mercredi 6 mai 2009

La Tour Eiffel et les cornes du Trocadéro


En ce mois de mai, c'est le 120e anniversaire de la Tour Eiffel. Cette photo d'elle m'est chère, parce qu'elle a été prise lors de l'Exposition universelle de 1900.Elle m'est chère parce qu'elle réalise cet accord entre la réalité et la littérature qui me plaît tant (elle transforme la réalité en littérature, seule réalité avec celle que produisent les autres arts).
Voyez au-delà des arches formées par ses piliers le Palais du Trocadéro (vue rapprochée en bas), disparu aujourd'hui et remplacé par le Palais de Chaillot (avec ses maximes* de Paul Valéry sur le fronton).
C'est le Trocadéro qui suscite mon émotion car c'est là, dans les jardins, que, dans la « Recherche du temps perdu », Albertine, trompant le Narrateur, va à la rencontre de Léa ou de quelque autre amie, habitant comme elle la cité
libidinale et mentale de Gomorrhe -s'étendant dorénavant à tout l'univers à cause de sa destruction biblique.
C'est là qu'elle se rend libre de l'amour de plomb et illusoire de celui-ci -dont elle est « La Prisonnière »-, qu'elle le fait souffrir, bien malgré elle, en le faisant « cocu », comme l'indiquent bien les deux tours en forme de cornes du Palais.
Ce Palais n'existe plus que dans le livre (et dans quelques photos jaunies), comme la majorité des choses que les hommes ont construites, qui n'existent plus effectivement que dans les livres, et dans la mémoire de ceux -peu nombreux- qui les lisent.


* Voici ces maximes (la plus belle est la première, devinez pourquoi) :



Il dépend de celui qui passe
Que je sois tombe ou trésor
Que je parle ou me taise

Ceci ne tient qu’à toi

Ami n’entre pas sans désir


***
Tout homme crée sans le savoir
comme il respire
Mais l’artiste se sent créer
Son acte engage tout son être
sa peine bien aimée le fortifie


***

Choses rares ou choses belles
Ici savamment assemblées instruisent l’œil à regarder
Comme jamais encore vues
Toutes choses qui sont au monde


***
Dans ces murs voués aux merveilles
J’accueille et garde les ouvrages
De la main prodigieuse de l’artiste
Égale et rivale de sa pensée
L’une n’est rien sans l’autre

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