homme. L’explication réside dans la bien meilleure efficacité des systèmes de protection du génome (les correcteurs des fautes d’orthographe) dont nous disposons.
Néanmoins, si l’on admet que l’on puisse extrapoler des cellules de l’intestin à notre corps entier, nous accumulons des mutations qui peuvent être délétères. Les neurones des patients atteints de la maladie d’Alzheimer ont un plus grand nombre de mutations que les neurones des personnes du même âge indemnes. Une des anomalies les plus visibles concerne, chez l’homme, la perte du chromosome Y observable dans les cellules sanguines, qui corrèle avec une moindre espérance de vie.
Quelles conclusions extraire de ces travaux ? Il semble que les mutations somatiques, qui sont de dix à vingt fois plus fréquentes que les mutations germinales portées par les gamètes et donc héritables, rendent compte de l’essentiel (82 %) de la variabilité de l’espérance de vie entre espèces. Cette accumulation de mutations est inéluctable même si la prévention de l’exposition aux substances mutagènes (tabac...) peut en réduire légèrement le rythme. De ce fait, il est parfaitement illusoire d’envisager un prolongement de la vie humaine au-delà des limites biologiques connues, ou une « réjuvénation » de nos cellules en les transformant en cellules souches. Cette opération est faisable, mais de telles cellules porteront toujours le poids des mutations accumulées pendant la vie... Il paraît bien plus pertinent d’agir sur les facteurs connus (activités physique et psychique, nutrition) pour éviter un vieillissement prématuré et de mettre en place les mesures d’accompagnement des personnes âgées avec dignité et empathie.
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