vendredi 6 février 2009

Noir: dessin et «tracel»

Puisque j'ai commencé à parler du noir en faisant une note sur la peinture murale à fond noir de Pompéi (voir ici), je vais parler du dessin photographié ci-dessus -qui est, effectivement, en noir et blanc (disons en niveaux de gris) et dont le cadre et la passe-partout sont noirs.
(Veuillez excuser la photo, elle est de moi et je ne suis pas Araldo de Luca).
Ce dessin est de Paméla Landry, une étudiante du baccalauréat en arts plastiques de l'Université du Québec à Chicoutimi. C'était un travail étudiant et je l'ai acquis d'elle à la fin des années quatre-vingt. Paméla Landry, si j'en crois le CV que j'ai trouvé sur Internet, se consacre maintenant uniquement à la sculpture.
Son dessin m'a plu malgré ses imperfections à cause des traits effacés du jeune homme qui en constitue le personnage principal -qui permettent de reconnaître en lui soi-même et un certain nombre d'autres personnes- et à cause de la mélancolie qui se dégage de sa marche nocturne sur les traverses des rails d'un chemin de fer.
Le dessin s'intitule «Le Tracel».

Ce terme, «tracel», est le mot qu'ont forgé les Québécois à partir de l'expression anglaise «trestle bridge» et qui signifie «viaduc à tréteaux».
À vrai dire, le terme apparemment anglais «trestle» est, au Moyen Âge, le mot français pour «tréteaux» (du latin «transtillum», «traverse») et les Québécois, en l'occurrence, n'ont fait que reprendre le bien que l'anglais avait jadis volé à leur langue, comme «le geai qui s'était paré des plumes du paon» (voir la fable de La Fontaine ci-dessous et qui caractérise bien l'action de l'anglais à l'égard du français: le vol est «un hommage que le vice rend à la vertu»).
Il y a un «tracel» célèbre au Québec; c'est celui qui se trouve à Cap-rouge (photo ci-dessous), près de Québec, aux environs du lieu où Jacques Cartier et ses compagnons ont hiverné en 1541 ou 1542 et où ils avaient l'intention d'établir une colonie.
Devant les affres de l'hiver ils ont renoncé à la colonie.

Le jeune homme du dessin entretient-il des pensées suicidaires en s'aventurant ainsi sur le «tracel», en principe interdit aux piétons? Veut-il narguer le danger? On ne sait. Mais sa mélancolie et sa témérité me le rendaient sympathique.
Voici le «tracel» de Cap-rouge (vu d'en haut, un jour de pluie, et d'en bas, un jour de sécheresse).



Et voici la fable de La Fontaine.

Le Geai paré des plumes du Paon

Un Paon muait : un Geai prit son plumage;
Puis après se l'accommoda;

Puis parmi d'autres Paons tout fier se panada,

Croyant être un beau personnage.

Quelqu'un le reconnut : il se vit bafoué,

Berné, sifflé, moqué, joué,

Et par Messieurs les Paons plumé d'étrange sorte;

Même vers ses pareils s'étant réfugié,

Il fut par eux mis à la porte.


Il est assez de geais à deux pieds comme lui,

Qui se parent souvent des dépouilles d'autrui,

Et que l'on nomme plagiaires.

Je m'en tais, et ne veux leur causer nul ennui:

Ce ne sont pas là mes affaires.



3 commentaires:

orfeenix a dit…

Dans ce dessin qui en effet retient l'attention, je vois la mécanisation qui fait de l' homme une "bête humaine" sans visage.

orfeenix a dit…
Ce commentaire a été supprimé par l'auteur.
Jack a dit…

Peut-être.

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