mardi 19 février 2008

Apothéose de l'Inconnu(e)

Des ami(e)s qui entretiennent -légitimement ou non- des correspondances électroniques avec des inconnu(e)s m'ont parlé d'une sorte d'effet d'amplification (déification? apothéose (c'est le même sens originellement)?) de leur correspondant(e).
Flaubert (à droite) parlait déjà de cet effet dans Madame Bovary, mais cet effet se produisait dans une correspondance postale, si je puis dire.
L'héroïne, Emma Bovary, écrit des lettres à Rodolphe dont elle est amoureuse. Voici ce qu'elle ressent à l'égard de celui-ci, selon Flaubert, au fur et à mesure que se développe sa correspondance:

«(..) en écrivant, elle percevait un autre homme,
un fantôme fait de ses plus ardents souvenirs,
de ses lectures les plus belles, de ses convoitises
les plus fortes; et il devenait à la fin si véritable,
et accessible, qu'elle en palpitait, émerveillée, sans
pouvoir néanmoins le nettement imaginer,
tant il se perdait, comme un dieu, sous
l'abondance de ses attributs.»

Cet effet de déification mes ami(e)s me disent qu'il allait jusqu'à susciter chez eux du désir et des sentiments passionnés pour leur correspondant(e), et ce qui s'ensuit
parfois...
Ce phénomène, je crois, ressemble à celui qu'on éprouve à la lecture d'un récit littéraire ou non qui nous amène à nous identifier au héros. En tous cas, pour ma part, avant de lire d'une manière distanciée ces textes, j'ai éprouvé un sentiment très fort d'identification à Fabrice* del Dongo, le héros de La Chartreuse de Parme de Stendhal
(ci-dessous)



et au Narrateur d'À la recherche du temps perdu de Marcel Proust (ci-contre).

Mais naturellement l'effet dont me parlent mes ami(e)s, il se produisait à l'égard de personnes qu'ils/elles croyaient réelles: la rencontre de ces personnes dans la réalité était parfois très décevante et démontrait la force de l'imagination de mes ami(e)s et, sans doute, de tous les humains. Une ou deux exceptions cependant: la différence était grande entre le réel et l'imaginaire mais le réel était assez intéressant pour qu'une relation se noue.
Je ne sais pas si on l'a déjà fait mais peut-être pourrait-on écrire un roman qui mettrait en scène différents types d'échanges électroniques et les effets que ces échanges amènent dans ceux qui en sont les protagonistes. Évidemment l'amour est l'amour mais peut-être qu'il serait possible d'en découvrir de nouveaux aspects -et de nouveaux aspects des chagrins et des méprises qui l'accompagnent nécessairement.

* Mais le sentiment à l'égard de ce héros est resté si fort -et celui de ma femme était équivalent au mien- que lorsque est venu le temps de choisir un prénom pour notre fils nous lui avons donné celui de Fabrice.

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