dimanche 12 avril 2009

Un Sonnet de Shakespeare

Un bout de phrase de Pierre Assouline dans son blogue du Monde (là) qui montre bien l'admiration que le plus récent traducteur des sonnets de Shakespeare (Claude Mourthé*) voue à celui-ci:

... toutes les histoires sont déjà dans la Bible et celles qui ne s’y trouvent pas sont dans Shakespeare, complément qui est, pour ses admirateurs, seul susceptible de donner la mesure de son génie.

Et la traduction du sonnet numéro 20 «qui a conduit les exégètes sur la piste de la nature masquée du véritable récipiendaire de l’ensemble» (présenté selon la graphie snobinarde de présentation des vers qui a cours depuis 10 ou 12 ans dans les milieux branchés parisiens (ou sont-ils déjà ringards?), laquelle sépare ceux-ci (les vers, pas les ringards hélas) par une barre oblique et, à mon sens, par peur de la poésie, assimile ainsi la poésie à la prose).
Cette traduction est suivie de l'original anglais (dans la présentation traditionnelle des vers, puisque Shakespeare est un poète anglais qui, comme ses compatriotes, tient par-dessus tout à la tradition, riche de victoires et de génie).
Voyez, le poète aime ce jeune homme comme une femme mais c'est un homme qui a la beauté d'une femme. Qu'il fasse l'amour aux femmes, le poète l'aimera sans rien attendre de sexuel de sa part:

Un visage de femme fardé de la main de Nature,/ Voilà ce que tu as, de ma passion maître maîtresse,/ Un gentil cœur de femme, mais dépourvue/ De versatilité, attribut des traîtresses.
Plus vif est ton œil que le leur, et moins fourbe en œillades,/ Qui flattent tout objet sur lequel elles se posent./ Homme de par nature et pour toutes natures,/ Qui captive les hommes et éblouit, en leur âme, les femmes.
D’abord tu fus créé pour être l’une d’elles,/ Avant que Nature, te modelant, n’eût ce dérivatif,/ Et par un additif qui scelle ma défaite,/ Par l’ajout d’un objet qui dessert mon dessein.
Mais puisqu’il t’a membré pour le plaisir des femmes,/ Que ton amour soit mien, et son usage leur trésor.

Sonnet XX
A woman's face with Nature's own hand painted
Hast thou, the master-mistress of my passion;
A woman's gentle heart, but not acquainted
With shifting change, as is false women's fashion;
An eye more bright than theirs, less false in rolling,
Gilding the object whereupon it gazeth;
A man in hue, all 'hues' in his controlling,
Much steals men's eyes and women's souls amazeth.
And for a woman wert thou first created;
Till Nature, as she wrought thee, fell a-doting,
And by addition me of thee defeated,
By adding one thing to my purpose nothing.
But since she prick'd thee out for women's pleasure,
Mine be thy love and thy love's use their treasure.
Où l'on pressent peut-être que Shakespeare est bien près d'Almodovar et, davantage, de notre temps (mais n'est-il pas de tous les temps?).

* Celui-ci consacre un blogue à Shakespeare (ici)

3 commentaires:

orfeenix a dit…

J'aimerais trouver que la sexualité des écrivains est anecdotique mais la vérité est que cette révélation me chagrine, j' étais amoureuse de lui à titre posthume...en revanche le sonnet est très beau.

Jack a dit…

J,ai ajoutéquelque chose qui pourra peut-être vous consoler:le poète aime ce jeune homme comme une femme mais c'est un homme qui a la beauté d'une femme. Qu'il fasse l'amour aux femmes, le poète l'aimera sans rien attendre de sexuel de sa part.
Shakespeare, tout en aimant ce jeune homme, faisait manifestement l'amour aux femmes.

Anonyme a dit…

le sonnet est superbe de sensibilité et la traduction un modèle de rigidité qui le massacre. Heureusement qu'il y a des dictionnaires !

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