vendredi 27 mars 2009

Artémis ou l'humanité? Une biche ou la Nature? Quoi encore?

C'est le deuxième coup de cœur de Marc Mayer dans la collection du musée dont il est le nouveau directeur à Ottawa (voir le début de l'histoire ici)
Je ne trouve pas cette sculpture particulièrement belle au point de vue esthétique malgré le fait que les figures soient sculptées selon les canons de l'art classique.
Mais leur disposition n'est pas classique et donne une impression de vulgarité.
Je crois que ce n'est pas vraiment ce que recherche l'art moderne, la beauté.
Il y a très souvent quelque chose qui choque, voire répugne, à prime abord dans cet art.
Ou scandalise. Ou indigne.
Mais il y a quand même du sens qui s'en échappe, si je puis dire, si l'œil d'un spectateur s'en mêle.
Est-ce ici une reprise, -inversée- du mythe d'Artémis et d'Actéon?

Artémis et le cerf, sculpture hellénistique du Louvre

Dans ce mythe Artémis transforme Actéon en cerf et le livre à ses chiens parce qu'il l'a vue nue au sortir du bain.
Il y a une mise à mort.
Dans la sculpture de Kiki Smith, il y a don de vie : la biche (femelle du cerf) donne naissance à une femme qui pourrait à la rigueur être Artémis (l'objection principale est qu'elle est nue comme ne l'était jamais la déesse).
Mais c'est une voie intéressante d'interprétation.
Une autre, plus moderne: la nature (symbolisée par la biche) donne naissance à l'humanité, la femme nue.

L'humanité représentée par une femme plutôt que par un homme comme dans l'art « classique ».
Ces deux interprétations ne sont pas les seules possibles, évidemment.
Cela montre que cette œuvre est une œuvre d'art car c'est une caractéristique de l'art que de susciter une multiplicité de sens, infiniment.
Et puisqu'il a été question d'Artémis je m'en voudrais de ne pas vous présenter ici le poème de Gérard de Nerval qui s'intitule « Artémis », dont l'interprétation est plus problématique encore que la sculpture dont je viens de parler:

Artémis

La Treizième revient... C'est encor la première;
Et c'est toujours la Seule, - ou c'est le seul moment:
Car es-tu Reine, ô Toi! la première ou dernière?
Es-tu Roi, toi le seul ou le dernier amant? ...

Aimez qui vous aima du berceau dans la bière;
Celle que j'aimai seul m'aime encor tendrement:
C'est la Mort - ou la Morte... Ô délice! ô tourment!
La rose qu'elle tient, c'est la Rose trémière.

Sainte napolitaine aux mains pleines de feux,
Rose au cœur violet, fleur de sainte Gudule,
As-tu trouvé ta Croix dans le désert des cieux?

Roses blanches, tombez ! vous insultez nos Dieux,
Tombez, fantômes blancs, de votre ciel qui brûle:
- La sainte de l'abîme est plus sainte à mes yeux!


1 commentaire:

orfeenix a dit…

Je vois dans cette étonnante sculpture le mythe revisité et féministe de la création d' Eve qui ne serait plus tirée de la côte d' Adam et dominerait sur les animaux dont elle est issue sans besoin d' hommes.
Quant au poème hermétique de Nerval, il m'inspire que le pauvre s'est plus d' une fois fait déchirer par la meute d'une femme sans pour autant avoir eu le loisir de contempler sa nudité!

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