samedi 23 avril 2011

Mère de douleur d'un dieu de douleur et d'humiliation

«Mater Dolorosa» par Jozef Israels

S'il y quelque chose de différent par rapport aux autres religions dans le principe du christianisme, c'est celui d'un dieu souffrant et humilié, qui affirmait que «son royaume n'était pas de ce monde».
(Je ne sais pas s'il a utilisé le terme «
royaume» car, à mon sens, les termes de «royaume» et de «roi» sont plutôt dépréciatifs et inappropriés, trompeurs, quand on parle d'un dieu et de son domaine).
Naturellement on a dévoyé son message et les églises ou les religions qui se réclament de ce Dieu montrent qu'elles ne l'ont pas compris , elles qui, en l'appelant «roi», l'ont placé du côté de ceux qui ont le pouvoir plutôt que du côté «
des humiliés et des offensés» où il a été pendant sa vie et où il voulait être, s'il vit encore, pour l'éternité*.
Ces églises et ces religions ont établi une structure de pouvoir, des hiérarchies, des monarques, des représentants du monarque, en prétendant répandre son message, sans s'apercevoir qu'ainsi elles taisaient au contraire son message (le «
mettaient sous le boisseau»).
Elles ont établi un royaume qui n'est pas son royaume puisque son royaume ne peut pas exister dans un monde qui n'est pas le sien.
Ces églises et ces religions ont établi LEUR royaume de gloire, de pouvoir, de richesse et de domination, plutôt que son royaume.
Parfois, malgré elles, le vrai message ressort.
Le message du dieu de douleur et d'humiliation, et de la mère de douleur et d'humiliation du dieu.
Pour moi, dans le «Stabat Mater» par exemple.
En particulier quand il est interprété, comme dans celui de Vivaldi dont je vais vous présenter le largo, par un contreténor.
Car, malgré sa beauté (une beauté «
acide», je dirais), je ressens la voix des contreténors comme une voix de douleur, disons de discipline (un peu dans le sens que ce mot avait aux 17 et au 18e siècles), une voix qu'on emprunte en faisant des «sacrifices», comme le sacrifice des castrats, où la chose sacrifiée était plus évidente que dans le cas des contreténors.
Voici donc le largo du «Stabat Mater», interprété par Andreas Scholl, suivi des paroles latines et de leur traduction française:


Vivaldi, Stabat Mater dolorosa - Largo par Chroresundostres


Stabat mater

Stabat Mater dolorosa

Iuxta crucem lacrimosa

dum pendebat Filius.

Cuius animam gementem,

contristatam et dolentem,

pertransiuit gladius.

O quam tristis et afflicta

fuit illa benedicta

Mater Unigeniti.

Quæ mœrebat et dolebat,

Pia Mater cum uidebat

Nati pœnas incliti.

Quis est homo qui non fleret,

Matrem Christi si uideret

in tanto supplicio?

Quis non posset contristari,
Christi Matrem contemplari

dolentem cum Filio?

Pro peccatis suæ gentis

uidit Iesum in tormentis

et flagellis subditum.

Uidit suum dulcem natum

moriendo desolatum,

dum emisit spiritum.

Eia Mater, fons amoris,

me sentire uim doloris

fac, ut tecum lugeam.

Fac ut ardeat cor meum

in amando Christum Deum,

ut sibi complaceam.

Sancta Mater, istud agas,

Crucifixi fige plagas

cordi meo ualide.

Tui nati uulnerati,

tam dignati pro me pati,

pœnas mecum divide.

Fac me uere tecum flere,

Crucifixo condolere,

donec ego uixero.

Iuxta crucem tecum stare,

et me tibi sociare

in planctu desidero.

Uirgo uirginum præclara,

mihi iam non sis amara:

fac me tecum plangere.

Fac ut portem Christi mortem,

passionis fac consortem,

et plagas recolere.

Fac me plagis uulnerari,

fac me cruce inebriari,

et cruore Filii.

Flammis ne urar succensus

per te Uirgo, sim defensus

in die judicii

Christe, cum sit hinc exire,

da per Matrem me uenire

ad palmam uictoriae.

Quando corpus morietur,

fac ut animæ donetur

Paradisi gloria.

Amen ! In sempiterna sæcula. Amen.

Traduction française

Debout, la Mère de douleur
Se tient en larmes, près de la croix,

Devant son Fils supplicié.

Son âme gémissante,

Triste et douloureuse,

Est percée par un glaive.

Elle est triste, anéantie,

La femme entre toutes bénie,

La Mère de Dieu!

Dans le chagrin qui l'empoigne,

Cette tendre Mère pleure

Son Fils qui meurt.

Qui sans verser de pleurs

Verrait la Mère du Seigneur
Souffrir une si grande douleur?

Qui resterait indifférent
Devant cette souffrance

De la Mère devant son Fils?

À cause des fautes humaines,

Elle voit Jésus meurtri
Sous les coups du fouet.

Elle voit son Fils bien-aimé

Mourir seul, abandonné,

Et soudain rendre l'esprit.

Ô Mère, source de tendresse,

Donne-moi ta tristesse

Pour que je pleure avec toi.

Fais que mon âme brûle
De l'amour du Seigneur mon Dieu:

Que je Lui plaise avec toi.

Mère sainte, daigne tatouer

Les plaies de Jésus crucifié

En mon cœur très fortement.

Pour moi, ton Fils voulut mourir,

Aussi donne-moi de souffrir

Une part de Ses tourments.

Donne-moi de pleurer en toute vérité,

Comme toi près du Crucifié,

Tant que je vivrai!

Je désire auprès de la croix

Me tenir, debout avec toi,

Dans ta plainte et ta souffrance.

Vierge des vierges, toute pure,

Ne sois pas envers moi trop dure,

Fais que je pleure avec toi.

Du Christ fais-moi porter la mort,

Revivre le douloureux sort

Et les plaies, au fond de moi.

Fais que Ses propres plaies me blessent,

Que la croix me donne l'ivresse

Du Sang versé par ton Fils.

Je crains les flammes éternelles;

Ô Vierge, assure ma tutelle

À l'heure de la justice.

Ô Christ, à l'heure de partir,

Puisse ta Mère me conduire

À la palme des vainqueurs.

À l'heure où mon corps va mourir,

À mon âme, fais obtenir

La gloire du paradis.


* Les prétendus chrétiens qui invoquent la loi de la majorité pour imposer leurs prières et leurs lois aux minorités se placent eux-même dans cette logique «royale» de domination à l'égard des minorités, quelles qu'elles soient (les moins nombreux, les nouveaux arrivés, les plus faibles), qui n'est manifestement pas celle de leur dieu.
Ils se réclament de la loi du plus fort (le plus grand nombre ici) qui est celle de la jungle.
Lui serait du côté des minorités, du respect, du silence et de l'amour!

2 commentaires:

orfeenix a dit…

J' ai une petite préférence pour celui de Pergolesi ,version de René Jacob, mais celui que vous proposez est admirable également...

Jack a dit…

Le Stabat de Pergolèse, que j'aime bien aussi, sera présenté l'an prochain si ma vie se perpétue jusque-là.

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