vendredi 17 octobre 2008

Sacrifices

Quand on fait le projet de visiter un pays on doit faire d'avance un certain nombre de sacrifices.
Pour l'Italie les sacrifices ont été innombrables. Mais j'ai l'espoir de les réparer. Je veux voir Ravenne et Syracuse (écoutez, tout à fait en bas de cette note, la chanson «Syracuse», par Yves Montand, cette chanson est presque un programme de voyage).
Ils ont été moindres pour la Grèce, quoique j'aurais bien aimé visiter Corfou et, tout près de Corfou, Ithaque, à cause d'Homère et d'Ulysse et de l'Odyssée.
Pour l'Espagne, je croyais bien trouver le temps et le moyen, dans les moments libres que nous laissait la programmation du voyage que nous avions choisi, de voir soit Aranjuez (en haut, photo trouvée sur Internet), soit l'Escurial (en bas, photo également trouvée sur Internet).
Aranjuez, la ville du concerto de Rodrigo, dont l'Adagio est si triste et si beau.
L'Escurial, le palais-monastère de Philippe II, qui a la forme du gril où a été martyrisé saint Laurent.
Ou La Granja, le palais de la nostalgie de Philippe V.
Il y a tant d'histoire attachée à La Granja, et il y a ces airs que le castrat Farinelli -désormais au service exclusif du roi- devait chaque soir chanter pour apaiser la folie de Philippe V.
J'avais déjà fait le sacrifice de Salamanque, de Burgos, d'Avila.
Hélas, il y avait tant de choses que nous ne pouvions pas ne pas voir à Madrid et à Tolède.
Et à Séville, Cordoue, Grenade et Valence.
Valence.


C'était pour moi la ville de Rodrigue et de Chimène. La ville du Cid (une représentation anachronique ci-dessus), oui, du Cid de Pierre Corneille.
Celui qui est partagé entre son amour pour Chimène et l'honneur de son père bafoué par le père de Chimène.

Percé jusques au fond du cœur
D’une atteinte imprévue aussi bien que mortelle,

Misérable vengeur d’une juste querelle,

Et malheureux objet d’une injuste rigueur,

Je demeure immobile, et mon âme abattue

Cède au coup qui me tue.

Si près de voir mon feu récompensé,
O Dieu! l’étrange peine!
En cet affront mon père est l’offensé,
Et l’offenseur le père de Chimène!

Hélas, je n'ai vu aucun signe du Cid à
Valence. Nul n'en a parlé. Et la guide n'a pas semblé comprendre ma question à son sujet.
C'est un autre type de sacrifice que l'on doit faire quand on fait un voyage.
Inattendu celui-là. Faire le sacrifice de ne pas rencontrer ce qu'on s'imaginait pouvoir voir là même où on croyait pouvoir le voir.
Adieu Rodrigue et Chimène*, je n'ai rien vu de vous dans la ville dont vous étiez la reine et le roi.
Qui s'intéresse encore à la littérature, aux épopées médiévales, aux tragédies classiques françaises, à
Pierre Corneille?


Voici la chanson promise:



J'ai beau me répéter les vers de Baudelaire, (dans «Le Voyage»),

Ah ! que le monde est grand à la clarté des lampes!
Aux yeux du souvenir que le monde est petit!

je ne pourrai jamais me consoler de ne pas avoir visité toutes les villes dont la chanson parle.

* Ils sont inhumés à Burgos.

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