lundi 4 mai 2009

Dalì créateur de la gare de Perpignan

C'est la façade de la gare de Perpignan (Perpinyà en catalan).
C'est une jolie gare mais dans l'ensemble des milliers de gares de France elle est quelque peu banale au point de vue architectural.
Moins banale, maintenant, avec la statue qui semble tomber, les pieds devant, du haut de son horloge.
Cette statue rappelle Salvador Dalí et sa proclamation à l'effet que «la gare de
Perpignan est le centre du monde».
On ne sait pas en général ce qu'il entendait par là. Peut-être désirait-il, lui, Catalan, faire une publicité à une ville de la Catalogne historique, partagée aujourd'hui hélas entre l'Espagne et la France (c'est ce que j'ai toujours pensé, je dois être nationaliste moi aussi).
J'ai cependant trouvé une citation qui pourrait expliquer une proclamation qui, nonobstant ce que je viens d'écrire, nous paraît à prime abord un peu ridicule comme la plupart des paroles prononcées par Dal
í (on s'imagine qu'il les prononçait toujours dans un but lucratif car l'anagramme de son nom, selon les Surréalistes, était «Avida Dollars»)
Voici la citation:

C’est toujours à la gare de Perpignan, au moment où Gala fait enregistrer les tableaux qui nous suivent en train, que me viennent les idées les plus géniales de ma vie. Quelques kilomètres avant déjà, au Boulou, mon cerveau commence à se mettre en branle, mais l’arrivée à la gare de Perpignan est l’occasion d’une véritable éjaculation mentale qui atteint alors sa plus grande et sublime hauteur spéculative.

Rappelons que dans la vie (réelle et intellectuelle) de Dal
í vie mentale et vie sexuelle s'équivalaient à peu près, d'où l'éjaculation... mentale ici.
Mais ce qui est étonnant c'est l'effet de cette proclamation: sur moi aujourd'hui qui ressens le besoin de parler de la gare de
Perpignan où je ne suis jamais allé mais que j'ai toujours envisagée (et envisage encore) comme une destination de voyage possible.
Et sur vous, peut-être, qui vous y intéressez maintenant que j'écris une note sur elle qui vous rappelle ce qu'en disait Dal
í.
Comme si une parole dite par une certaine personne -autorisée ou non mais en tous cas connue- faisait exister vraiment ce qui ne semblait exister jusque-là que d'une sorte d'existence virtuelle et comme si cette parole avait le pouvoir de faire apporter des modifications à cette chose qui n'auraient pas eu lieu sans elle.
Comme la statue tombante de l'horloge ci-haut.
Phénomène étrange et qui transforme l'auteur de la parole en une sorte de créateur de la chose dont il a parlé.
C'est ce phénomène que j'ai tenté de représenter dans la photo travaillée ci-dessous, avec Dal
í démultiplié (comme un dieu créateur, il aurait aimé que je le présente ainsi) au premier plan (et voyez sur l'horloge de la gare l'absence de statue -intéressante, n'est-ce pas?, cette expression: voyez l'absence).


4 commentaires:

VANGAUGUIN a dit…

Bien sûr, Jack!

Combien de choses n'ont qu'un intérêt banal, quelconque, indifférent, ordinaire, et n'en auraient aucun sinon par la transfiguration artistique, littéraire ou autre?
C'est bien un des "sens" de l'Art, non?

Quant à Perpignan, sauf le respect de ses habitants, c'est, dans le monde réel, pas celui de l'art, une ville très, très secondaire, et dispensable...

Et quant aux performances sexualo-psychiques de Dali, comme chantait, sans rapport (si je peux dire...), Boris Vian, "c'est même plus un cerveau, c'est comme de la sauce blanche..."...

Restent quand même quelques grandes oeuvres d'hyperréalisme-surréaliste.

Jack a dit…

Mais ce qui m'étonne c'est que dans le cas de la gare de Perpignan ce n'est pas par l'effet d'une œuvre d'art que la transfiguration a eu lieu mais par l'effet d'une simple parole, pas du tout artistique (me semble-t-il).
Est-ce un effet «people» et, alors, le «people-isme» serait-il un art? Le dixième (ou qu'importe le rang) art?

VANGAUGUIN a dit…

Un personnage célèbre et "différent" parle d'un "objet" quelconque, et aussitot ou presque l'objet se trouve associé à cette célébrité et cette différence; sans doute la somme de la renommée et du pouvoir médiatique ?...

Jack a dit…

Oui, le pouvoir médiatique, évidemment et qui aujourd'hui remplace tout.

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