mardi 2 août 2011

Pouchkine -Champagne et Bordeaux. Amour et amitié

Pour encore « parler vrai » -mais avec quelques précautions car de candides yeux censeurs nous surveillent, prêts à se scandaliser et à invoquer tel ou tel amendement à leur sacrée (et damnée) constitution pour nous condamner- je vais vous citer deux « quatorzains » (les 45 et 46e) de l'« Eugène Onéguine » de Pouchkine que j'ai pu prendre en note avant que ma femme ne me l'arrache des mains pour le remettre à la bibliothèque municipale où il était impatiemment (et étonnamment) attendu.
Pouchkine, par l'intermédiaire de son personnage principal, y procède à une comparaison entre vin de Champagne et vin de Bordeaux, pleine de sous-entendus, dont certains plus que grivois.
C'est en lisant le premier de ces « quatorzains » que je me suis aperçu que je n'étais pas le seul à avoir pensé que le jaillissement du champagne lorsqu'on le débouche ressemblait à ce qui se passe lorsqu'on arrive au paroxysme de l'amour (j'emploie des termes galants afin d'éviter la censure puérile de vous savez qui).
Voyez la photo ci-dessus. Cela ne vous fait-il pas penser à quelque chose ?
C'est la raison profonde et secrète, cachée, pour laquelle on fait sauter le bouchon de tant de bouteilles de champagne (ou sinon de mousseux, dont l'écume parfois laisse aussi songeur) .
C'est une métaphore et un substitut de l'amour !
Pouchkine (il n'est pas l'inventeur de la littérature russe pour rien) y avait pensé aussi et il file la métaphore, passant du jaillissement à l'amante.
Au champagne il oppose le Bordeaux qui, lui, est un frère et console plutôt que de demander, comme l'amante « champagne », un don physique de soi.
Lisez attentivement ces strophes que j'aime d'un amour extrême. C'est Pouchkine qui est un frère (et aussi le Bordeaux, surtout le Pomerol et le Saint-Émilion que les milliards d'Asiatiques et nouveaux riches aiment trop) :


Le vin sacré pour le poète,
Le Moët ou le Veuve Cliquot,
Vient aussitôt marquer la fête,
Servi sur glace, dans son seau.
Son Hippocrène qui pétille,
Se précipite, éclate et brille
(Semblance de nous savons quoi),
M'a plu jadis. Combien de fois
J'y fus de ma dernière obole
Pour quelques bulles ? Dieu le sait,
Son jet magique produisait
Un flot si large de paroles,
Tant de délires, tant de vers,
D'envies de changer l'univers.
 

Mais son écume impitoyable
Est dangereuse pour le foie.
Et du Bordeaux plus raisonnable
J'adopte désormais la loi.
L'Aÿ* m'accable et me tourmente,
L'Aÿ ressemble à une amante,
Brillante, vive, sans soucis,
Imprévisible et creuse aussi...
Mais toi, Bordeaux, tu es un frère,
Prêt à vous réchauffer le cœur
Dans le loisir et le malheur
Si le destin nous est contraire,
Pour partager notre fardeau -
Honneur à toi l'ami Bordeaux !

* « Aÿ » est un autre nom du champagne comme vous le savez si vous avez fait des mots croisés.

3 commentaires:

Anonyme a dit…

Ce poème est pas mal pour un premier jet....

Jack a dit…

Il arrive à vider la bouteille.

Anonyme a dit…

Le texte en russe :

Вдовы Клико или Моэта
Благословенное вино
В бутылке мерзлой для поэта
На стол тотчас принесено.
Оно сверкает Ипокреной;
Оно своей игрой и пеной
(Подобием того-сего)
Меня пленяло: за него
Последний бедный лепт, бывало,
Давал я. Помните ль, друзья?
Его волшебная струя
Рождала глупостей не мало,
А сколько шуток и стихов,
И споров, и веселых снов!

***
Но изменяет пеной шумной
Оно желудку моему,
И я Бордо благоразумный
Уж нынче предпочел ему.
К Аи я больше не способен;
Aи любовнице подобен
Блестящей, ветреной, живой,
И своенравной, и пустой...
Но ты, Бордо, подобен другу,
Который, в горе и в беде,
Товарищ завсегда, везде,
Готов нам оказать услугу
Иль тихий разделить досуг.
Да здравствует Бордо, наш друг!

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