samedi 4 septembre 2010

Calcul et amour

Dès mon adolescence, quand je lisais le sonnet de José-Maria de Hérédia sur les amours d'Antoine et de Cléopâtre que je vais vous présenter, surtout les deux derniers vers et demi (ceux-ci :


                                              l'ardent impérator
Vit dans ses larges yeux étoilés de points d'or
Toute une mer immense où fuyaient des galères.) 


je me demandais à quoi pouvait bien réellement ressembler une telle femme pour entraîner d'«ardents impérators» à sacrifier leur pouvoir à Rome pour elle, et à risquer d'être trahis par elle comme le suggère le sonnet.
(Car j'avais appris aussi en piochant dans les dictionnaires, comme on le faisait en cette époque lointaine, que Cléopâtre avait aussi conquis César, à qui elle avait donné un fils, Césarion).
Comme vous le voyez par la tête ci-dessus, c'était une petite Grecque bien ordinaire.
Et n'en doutez pas, c'est sûrement elle car cette tête de l'Altes Museum de Berlin ressemble à cette tête de Cléopâtre qu'on trouve sur cette monnaie égyptienne qui nous est parvenue, voyez:

Elle est moins belle encore sur la monnaie mais la ressemblance est frappante.
Peut-être lui manque-t-il, dans ces deux représentations, tout le maquillage extravagant qui rendait singulières et séduisantes ces autres Grecques qu'étaient Maria Callas et Irène Papas, par exemple.
Mais je crois que l'essentiel de sa séduction (pour des Romains) résidait dans son pouvoir royal et dans son état de « Grecque ».
César aussi bien qu'Antoine rêvaient de monarchie et de couronne.
La couronne des « basilei » hellénistiques, les diadoques héritiers d'Alexandre (dont le tombeau -où il était momifié- était à deux pas du palais de Cléopâtre à Alexandrie).
Et l'élite romaine n'avait rien de plus pressé que de parler grec tant cette langue la fascinait.
Je crois que tous les mots historiques de César (et de ses prédécesseurs et successeurs) qu'on rapporte en latin, César les a prononcés en grec.
En Cléopâtre, on aimait la reine et la Grecque descendante de Ptolémée, le compagnon d'Alexandre.
Quant à elle, je ne crois pas qu'elle aimait.
Elle se laissait faire des enfants (un par César, trois par Marc Antoine) par calcul politique.
Et ses calculs ont tous échoué.
Voici le sonnet de José-Maria de Hérédia:



Antoine et Cléopâtre

Tous deux ils regardaient, de la haute terrasse,
L'Egypte s'endormir sous un ciel étouffant
Et le Fleuve, à travers le Delta noir qu'il fend,
Vers Bubaste ou Saïs rouler son onde grasse.

Et le Romain sentait sous la lourde cuirasse,
Soldat captif berçant le sommeil d'un enfant,
Ployer et défaillir sur son coeur triomphant
Le corps voluptueux que son étreinte embrasse.

Tournant sa tête pâle entre ses cheveux bruns
Vers celui qu'enivraient d'invincibles parfums,
Elle tendit sa bouche et ses prunelles claires;

Et sur elle courbé, l'ardent impérator
Vit dans ses larges yeux étoilés de points d'or
Toute une mer immense où fuyaient des galères.


 

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